Publications prochaines :

La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

samedi 29 janvier 2022

La place d'une autre, un film d'Aurélia Georges

Je ne connaissais pas la réalisatrice Aurélia Georges et je suis allée voir son film parce que la question de l'identité et de la place m'intéressent beaucoup. Je l'ai d'ailleurs abordée récemment à propos de la biographie de Belle Greene écrite par Alexandra Lapierre qui commence elle aussi au début du vingtième siècle, mais aux Etats-Unis.

La place d'une autre commence en 1914, époque difficile à bien des égards. Très vite, et on s'en réjouit pour elle, Nélie (Lyna Khoudriéchappe d'une certaine manière à une existence misérable en devenant infirmière auxiliaire dans les Vosges sur le front des combats. Sa vie n'est pas pour autant réjouissante. Soudain, alors que les allemands ont fait exploser le poste de secours, elle a l'opportunité de prendre l’identité d'une jeune femme issue de la très bonne société suisse (Maud Wylerqu’elle a vue mourir sous ses yeux, et qui était promise à un meilleur avenir que le sien. Nélie se présente à sa place à Nancy chez une riche veuve, Eléonore (Sabine Azéma), dont elle devient la lectrice. Le mensonge fonctionnera à merveille. Mais peut-on se maintenir dans une place qui n'est pas la sienne ?

Aurélia Georges est née en 1973, vit et travaille à Paris. Ce film est son troisième et il est très abouti. Elle a co-écrit un scénario qui concilie les exigences du film d’époque et du thriller. Les dimensions sociales et psychologiques sont finement analysées. Et bien que se déroulant il y a plus de cent ans on se sent proche des personnages dont la caméra invite notre regard à "prendre la place" de l'une puis de l'autre.

Est-il moral de se glisser dans une autre identité que la sienne quand le sort nous a été défavorable ? Cela reviendrait à se faire justice soi-même. On peut se dire pour minimiser que c'est "juste la chance qui tourne". Mais ensuite, peut-on reprendre une posture exemplaire alors qu'on s'est construit sur un mensonge ?

On en vient immanquablement à prendre parti, puis à douter, puis à espérer un dénouement mais on manque d'imagination pour y parvenir. Du coup le suspense ne faiblit jamais et c'est heureux. Et sans révéler quoique ce soit il est très intéressant (même si pour cela les scénaristes se sont écartées du roman) que le conflit soit réglé entre femmes alors que la société de cette époque est entièrement dominée par les hommes.

Sabine Azéma dispose d'une partition très fine. On retrouve avec plaisir Lyna Khoudri, qui avait été remarquable dans Papicha et qui campe une jeune femme courageuse. Laurent Poitrenaux excelle dans son rôle de pasteur et de directeur de conscience. on peut aussi le voir en ce moment dans une position qui n'est pas très éloignée dans Les promesses.
 
La place d'une autre, un film d'Aurélia Georges
Scénario : Aurélia Georges et Maud Ameline d'après The New Magdalen de Wilkie Collins (1873)
© Éditions Phébus, Paris, 2007, pour la traduction française d’Eric Chedaille.
Avec Lyna Khoudri (Nélie), Sabine Azéma (Eleonore), Maud Wyler (Rose), Laurent Poitrenaux (Julien), …
Présenté en compétition officielle au Festival de Locarno 2021
Coup de cœur du président du jury du Festival d’Angoulême 2021
Au cinéma depuis le 19 janvier 2022

Aucun commentaire:

Articles les plus consultés (au cours des 7 derniers jours)