La Semaine du Goût, édition 2008, s'achève. Invitée à la soirée je m'apprête à me réjouir sans imaginer un instant que les fautes de goût allaient se multiplier.
Le carton d'invitation précisait "valable pour deux personnes" comme il est de bon ton dans les soirées officielles comme au théâtre. C'est tout de même un effort de sortir dans la nuit et le froid, de rentrer tard en RER. Alors c'est plutôt sympathique d'aller "travailler" (parce que cette soirée n'est pas pour moi une simple distraction) en bonne compagnie. C'est un peu du donnant donnant. On accepte de jouer le rôle de la clique (qu'est-ce qu'on nous aura fait applaudir !) à condition de recevoir en échange ... mais quoi au fait ?
Des informations ? Les quelques fautes d'orthographe du dossier de presse n'alarmaient pas la batterie de jeunes filles qui s'en moquaient comme de leur première omelette. On ne peut pas dire que les petits films promotionnels qui ont suivi étaient autre chose que de la communication bien pensée. Si encore chaque nominé y avait eu droit ! Mais seul le gagnant était mis en avant.
Qu'a-t-on appris de neuf ? Que le boucher de la rue de Varenne n'a pas de souci de prix de vente parce qu'il a la chance d'avoir une clientèle qui ne réclame pas de tarifs à la baisse. On s'en serait douté !
Qu'un saucisson pur sanglier, roulé à la main, attend les organisateurs à la boutique ? Inutile de le clamer et de le répéter au micro devant une assistance qui va saliver !
Que le présentateur connait chacun de nous ? (vous avez remarqué, je ne cite même pas son nom, il est suffisamment connu comme çà, je vous donne quand même ses initiales pour vous mettre sur la voie s'il le faut JLPR, pardon JLP, mais c'est vrai que j'aurais envie de couper son nom de famille en deux tellement sa prestation ce soir fut "petite") Il a prétendu un millier de fois qu'il avait sur ses fiches tous nos prénoms, suggérant qu'e nous étions tous des amis. C'est vrai que ce ne sont que ses amis qui furent lauréats. Ce furent les seuls dont il n'écorchait pas le nom. Les autres, il avait bien du mal à lire leur patronyme sur ses fiches, malgré ses lunettes et son bras tendu au maximum ... la presbytie ne facilite pas la vue de celui qui a insuffisamment répété son texte. Les allers retour en coulisses pour se faire souffler la suite furent pitoyables. Il eut beau dire "je maitrise la situation" c'était un marché de dupes ...
Les blagues étaient à la mesure du personnage, de la bouffonnerie. Les allusions aux boissons alcoolisées s'amplifiaient à mesure que la soirée avançait. Superflu de nous confier que son apéritif préféré est l'americano, tout le monde le sait déjà. Inutile de nous dire que le champagne débordait en coulisses, je m'en étais déjà rendue compte l'an dernier alors que l'ivresse d'un invité littéraire était patente. Au moins, cette fois-ci il ne sera pas entré inopinément sur scène avec la coupe à la main ...
Que reste-t-il de ce moment ? Des souvenirs musicaux ... à défaut d'avoir réjoui nos papilles, nos oreilles ont été bien remplies par la fanfare des Beaux-Arts.
Que dire de ceux qui sont venus remettre les prix aux amis de JLP ? Pas de ministre cette année, on aura compris que le monsieur (l'organisateur s'entend) était vexé. Mais les compagnons de table étaient là, fidèles. Les voisins aussi. C'est étonnant : ils habitent tous dans le même quartier, fréquentent le même marché, achètent (achètent ?) les mêmes produits ... c'est sûrement qu'ils ont tous les mêmes goûts. Et c'est là que je suis déçue, très déçue, parce que justement je comptais sur ces personnages influents pour me faire découvrir des nouveautés, ou pour réhabiliter des produits oubliés.
Je ne les mettrais malgré tout pas tous dans le même panier. Il y eut Yves Calvi, plutôt mal à l'aise par la logorhée de son copain, qui essaya de faire bonne figure. Il y eut Catherine Jacob qui resta digne et impassible quand on lui amena des choux à la crème. Croyait-on qu'elle allait s'empiffrer en direct en remerciant ? C'est peu de considération pour cette dame !
Il y eut surtout Alexis Gruss, confondant de sincérité. Voilà un homme qui aurait des choses à nous raconter sur la vie, sur la cuisine, sur les découvertes gastronomiques qu'il a faites sur les routes. Je gage qu'il lui est moins difficile de dresser un cheval sauvage que de parvenir à garder le micro pour nous livrer une des meilleures recettes de sa maman. Écoutons-le un instant : coupez en deux des petits melons de Cavaillon chauffés par le soleil de septembre, déposez-y des grosses mûres noires cueillies au retour de la pêche, arrosez d'un trait de muscat de Beaumes-de-Venise, et régalez-vous en famille devant la caravane.
Car JLP est incontrôlable. Il ne craind pas les doubles injonctions. Son discours fut constamment à double sens. Il célèbre mais il écorche. Il nous invite mais il ne s'adresse qu'au parterre. Il connait tout le monde mais il ignore la corbeille. Il se veut dénicheur mais il n'honore que ses amis. (vous me direz que les gens qu'il célèbre sont devenus ipso facto ses amis, soit). Il fait le timide mais il cabote. Il esquisse un pas de danse en s'excusant.
Quelle misère ! Sa fille a bien raison quand elle le prie d'arrêter ses simagrées.
Voici enfin le clou de la soirée. Ils sont tous rappelés sur scène pour la photo. Avec au milieu les deux lauréats de la MAAF. Pour leur travail de réconciliation entre le goût et la santé. On aimerait en savoir plus sur le challenge et sur les critères de sélection de cet assureur, nouveau venu dans l'aréopage des partenaires prestigieux de la manifestation.
Ne me demandez pas qui sont ces personnes. Je n'ai pas eu le temps de noter. Ceux-là ne sont pas (pas encore) de la confrérie ... J'aurais bien voulu les rencontrer à la fin. Mais il aurait fallu que j'accompagne le gratin, ce dont je n'avais absolument pas envie cette année ... J'ai oublié de vous dire : les "invités" dont la présence n'était pas souhaitable au-delà du dernier salut étaient badgés d'une gommette jaune sur le revers de leur veston. C'était tellement délicat que la décoration fut retirée illico par plusieurs à qui elle rappelait de mauvais souvenirs. Par solidarité j'ai décollé ma gommette blanche et m'en suis tenue à la partie officielle de la soirée.
Je ne vous en dirai pas plus non plus sur ceux qui furent distingués en tant que "talents du goût". Je ne remets pas en cause leur qualité qui doit être immense mais l'art et la manière dont on les a mis en lumière. Que les artisans mouliniers fournisseurs d'huiles vierges me pardonnent le mauvais jeu de mots du titre du billet. C'était trop tentant pour une ex-orléanaise, déçue par le dédain de JLP à l'égard du vinaigre. Que voulez-vous, on n'attrape pas des mouches avec ... Peut-être reviendrais-je un jour sur l'un ou l'autre dans un autre contexte. S'il m'est donné de les "rencontrer pour de vrai" car je n'ai pas participé aux débordements gastronomiques qui ont suivi. Quitter dégoutée ce soir le théâtre Edouard VII était un comble.
Mais que JLP se rassure : je n'ai pas besoin de m'exclamer, comme dans la pub, que je l'aurai puisque je l'ai eu !!!!
4 commentaires:
Je comprends tout à fait, Marie-Claire !!
J'ai eu à peu près la même impression il y a déjà plusieurs années lors de la remise des prix "Produits de l'année", superbe opération marketing, rondement menée. L'écœurement face à des invités se jetant sur les produits comme s'ils n'avaient pas d'argent pour se les acheter, la totale méconnaissance des réelles innovations, la fatuité de certains organisateurs. Bref, trop c'est trop ! Je fuis depuis toutes ces manifestations d'un microcosme "bling bling" qui me donne des boutons!
J’ai lu votre article. D’une certaine façon heureusement que vous ne soyez pas restée après car certaine personne pour laquelle vous avez aimé l’attitude sur scène m’a personnellement déçu sur l’après-scène. Mais bon…
Quel dommage que vous ne vous déplaciez plus ; il faut soutenir ceux qui font bien et ne pas rentrer dans le jeu de ceux qui font différemment.
J’ai regretté quelques attitudes, phrases, ou manques mais il faut les voir, les dire dans le but d’une amélioration. C’est ce que je souhaite en tout cas.
Bien cordialement.
Si les journalistes ont tendance à ne pas savoir refuser à leurs "copains" de soutenir des opérations un peu artificielles le bloggeur peut davantage rester libre, puisqu'il n'est pas rémunéré, enfin pour ce qui me concerne, parce que je sais qu'il y aurait aussi là matière à discuter.
C'est au nom de cette liberté d'opinion et de ton qu'il me semble sain de donner un avis argumenté. C'est ce que j'ai fait.
Je ne veux effectivement pas me déplacer n'importe où. Par contre je suis prête à continuer à "célébrer" les artisans,les commerçants (et les artistes),connus ou pas, dès lors que leur travail vaut qu'on se donne un peu de peine.
Bonjour Marie-Claire, j'ai relu deux fois ton article. Je partage ta manière d'être libre et dire ce que tu penses. C'est mon genre! Le problème c'est que moi, lectrice bloggueuse lambda, je ne sais absolument pas de quoi tu parles.....Je ne connais pas ces initiales, je ne connais pas la rue de varennes.. Je n'ai jamais entendu parler de cette soirée et de son importance. Suis-je vraiment OUT?!
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