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mercredi 18 mars 2009

Jean Després et les bijoutiers modernes au Musée des Arts décoratifs

Jamais encore le bijou avant-gardiste de la période arts déco n'avait fait l'objet d'une exposition. C'est dire la chance que j'avais de découvrir les pièces la veille de l'ouverture officielle et de pouvoir en photographier quelques-unes.

300 bijoux et pièces d'orfèvrerie des années 30 sont rassemblés au Musée des arts décoratifs, traduisant la modernité de l'époque par des matières, un graphisme, et des thèmes particuliers, s'inspirant du cubisme, du futurisme et du constructivisme russe.

Pour la première fois une rétrospective est consacrée à Jean Després (1889-1980). Ce grand artiste dont le nom est peu connu du grand public a connu pourtant un immense succès de son vivant. L'oubli provient probablement du fait qu'il n'avait jamais été exposé. Également de la conséquence de la fermeture de son atelier à sa mort puisqu'il n'avait jamais voulu former de successeur. Les quelques citations de cet homme affichées sur les murs laissent entrevoir un caractère bien trempé, peu enclin à la tolérance. Comment interpréter autrement cette phrase choisie au hasard : la mécanique impose une discipline toute moderne de précision et de robustesse ainsi que le rejet de ce qui est inutile et compliqué.
Les formes sont épurées, architecturées. Les lignes sont géométriques, combinant sobrement cube et rectangle. Il associe sur des bagues étain et ébène macassar comme on le faisait déjà dans le mobilier dès les années 20. Chaque pièce est unique. Nous ne sommes pas dans l'univers de la joaillerie mais le succès est rapide.
L'univers de la mécanique est très présent. Bielle, engrenage, roue dentée sont lisibles sur ses bijoux.


Il conçoit aussi des bijoux-glaces en argent et verre en s'associant avec le lorrain Etienne Cournault qui assure la gravure et la peinture sous verre, et sur l'envers. La couleur rouge sur fond noir est caractéristique de leur collaboration.


Il travaille ensuite un an avec le céramiste Jean Mayodon, futur directeur de la manufacture de Sèvres. C'est en 1937. Ce pendentif en est un exemple.


Dans les années 70 il revient au lisse et au martelé. Et il emploie des pierres "brutes", ce qui est une nouveauté.

La palette de Jean Després s'étend au mobilier liturgique. Une grande exposition fut organisée à Vezelay dans les années 50 alors que Puiforcat en était le maitre incontesté.

Il a aussi travaillé l'orfèvrerie, souvent pour une clientèle bourguignonne, en s'attachant à renouveler le design des couverts, quitte à passer beaucoup de temps sur une seule pièce. L'idée était que chaque maitresse de maison puisse avoir les siens propres. Par contre l'ergonomie n'est pas toujours optimale ...

D'autres bijoutiers sont à l'honneur. C'est Jean Dunand, dinandier et laqueur, fasciné par les bronzes japonais. Il découvre, en essuyant son pinceau sur un chiffon, que le laque (le mot est masculin) pourra épouser un vêtement. Il en fera pour madame Agnès, célèbre modiste qui saura le convaincre de faire aussi des bijoux. Madeleine Vionnet, Joséphine Baker comptent parmi ses clientes. Il créé le collier girafe et imagine d'élégants étuis à cigarettes puisque désormais la femme fume en société.

C'est un expérimentateur qui incrustera le cuivre avec l'argent, puis les coquilles d'œufs dans les laques. Ses bracelets manchette sont radicalement nouveaux.

Gérard Sandoz ( 1902-1995), très doué, fera des bijoux très remarqués avant de se lancer dans le cinéma. Ses créations ont une originalité encore perceptible comme cet étui dont le dessus en trompe l'œil semble être le rabat d'une pochette en tissu.

Les petits sacs minuscules, dits "minaudières" ont été imaginés par les bijoutiers de la place Vendôme.
Jean Fouquet (1899-1984) associe avec audace le cristal de roche avec le bois, l'aigue-marine avec le corail. L'or blanc succèdera au platine. Les pierres semi-précieuses autoriseront des bijoux plus imposants. Ce bijoutier s'était lié avec Aragon et Eluard. Arletty porta ses bijoux.
Raymond Templier (1891-1968) est davantage inspiré par le courant futuriste, ce qui se sent avec la répétition des motifs. De nouveaux besoins apparaissent avec l'émancipation féminine. Les femmes désirent des étuis à cigarettes qui soient des œuvres d'art. Les créateurs en profiteront pour célébrer l'industrie et les nouvelles tendances comme le jazz ou la compétition sportive. Le goût de la vitesse se retrouve dans ces lignes évoquant le compteur d'une voiture, le clavier d'une machine à écrire ou les rails du chemin de fer.

Une nouveauté apparait en 1920 avec le clip, une idée venue de la pince à linge et qui sera plus tard brevetée par Cartier.
Il orne le chapeau, la veste, ou intervient pour magnifier un bijou épuré. L'objet autorise les transformations.

Le bijou s'apparente à une sculpture. Plus il devient monumental plus il s'arrondit, surtout quand ses créateurs seront des créatrices.

L'exposition est aussi l'occasion d'admirer une autre innovation : les bijoux dits irradiants qui sont une mosaïque de petits miroirs sertis en nid d'abeilles. Et de rêver devant de belles pièces de collection prêtées par les grandes maisons que sont Cartier, Boucheron, Van Cleef & Arpels.

Certaines autres sont grandioses comme ce bracelet qu'un système astucieux de ressorts intérieurs permet d'enfiler. Ou encore celui-ci réversible, d'une préciosité ravissante, pour pouvoir être porté différemment le jour et la nuit.

Mais nombreux sont ceux qui révèlent une certaine simplicité annonçant le bijou que l'on porte aujourd'hui.

Musée des Arts décoratifs - jusqu'au 12 juillet 2009
107 rue de Rivoli - 75001 Paris - Tél. : 01 44 55 57 50

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