C'était ce soir à Châtenay-Malabry et je dois d'emblée dire que j'ai laissé sur place l'enthousiasme que j'avais dans les poches.
Des souvenirs ont ressurgi, d'un concert en plein air de MC Solaar en juin dernier. Un rap mélodieux, des textes dynamiques, élégants et incisifs, ponctués de poésie. Avec l'album, Chapitre 7, sorti en 2007 il avait remporté la même victoire de l’Album de musique urbaine que celle d'Abd Al Malik il y a quelques jours avec Dante. Tous deux sont amateurs de littérature mais quand ce dernier multiplie ce qu'il appelle des hommages MC avant lui avait digéré ses sources pour inventer quelque chose de vraiment nouveau.
Le concert d'Abd Al Malik a démarré au pas cadencé des Soldats de Plomb. L'ombre du chanteur se détachant à contre-jour m'a semblé immense. Mais je préfère les petites notes cristallines d'Au clair de la lune de MC Solaar implorant le sauvetage de l'enfant soldat.
Beaucoup de titres du dernier album, Dante, dont l'intitulé est bien entendu une allusion à l'enfer. Depuis mon fauteuil je vois les lumières des écrans des portables des "pirates" de la fosse qui filment en plan serré. Je serai surprise de constater que rien n'a été posté le lendemain sur You tube. J'ai beau être proche, connaitre par cœur tous les titres, savoir quelles références ont été empruntées à quels artistes, voilà que je ne goute pas l'échange.
Autant l'an dernier j'avais été touchée par ce fait d'hiver en plein été, quand de galère en galère Armand s'était retrouvé clochard, jusqu'à en en mourir, autant le Gilles de ce soir ne m'impressionne pas.
Est-ce que la fosse à moitié pleine (ou à moitié vide, c'est selon) installe une distance psychologique, est-ce lui qui n'est pas en forme, ou moi qui n'ai pas la tête à ... toujours est-il que je ne savoure pas le concert. Entendre Abd Al Malik raconter comment Bilal, son acolyte et conseiller, l'a appelé pour lui faire écouter un "truc de ouf par un type qui avait un flow extra", à savoir Claude Nougaro, ne me fait plus d'effet. Je l'ai trop entendu. Apprendre qu'il a intitulé sa chanson Paris mais en réponse au Mais Paris de Nougaro pour "singulariser" ne m'éblouit pas. C'est vrai que son phrasé est bien ficelé, appuyant sur les finales, faisant résonner bitume, belle, envol et rouler le rrrr du mot couleurs. Mais c'est sans grande émotion.
Inutile de souhaiter la bienvenue dans un monde de respect et de responsabilité. Personne ne croit à ce personnage de Monsieur Loyal. C'est peut-être du lourd, mais cela semble convenu. Noyer les spectateurs dans la lumière lorsqu'ils applaudissent casse l'ambiance.
Encore un conseil de Bilal : soyons rock and roll propose l'artiste qui enchaine avec le 12 septembre 2001. Désolée mais cela ne passe pas. Qui pourrait trouver du rock and roll dans cette célébration ? Puisqu'on ne peut pas refaire l'histoire je préfère l'humour de MC quand il cite les tours jumelles. Son héroïne lit Dolto, la Juliette d'Abd Al Malik lit Malraux. Un point partout.
Avec Circule petit, circule, l'émotion arrive enfin sur le plateau. Les sanglots dans la voix émeuvent le public mais elle se poursuit à peine le temps de Je veux juste rentrer chez moi. C'est déjà la rituelle présentation des musiciens avec l'ordre de faire du bruit pour les uns puis les autres. C'est comme cela qu'il appelle les applaudissements. Arrive le douzième morceau. La salle est de nouveau en pleine lumière. Le chanteur annonce la couleur : voilà le morceau baromètre, qui permet de voir si le public est vraiment là. Au moins reconnaissons qu'il n'emploie pas la langue de bois.
C'est Gibraltar, le titre de l'album éponyme, celui qui l'a propulsé en haut de l'affiche, avec lequel il a eu sa première victoire de la musique. L'aurait-il décrochée si le grand Jacques avant lui n'avait écrit Amsterdam ? Car je veux bien qu'on parle d'hommage mais ici cela frôle la décalcomanie ... Plus de la moitié de l'album s'inspire d'autres œuvres. Citons Nina Simone, Fairouz, Jean Ferrat, Serge Lama et tant d'autres ...
Il exige encore du public qu'il fasse du bruit et celui-ci, bon prince, s'exécute. Je veux vous entendre, hurle-t-il. Nous n'aurons plus que l'alchimiste, treizième et dernier titre de la soirée et ultime message bien ciblé.
Le chanteur, main sur le coeur, et enfin souriant, salue longuement avec ses musiciens. On a compris qu'il est inutile de taper du pied : il ne reviendra pas.
On m'a rapporté que plus tard dans la soirée il avait accepté contre toute attente de rencontrer les élèves d'un atelier de Slam de Palaiseau et que l'échange avait été un moment de pur bonheur. Sans doute ces privilégiés ont-ils retrouvé l'homme Abd Al Malik que j'avais découvert dans une émission de Pascale Clark, chantant a capella avec une sincérité intense. Ou celui là même qui défend ses idées avec calme et raison dans des débats qui ne sont pas gagnés d'avance. Comme quoi ce n'est sans doute pas en faisant beaucoup de bruit qu'on se fait le mieux entendre.
Abd Al Malik sera le 25 mai prochain au Grand Rex de Paris
Des souvenirs ont ressurgi, d'un concert en plein air de MC Solaar en juin dernier. Un rap mélodieux, des textes dynamiques, élégants et incisifs, ponctués de poésie. Avec l'album, Chapitre 7, sorti en 2007 il avait remporté la même victoire de l’Album de musique urbaine que celle d'Abd Al Malik il y a quelques jours avec Dante. Tous deux sont amateurs de littérature mais quand ce dernier multiplie ce qu'il appelle des hommages MC avant lui avait digéré ses sources pour inventer quelque chose de vraiment nouveau.
© photo Yves Desangles
Le concert d'Abd Al Malik a démarré au pas cadencé des Soldats de Plomb. L'ombre du chanteur se détachant à contre-jour m'a semblé immense. Mais je préfère les petites notes cristallines d'Au clair de la lune de MC Solaar implorant le sauvetage de l'enfant soldat.
Beaucoup de titres du dernier album, Dante, dont l'intitulé est bien entendu une allusion à l'enfer. Depuis mon fauteuil je vois les lumières des écrans des portables des "pirates" de la fosse qui filment en plan serré. Je serai surprise de constater que rien n'a été posté le lendemain sur You tube. J'ai beau être proche, connaitre par cœur tous les titres, savoir quelles références ont été empruntées à quels artistes, voilà que je ne goute pas l'échange.
Autant l'an dernier j'avais été touchée par ce fait d'hiver en plein été, quand de galère en galère Armand s'était retrouvé clochard, jusqu'à en en mourir, autant le Gilles de ce soir ne m'impressionne pas.
Est-ce que la fosse à moitié pleine (ou à moitié vide, c'est selon) installe une distance psychologique, est-ce lui qui n'est pas en forme, ou moi qui n'ai pas la tête à ... toujours est-il que je ne savoure pas le concert. Entendre Abd Al Malik raconter comment Bilal, son acolyte et conseiller, l'a appelé pour lui faire écouter un "truc de ouf par un type qui avait un flow extra", à savoir Claude Nougaro, ne me fait plus d'effet. Je l'ai trop entendu. Apprendre qu'il a intitulé sa chanson Paris mais en réponse au Mais Paris de Nougaro pour "singulariser" ne m'éblouit pas. C'est vrai que son phrasé est bien ficelé, appuyant sur les finales, faisant résonner bitume, belle, envol et rouler le rrrr du mot couleurs. Mais c'est sans grande émotion.
Inutile de souhaiter la bienvenue dans un monde de respect et de responsabilité. Personne ne croit à ce personnage de Monsieur Loyal. C'est peut-être du lourd, mais cela semble convenu. Noyer les spectateurs dans la lumière lorsqu'ils applaudissent casse l'ambiance.
Encore un conseil de Bilal : soyons rock and roll propose l'artiste qui enchaine avec le 12 septembre 2001. Désolée mais cela ne passe pas. Qui pourrait trouver du rock and roll dans cette célébration ? Puisqu'on ne peut pas refaire l'histoire je préfère l'humour de MC quand il cite les tours jumelles. Son héroïne lit Dolto, la Juliette d'Abd Al Malik lit Malraux. Un point partout.
Avec Circule petit, circule, l'émotion arrive enfin sur le plateau. Les sanglots dans la voix émeuvent le public mais elle se poursuit à peine le temps de Je veux juste rentrer chez moi. C'est déjà la rituelle présentation des musiciens avec l'ordre de faire du bruit pour les uns puis les autres. C'est comme cela qu'il appelle les applaudissements. Arrive le douzième morceau. La salle est de nouveau en pleine lumière. Le chanteur annonce la couleur : voilà le morceau baromètre, qui permet de voir si le public est vraiment là. Au moins reconnaissons qu'il n'emploie pas la langue de bois.
C'est Gibraltar, le titre de l'album éponyme, celui qui l'a propulsé en haut de l'affiche, avec lequel il a eu sa première victoire de la musique. L'aurait-il décrochée si le grand Jacques avant lui n'avait écrit Amsterdam ? Car je veux bien qu'on parle d'hommage mais ici cela frôle la décalcomanie ... Plus de la moitié de l'album s'inspire d'autres œuvres. Citons Nina Simone, Fairouz, Jean Ferrat, Serge Lama et tant d'autres ...
Il exige encore du public qu'il fasse du bruit et celui-ci, bon prince, s'exécute. Je veux vous entendre, hurle-t-il. Nous n'aurons plus que l'alchimiste, treizième et dernier titre de la soirée et ultime message bien ciblé.
Le chanteur, main sur le coeur, et enfin souriant, salue longuement avec ses musiciens. On a compris qu'il est inutile de taper du pied : il ne reviendra pas.
On m'a rapporté que plus tard dans la soirée il avait accepté contre toute attente de rencontrer les élèves d'un atelier de Slam de Palaiseau et que l'échange avait été un moment de pur bonheur. Sans doute ces privilégiés ont-ils retrouvé l'homme Abd Al Malik que j'avais découvert dans une émission de Pascale Clark, chantant a capella avec une sincérité intense. Ou celui là même qui défend ses idées avec calme et raison dans des débats qui ne sont pas gagnés d'avance. Comme quoi ce n'est sans doute pas en faisant beaucoup de bruit qu'on se fait le mieux entendre.
Abd Al Malik sera le 25 mai prochain au Grand Rex de Paris
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