Le bruit des vagues couvre la conversation. On imagine un moment de tranquillité familiale sur la plage de la Boutinardière, au coeur de la Bretagne historique, à La Bernerie-en-Retz qui est la plage quasiment la plus proche de Nantes où le couple réside habituellement avec leurs deux enfants.
Lise Bataille, 16 ans, part, encadrée de deux gendarmes, alors que les parents assistent sans broncher à l'arrestation. L'instant est calme.
Deux ans plus tard le père (Roschdy Zem) fait barrage pour que Lise, devenue La fille au bracelet, ne rende visite à un certain Diego : Je veux que tu reste concentrée et plus rien qui puisse faire des vagues.
Oui papa, répond-elle docilement avant de se mettre à relire ses déclarations, obéissant cette fois à son avocate (Annie Mercier), tout en ayant conscience que ce n'est pas une pièce de théâtre.
Elle porte un bracelet électronique qui l'astreint à circuler dans une zone restreinte. Elle suit désormais ses cours par correspondance. On en déduit qu'elle n'est pas retournée au lycée et qu'elle est relativement coupée de ses anciens camarades, hormis Diego qui apparait parfois. Son calme est olympique. Signe qu'elle est très ou pas du tout coupable. Comme éteinte aussi. Murée dans le silence sans être antipathique. Elle n'a pas davantage de réaction quand sa mère (Chiara Mastroianni) lui annonce qu'elle ne viendra pas à son procès. T'as pas à te justifier la coupe-t-elle.
Au sein de la famille Bataille, on se parle a minima. On remarquera que fréquemment la caméra s'attarde en plan rapproché sur un visage silencieux et impénétrable. Les seuls moments de fantaisie sont provoqués par le petit Jules, qui avait 8 ans au moment des faits, et qui semble être le seul à s'exprimer sans filtre ... : Si tu vas en prison est ce que je pourrais prendre ta chambre? elle lui répond oui avec sérénité. Là encore le spectateur se demande si c'est parce qu'elle est coupable jusqu'au cou ou absolument innocente.
Je ne vais pas spoiler l'issue mais Jules joue un rôle capital dans le déroulement du procès.
La fille au bracelet est un film déroutant. Le cœur de l’énigme n’est pas tant la culpabilité de Lise mais son fonctionnement et ses valeurs. On se demande ce que cache son sang-froid et si ses parents la protègent de leur propre culpabilité à ne pas l’avoir vue grandir, jusqu'à ne la connaitre que très superficiellement. A cet égard le témoignage de la mère sera probablement décisif alors que jusque là le père semblait davantage investi que sa femme, même si son apparente solidité masque une forte inquiétude : ça me dépasse, avouera-t-il à propos des comportements de son enfant.
Je ne vais pas spoiler l'issue mais Jules joue un rôle capital dans le déroulement du procès.
La fille au bracelet est un film déroutant. Le cœur de l’énigme n’est pas tant la culpabilité de Lise mais son fonctionnement et ses valeurs. On se demande ce que cache son sang-froid et si ses parents la protègent de leur propre culpabilité à ne pas l’avoir vue grandir, jusqu'à ne la connaitre que très superficiellement. A cet égard le témoignage de la mère sera probablement décisif alors que jusque là le père semblait davantage investi que sa femme, même si son apparente solidité masque une forte inquiétude : ça me dépasse, avouera-t-il à propos des comportements de son enfant.
La jeune Flora Dufour a été victime d'un assassinat terrible, sauvage, avec huit coups de couteau, le lendemain d'une fête entre adolescents. Sa mère ne lui connait pourtant aucun ennemi. Même pas Lise, sa meilleure amie, qui l'avait menacée de mort suite à la diffusion d'une vidéo à caractère sexuel la mettant en cause. Mais comme l'explique une de ses camarades : Je vais te tuer, comme quand on dit je t'aime, ça veut rien dire.
Stéphane Demoustier a construit son film comme un thriller qui se suit à plusieurs niveaux. Le procès (qui diffère énormément d'une investigation policière puisque toutes les interrogations ont lieu uniquement au tribunal et en public) se superpose à une autre recherche de responsabilité, intra familiale.
Le scénario est inspiré d’Acusada, un film argentin sorti en France en juillet 2019, basé sur un fait divers réel, que le réalisateur n'a pas visionné avant de se lancer dans le sien (ni même après à ce qu'il m'a dit). C'est par le biais de son producteur Jean Des Forêts qu'il avait eu connaissance du sujet et il avait décidé de le traiter sous un autre angle, en s'intéressant non pas tant à l'accusée mais aux personnes qui l'entourent.
Il a en effet exigé de sa comédienne qu'elle décide par elle-même de sa culpabilité ou de son innocence en la priant de ne surtout pas le lui dire. Le réalisateur ne sait donc pas si elle est coupable et c'est ce qui participe à la puissance de ce que le spectateur tente de déchiffrer sur le visage de la jeune actrice, Melissa Guers, dont c'est le premier rôle au cinéma et qui, très franchement aurait tout à fait mérité un César même si je ne mets pas en cause ceux que Roschdy Zem et Anaïs Demoustier ont reçus. Il est plus que probable qu'on la reverra bientôt sur les grands écrans.
J'ai eu l'opportunité de voir Acusada ensuite, en profitant des films mis à disposition par Canal+ pendant les premiers jours du confinement et j'en ferai plus tard la chronique. Il me semble que les fins sont comparables mais la différence de milieu social est déterminante. Egalement les conséquences de l'arrestation puisque la famille de la jeune fille (Dolorès en Argentine) est ruinée par le procès et que les parents sont beaucoup plus interventionnistes. Le ton du film de Stéphane Demoustier est très différent.
Par contre, ce qui est récurrent c'est le gouffre qui se creuse entre les parents et leurs enfants qui en viennent à vivre sous leur toit comme des étrangers. Même Jules a des comportements qui devraient alerter ... ne serait-ce que sa passion pour des jeux video où l'on tue à tour de manettes.
Pourra-t-on croire que Lise s'est trouvée au mauvais endroit, au mauvais moment comme sa mère tente de plaider sa cause face aux interrogations soutenue de l'avocat général ? Et si c'était exactement l'inverse ? Je veux dire, et si elle n'était pas au bon endroit au bon moment ?
L'avocat général est une jeune femme, comme il y en a de plus en plus dans les Cours d'Assises. Elle est interprétée par Anais Demoustier qui est la soeur du réalisateur. Elle est déroutée par la tournure du procès, en particulier par les silences de Lise qu'elle qualifiera d'assourdissants. Sans aveu il lui est difficile de démontrer la culpabilité de la jeune fille dont elle est convaincue et que tout accuse, une vidéo de surveillance, la disparition d'un couteau, le fait qu'elle soit gauchère comme le/la meurtrier(e) et sa manière de répondre a minima. Je ne peux pas tout expliquer, murmure-t-elle quand elle est acculée.
Stéphane Demoustier a construit son film comme un thriller qui se suit à plusieurs niveaux. Le procès (qui diffère énormément d'une investigation policière puisque toutes les interrogations ont lieu uniquement au tribunal et en public) se superpose à une autre recherche de responsabilité, intra familiale.
Le scénario est inspiré d’Acusada, un film argentin sorti en France en juillet 2019, basé sur un fait divers réel, que le réalisateur n'a pas visionné avant de se lancer dans le sien (ni même après à ce qu'il m'a dit). C'est par le biais de son producteur Jean Des Forêts qu'il avait eu connaissance du sujet et il avait décidé de le traiter sous un autre angle, en s'intéressant non pas tant à l'accusée mais aux personnes qui l'entourent.
Il a en effet exigé de sa comédienne qu'elle décide par elle-même de sa culpabilité ou de son innocence en la priant de ne surtout pas le lui dire. Le réalisateur ne sait donc pas si elle est coupable et c'est ce qui participe à la puissance de ce que le spectateur tente de déchiffrer sur le visage de la jeune actrice, Melissa Guers, dont c'est le premier rôle au cinéma et qui, très franchement aurait tout à fait mérité un César même si je ne mets pas en cause ceux que Roschdy Zem et Anaïs Demoustier ont reçus. Il est plus que probable qu'on la reverra bientôt sur les grands écrans.
J'ai eu l'opportunité de voir Acusada ensuite, en profitant des films mis à disposition par Canal+ pendant les premiers jours du confinement et j'en ferai plus tard la chronique. Il me semble que les fins sont comparables mais la différence de milieu social est déterminante. Egalement les conséquences de l'arrestation puisque la famille de la jeune fille (Dolorès en Argentine) est ruinée par le procès et que les parents sont beaucoup plus interventionnistes. Le ton du film de Stéphane Demoustier est très différent.
Par contre, ce qui est récurrent c'est le gouffre qui se creuse entre les parents et leurs enfants qui en viennent à vivre sous leur toit comme des étrangers. Même Jules a des comportements qui devraient alerter ... ne serait-ce que sa passion pour des jeux video où l'on tue à tour de manettes.
Pourra-t-on croire que Lise s'est trouvée au mauvais endroit, au mauvais moment comme sa mère tente de plaider sa cause face aux interrogations soutenue de l'avocat général ? Et si c'était exactement l'inverse ? Je veux dire, et si elle n'était pas au bon endroit au bon moment ?
L'avocat général est une jeune femme, comme il y en a de plus en plus dans les Cours d'Assises. Elle est interprétée par Anais Demoustier qui est la soeur du réalisateur. Elle est déroutée par la tournure du procès, en particulier par les silences de Lise qu'elle qualifiera d'assourdissants. Sans aveu il lui est difficile de démontrer la culpabilité de la jeune fille dont elle est convaincue et que tout accuse, une vidéo de surveillance, la disparition d'un couteau, le fait qu'elle soit gauchère comme le/la meurtrier(e) et sa manière de répondre a minima. Je ne peux pas tout expliquer, murmure-t-elle quand elle est acculée.
Malgré son intime conviction l'avocat général avance impitoyablement ses questions avec patience, sans brusquerie ni effets de manches. Elle semble même accepter la défense de l'accusée qui, lorsqu'elle lui demande si on peut considérer qu'elle est une fille facile se défend en renvoyant l'interrogation : peut-on considérer que son camarade Nathan est un garçon facile ?
L'avocate de Lise est une femme plutôt âgée qui fait preuve d'une empathie exceptionnelle pour sa cliente et qui pointe la dérive de notre société, devenue dépendante des réseaux sociaux : Que savons-nous des adolescents de 16 ans, de leurs amitiés, de leurs amours ? Ses paroles pourraient avoir valeur de mise en garde pour tous les parents ... qui ont bien tort de croire leurs enfants sans procéder à des vérifications.
A leur décharge il faut convenir que ces jeunes ont le caractère bien trempé. Lise sera intransigeante avec son père : Quand le procès sera terminé tu pourras arrêter de me dire toujours ce que je dois faire ? Merci.
Le spectateur suit l'affaire comme s'il était lui aussi assis sur le banc du tribunal de Nantes, conçu par l'architecte Jean Nouvel. La chancellerie a donné son accord pour le tournage eaprès avoir eu l'assurance que le scénario ne donnerait pas de la Justice une image dégradante ou fallacieuse. On devine que chaque détail a été réfléchi et le rendu frôle parfois le documentaire. De fait le réalisateur a passé beaucoup de temps aux Assises, à Bobigny, et il a eu la très bonne idée de confier le rôle du président du tribunal à un vrai avocat, Pascal-Pierre Garbarini qui incarne un homme attentif et sensible.
Coupable/Non coupable, on pense à 12 hommes en colère ... mais une chose est indubitable, Lise a joué avec le feu en séduisant le petit copain de sa meilleure amie et elle-même n'aurait pas dû poster sur Facebook la vidéo prouvant cet acte, que l'ex-petit copain Nathan n'aurait pas dû encourager. Seraient-ils tous coupables alors ?
Tout dépend du point de vue. Si comme le plaide l'avocate il s'agit de juger et non de rendre justice alors ... il suffira de répondre aux questions posées à la Cour sans chercher plus loin. En considérant que c'est le procès de Lise et non celui de ses parents, ou de la société.
La Fille au bracelet de Stéphane Demoustier
Avec Roschdy Zem, Melissa Guers, Chiara Mastroianni, Anaïs Demoustier, Annie Mercier, Pascal-Pierre Garbarini ...
A signaler la sortie anticipée du film en VOD en raison du confinement, comme c'est le cas pour #JeSuisLà, Un divan à Tunis, Adam et d'autres sans doute.
L'avocate de Lise est une femme plutôt âgée qui fait preuve d'une empathie exceptionnelle pour sa cliente et qui pointe la dérive de notre société, devenue dépendante des réseaux sociaux : Que savons-nous des adolescents de 16 ans, de leurs amitiés, de leurs amours ? Ses paroles pourraient avoir valeur de mise en garde pour tous les parents ... qui ont bien tort de croire leurs enfants sans procéder à des vérifications.
A leur décharge il faut convenir que ces jeunes ont le caractère bien trempé. Lise sera intransigeante avec son père : Quand le procès sera terminé tu pourras arrêter de me dire toujours ce que je dois faire ? Merci.
Le spectateur suit l'affaire comme s'il était lui aussi assis sur le banc du tribunal de Nantes, conçu par l'architecte Jean Nouvel. La chancellerie a donné son accord pour le tournage eaprès avoir eu l'assurance que le scénario ne donnerait pas de la Justice une image dégradante ou fallacieuse. On devine que chaque détail a été réfléchi et le rendu frôle parfois le documentaire. De fait le réalisateur a passé beaucoup de temps aux Assises, à Bobigny, et il a eu la très bonne idée de confier le rôle du président du tribunal à un vrai avocat, Pascal-Pierre Garbarini qui incarne un homme attentif et sensible.
Coupable/Non coupable, on pense à 12 hommes en colère ... mais une chose est indubitable, Lise a joué avec le feu en séduisant le petit copain de sa meilleure amie et elle-même n'aurait pas dû poster sur Facebook la vidéo prouvant cet acte, que l'ex-petit copain Nathan n'aurait pas dû encourager. Seraient-ils tous coupables alors ?
Tout dépend du point de vue. Si comme le plaide l'avocate il s'agit de juger et non de rendre justice alors ... il suffira de répondre aux questions posées à la Cour sans chercher plus loin. En considérant que c'est le procès de Lise et non celui de ses parents, ou de la société.
La Fille au bracelet de Stéphane Demoustier
Avec Roschdy Zem, Melissa Guers, Chiara Mastroianni, Anaïs Demoustier, Annie Mercier, Pascal-Pierre Garbarini ...
A signaler la sortie anticipée du film en VOD en raison du confinement, comme c'est le cas pour #JeSuisLà, Un divan à Tunis, Adam et d'autres sans doute.
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