Publications prochaines :

La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

dimanche 24 janvier 2010

RATÉ - RATTRAPÉ - RATÉ par Nikolaus et ses acolytes

Çà pourrait être un hangar, un entrepôt avant inventaire où les as du déménagement s’entraîneraient au lancer de cartons. Nous allons de toute évidence nous enfoncer dans un cirque de l’absurde où les choses ne se passeront pas comme prévu, apparemment du moins. Mais nous sommes surs d’une chose : nous rirons franchement comme les enfants ravis de voir surgir un éphémère escalier.

Nikolaus n’a aucun mal à nous démontrer le second théorème de la thermodynamique, à savoir que, dans un système fermé, le désordre augmente au fur et à mesure que le temps passe. Il jongle avec les idées comme avec les objets sans cesser de nous surprendre.

Il entretient un dialogue permanent en connivence avec le public. On croit qu’il plaisante lorsqu’il nous remercie d’être venu et qu’il s’inquiète que nous puissions perdre notre temps avec lui si le spectacle est raté. C’est écrit dans le titre alors on s’attend à tout.

Le voilà qui se lance dans des calculs impressionnants, multipliant la durée de la représentation par le nombre supposé de spectateurs, de dates, … et déclare le résultat tout bonnement inacceptable.

De fil en aiguille la catastrophe devient équivalente à la traversée de l’Atlantique à la rame puis à une guerre perdue avec 40 000 cadavres. Et puis, mine de rien, il se risque à une considération philosophique : le temps perdu est-il vraiment du temps perdu ?

Ou encore celle-ci : Le carton peut se casser mais il ne se « décassera » plus jamais dans le temps.

La représentation est assez indescriptible. Autrefois les artistes de cirque étaient applaudis en fonction du risque et la performance était facile à noter. Monsieur Loyal impressionnait un public déjà alerté par un roulement de tambour.

Aujourd’hui les numéros s’enchainent avec une apparente décontraction, obéissant à une logique invisible. Hier l’artiste envoyait en l’air un nombre toujours plus impressionnant de balles, d’anneaux, de massues … qu’il s’efforçait de rattraper sans en perdre en route. Maintenant les objets semblent exonérés de la gravité universelle et suivre un parcours fléché, anticipé tout en douceur par le jongleur.

Les balles glissent sur le corps. Le jongleur pourrait être un prestidigitateur. L’acrobate est aussi contorsionniste. L’équilibriste créé lui-même les pièges dans lesquels il se laisse tomber. Les balais volent. Les pantalons tombent. La prouesse se fait discrète. Et pourtant elle est bien là. S’il y a des trucages, ce ne sont pas avec nos émotions. Ce qui nous est donné à voir est autant la réalité de Nikolaus que la nôtre.

Diplômé du CNAC avec les félicitations du jury en 1991, Nikolaus a fait ses premières armes chez Archaos et au cirque Baroque avant de se lancer dans ses propres pièces en solo et révèle l’auguste danseur, le jongleur virtuose. En prise avec le monde qui l’entoure, il se lance des défis absurdes, se laisse torturer par les objets dont pourtant il essaie inlassablement de détourner l’usage. Entre humour et burlesque, théâtre et jonglage, son travail lui a valu le grand prix du festival Circa à Auch (92) et le prix Raymond Devos (94). Il a fondé sa propre compagnie “Pré-O-ccupé”en 1998.

Il raconte que cette fondation s’est construite sur le fantasme de faire un exploit : Je voulais écrire des histoires comme Anton Tchekhov, mais le jour où je suis tombé sur les histoires d’Anton Tchekhov j’ai découvert que c’était déjà fait. Je voulais créer un personnage comme Buster Keaton, mais le jour où j’ai vu un film de Buster Keaton j’ai découvert que c’était déjà fait. Je voulais faire un numéro comme le clown George Carl, mais le jour où j’ai vu le numéro incroyable de Georges Carl j’ai découvert que c’était déjà fait. Je voulais jongler comme Ignatov mais de toute façon, je n’y arriverai jamais.

Personne ne fait « comme » et c’est cela qui est passionnant dans la vraie vie et dans le monde du spectacle. En tant que spectateur aussi, on a beau aller à un grand nombre de représentations c’est toujours quelque chose de différent qui nous est donné à découvrir. En voulant échapper à la règle Nikolaus se donne des contraintes qui le mettent sur le rail d’un nouveau spectacle.

Cette fois c’est au mystère de la plus grande des créations qu’il s’est attelé en faisant revivre au spectateur les débuts de l’humanité et le fameux grand big bang. La création a été découverte en 2007 dans le cadre du festival Solstice bien connu du public francilien. Déjà trois ans donc qu’il se joue tout en maintenant l’entrainement quotidien pour assurer la mise en place minutieuse de ce qui reste de l’aléatoire. Rien n’est sur, sauf la beauté de l’instant du point mort.

RATÉ - RATTRAPÉ - RATÉ
Conception : Nikolaus-Maria Holz et Christian Lucas
Écriture collective : Nikolaus-Maria Holz, Christian Lucas, Pierre Déaux et Mika Kaski
Mise en scène : Christian Lucas
Création lumière/scénographie : Hervé Gary
Création musicale : Olivier Manoury

Avec Nikolaus, clown-jongleur-acrobate
Joël Colas, funambule
Mika Kaski, équilibriste

Je remercie Marie-Lise Fayet de m’avoir permis de voir le spectacle le 24 janvier 2010 au théâtre Victor-Hugo de Bagneux (92) Tél. : 01 46 63 10 54

Site de la Compagnie : http://www.preoccupe-nikolaus.com/
Vous pourrez notamment y trouver les dates de la tournée qui se poursuit.
la photo de Nikolaus est signée de © M. Wagenhann

vendredi 22 janvier 2010

Le Soliste

La scène de vie quotidienne qui illustre le générique est emblématique de l'american way of life qui nous est exotique : les journaux sont livrés à domicile, lancés depuis une remorque au petit matin sur le pas des portes des abonnés.

Steve Lopez (Robert Downey Jr) travaille au prestigieux Los Angeles Times et il est à la recherche d'un sujet qui serait susceptible d'accrocher ses lecteurs et de redynamiser les ventes. Le journal est en pleine crise, son mariage est un échec, et lui-même n'a plus de désir pour grand chose.

Il lui arrive de "perdre son temps" dans le Square Pershing (532 South Olive Street à Los Angeles pour ceux d'entre vous qui voudront aller vérifier sur place). L'hiver il y a une gigantesque patinoire mais l'été on s'y promène à l'ombre des palmiers.

C'est là qu'un jour il entend la musique que Nathaniel Ayers, (Jamie Foxx) joue de toute son âme. Un SDF fou de musique, jouant du violon au pied de la statue de Beethoven, voilà un sujet en or pour une chronique qui a besoin d'un nouveau souffle d'autant que le violon n'a que deux cordes.

La parution du premier texte de Lopez sur le sujet incite une violoncelliste retraitée à faire don de son instrument au pauvre homme, par l'intermédiaire du journaliste. Celui-ci se sent désormais investi de la mission de le "sauver". Il va l'apprivoiser et l'entrainer à fréquenter un centre pour sans-abris où il laisse l'instrument en dépot.

Steve ne ménage pas sa peine pour reconstituer le passé de celui qui devient son ami. Il cherche à savoir comment il a pu quitter la célèbre école de Juilliard vingt ans auparavant. Il multiplie les efforts pour ramener Nathaniel à la vie active sans comprendre qu'il s'y prend mal avec le vagabond qui souffre de schizophrénie.

La mise en scène prend parfois des formes chaotiques comme pour mieux nous rendre compte de l'état de folie dont souffre le personnage de Nathaniel. En voulant sortir des sentiers battus, il s'engage dans une voie parfois étrange rendant le film irrégulier perdant ainsi l'attention du spectateur. Il y a néanmoins une excellente interprétation de Jamie Foxx (alors que Will Smith avait été pressenti en premier) qui se serait nourri des symptômes vécus par sa propre mère -schizophrène- pour construire son personnage. Robert Downey Jr m'a souvent fait penser à Georges Clooney. Il est radicalement différent du rôle qu'il assure dans Fur, le surprenant film réalisé à partir de la vie étrange de Diane Arbus, dont j'ai relaté la biographie il y a quelques jours. Nous le verrons bientôt dans Sherlock Holmes. Et puis il y a aussi Catherine Keener qui interprète son ex-femme (elle est toujours son éditrice au journal) qui est aussi la maman de Max dans Max et les maximonstres et qui dégage une infinie douceur.

Il y a surtout les centaines de figurants authentiques qui donnent au film une puissance terrible et qui fait prendre conscience du drame de la précarité à Los Angeles où vivraient 90 000 sans-abris. Cela donne une dimension supplémentaire à ce film qui n'aborde pas "que" le thème de la schizophrénie comme avant lui, Rain man ou A beautiful Mind (qui sera diffusé sur France 2 le dimanche 31 janvier), sur la base de faits réels car on sait bien que la réalité dépasse toujours la fiction. Le film est aussi ponctué fort heureusement de scènes cocasses où l'on voit notamment le journaliste inonder sa pelouse d'urine de coyotte pour faire fuir des putois.

Ludwig van Beethoven (1770-1827) a composé 9 symphonies, 32 sonates pour piano, 10 pour violon, et bien plus encore. La statue qui le représente dans le Square Pershing est dédiée à William Andrews Clark Jr, le fondateur du Los Angeles Philharmonic Orchestra. C'est Clark lui-même qui a préféré que soit érigée la statue de son compositeur préféré plutôt que la sienne.

Merci à Sandra du blog In the mood for cinema qui m'a permis d'assister à la projection.

mercredi 13 janvier 2010

Le choeur des femmes

(billet mis à jour le 5 mars 2010)
Il faudrait rendre obligatoire la lecture de cet ouvrage à tous les étudiants en médecine, mais aussi à tous les médecins généralistes, et vite l’étendre aux autres spécialistes, et puis aussi à toutes les femmes, et pourquoi laisser les hommes de coté finalement ?

C'est le troisième roman de la sélection ELLE que je dois chroniquer ce mois-ci et c'est le plus surprenant que j'ai jamais lu. Je connaissais Martin Winckler par la Maladie de Sachs (livre, puis film très juste sur l’univers médical et les rapports entre les patients, la maladie et le médecin). Je me disais que ce serait peut-être mortellement ennuyeux d’écrire 600 pages sur le même sujet. A mon corps défendant j’avouerai que je venais de me régaler avec Assez parlé d’amour d’Hervé Le Tellier (voir ma critique d'hier).

Si j’avais pu, matériellement, le lire sans m’arrêter je n’aurais pas hésité une seconde. Le chœur des femmes est un de ces livres puissants qu'on a du mal à lâcher. L’histoire est très bien construite sur le plan romanesque. L’écriture est alerte et les effets de style sont vivifiants.

Si la fin est rocambolesque et si le patronyme du professeur Karma relève bien de la fiction c’est pour mieux justifier l’appartenance à la catégorie des romans. Les révélations sont diablement renversantes sur le plan médical. Je me suis interrogée à plusieurs reprises : ai-je entre les mains un pur roman ou un témoignage en forme de plaidoyer pour un autre exercice de la médecine ?

J’ai fini par enquêter auprès de médecins proches. Martin Winckler est une figure très respectée. Il fait des conférences régulièrement dans les universités de médecine. De ses avis, ses propos, ses analyses … il n’y a rien à jeter : tout est juste. Cet homme cumule les talents d’écrivain, de médecin et d’orateur. C’est rare et précieux.

Je plaide haut et fort pour qu’on entende toutes les voix de ce chœur qui charrie toutes les douleurs, les incompréhensions, les espoirs aussi des femmes à être entendues et reconnues comme de vraies personnes et non des objets dont on « traiterait » les pannes comme un mécanicien répare une automobile. Car les clichés ont la dent dure et il faudra beaucoup de livres dans cette veine et des milliers de lecteurs avant que ne changent les mentalités. Pourtant il y a urgence. Alors je ne cesse de le partager autour de moi.

Le choeur des femmes est à offrir sans modération à tous les publics. Mon avis me vaut une citation p.124 du ELLE spécial mode du 5 mars.

Le choeur des femmes de Martin Winckler, éditions P.O.L., 2009

mardi 12 janvier 2010

Assez parlé d'amour

Je vous l'annonçais hier : ce livre est étonnant et ce fut un régal de lecture.

La quatrième de couverture distribue les cartes maitresses: Anna et Louise ne se connaissent pas. Elles sont mariées, mères, heureuses. Presque le même jour, Anna va rencontrer Yves, Louise croiser la route de Thomas.
A quarante ans, la foudre peut encore tomber et le destin encore s’écrire, mais à quel prix ?
Hervé le Tellier, en horloger délicat, trace la parabole de leurs trajectoires.

J’ai commencé ce livre en ayant un doute sur la simplicité de l’intrigue car sachant l’auteur membre de l’Oulipo, je me disais qu’il allait me réserver quelques surprises. Ce fut un festival dont il est difficile de rendre la totalité des artifices. Et surtout je m’en voudrais d’atténuer le plaisir des futurs lecteurs en dévoilant les dessous de ces chassés-croisés incessants entre les personnages et les collusions avec des faits historiques, des célébrités, et des analyses littéraires, philosophiques, scientifiques, et j’en passe.

C’est un produit rare parce que le fond y est aussi intéressant que la forme (il ose les phrases rayés, l’édition sur plusieurs colonnes, les notes de bas de page qui n’en finissent pas, un chapitre de sept petites lignes, des reproductions de documents …). Comment alors en parler sans en dire trop mais juste assez ? C’est Marivaux puissance cinquante. C’est Georges Pérec amoureux. C’est Monsieur Hulot emmenant Godard sur son vélosolex. C’est avant tout la rencontre d’un écrivain avec un lecteur ou une lectrice.

Les exercices de style sont multiples et fort réussis. Il existe dans ce roman quelques joyaux enchâssés au juste endroit, avec ce qu’il faut de fausse désinvolture (j’ai relevé deux fois le mot « parler » dans une même phrase du discours sur le langage) pour que l’on verse dans le piège du « facile à écrire ». L’auteur lui-même dénonce les clichés de l’écriture (p.54). Mais cela ne l’empêche pas de les collectionner. Par exemple en faisant allusion aux nouvelles capacités créatives que le musicien Chostakovitch a développées après avoir reçu un éclat d’obus dans la tempe il imagine qu’une rencontre amoureuse peut avoir un effet comparable sur le cerveau d’un homme. Jolie conception du coup de foudre qui mérite la postérité comme la madeleine de Proust.

Le mot hasard vient de l'arabe oriental az-zahr, qui désigna jusqu'au XIIe siècle un jeu de dés. Hervé le Tellier nous illusionne en nous parlant de ses dominos et se joue de nous en permanence. C’est lui qui a les dés gagnants et qui remporte la mise haut la main.

La partie est serrée et le défi permanent. L'auteur nous fait comprendre qu’il espère que le lecteur en saura plus en refermant le livre qu’avant de l’avoir commencé et cite Michaux (p.74) : Toute science créé une nouvelle ignorance. Qu’il se rassure : j’ai appris beaucoup et avec plaisir.

C’est une lecture réjouissante, qui se lit à plusieurs niveaux de sens. En tant que membre du jury je n’ai qu’une envie c’est qu’il ait le prix pour pouvoir rencontrer cet auteur prolixe, l.. le voir évoluer dans un petit morceau de vraie vie et ... bien entendu lui soutirer une dédicace (... subtile allusion à ses confidences sur le sujet page 60).


Hervé le Tellier,
Assez parlé d'amour,
chez Jean-Claude Lattès, 2009.

lundi 11 janvier 2010

Assez parlé d'amour, le Choeur des femmes et Lark et Termite

(billet mis à jour le 5 mars 2010)
Ces trois romans ont été envoyés aux membres du jury de mars du Grand prix des lectrices de ELLE et c'est un crève-cœur de devoir en éliminer deux (lire le billet du 27 décembre pour tout comprendre ou presque à propos du Prix). Qu'il est difficile d'être juré ce mois-ci !


Chaque nouveau chapitre d'Assez parlé d'amour me persuadait que j'avais entre les mains non seulement l'ouvrage qui allait passer le cap de cette sélection mensuelle mais carrément le Prix potentiel.

Je reviendrai demain sur ce livre étonnant.





Ensuite mon enthousiasme a été sans bornes pour le Chœur des femmes. Il fera l'objet de ma critique d'après-demain.




Je n'osais pas commencer Lark et Termite de crainte d'avoir encore un coup de cœur mais, par malchance pour lui d'ailleurs, et malgré ses qualités ce livre n'a pas su rivaliser avec les précédents. Enfin pour moi, parce qu'en final j'ai appris que c'est lui qui a réussi à s'imposer dans cet épisode de la compétition.

Le roman s’inscrit dans le douloureux rapport que les États-Unis entretiennent avec l’Histoire. On se souvient du désarroi des familles qui perdaient un fils dans les combats au Vietnam (1961-1973) et de l’engagement de personnalités comme Jane Fonda contre cette guerre. Il y avait eu auparavant la guerre de Corée, également très couteuse en vies humaines.

Le déclenchement exact de ce conflit a été controversé : attaque ou riposte contre un envahisseur … toujours est-il que William Faulkner, cité en exergue du livre, avait une juste vision de la réalité humaine en écrivant : Le champ de bataille ne fait que révéler à l’homme sa propre folie et son désespoir, et la victoire n’est qu’une illusion des philosophes et des idiots.

Il est souvent arrivé, dans cette guerre comme dans d’autres, que l’armée bombarde par erreur ses propres troupes. Les faits n’apparaissent que des années plus tard et c’est sur un tel épisode que Jayne Anne Phillips s’appuie pour bâtir la trame de son roman.

Le titre (qui est une fidèle traduction du titre original) induit en erreur. Lark et Termite sont deux enfants, la grande sœur et le petit frère, mais le roman n’est pas centré uniquement sur leur parcours, loin de là. Les personnages « principaux » sont multiples. Tous sont sur le même pied et la parole est assez équitablement répartie, si ce n’est celle de la mère qui n’intervient qu’au dernier chapitre.

Le lecteur est embarqué dans une histoire familiale très complexe qui se décrypte petit à petit au fil des récits de quatre d’entre eux qui se superposent un peu comme des dépositions. Plusieurs drames se succèdent, plus ou moins conséquents de la tragédie historique mondiale.
Jamais l’adage favori des psychologues, réclamant de « laisser le temps au temps » ne m’a semblé autant se vérifier. Le récit entrecroisé que font les protagonistes sur une décennie permet in fine de comprendre comment les faits se sont enchainés.

L’écriture est belle. Le style diffère selon la voix qui raconte. Le mode de vie familial dans la Virginie occidentale de la fin des années 1950 est sans nul doute rendu avec justesse. N’empêche que je ne me suis pas passionnée pour cette intrigue dont les ressorts ne m’ont guère surprise. Probablement parce que je venais juste d’achever un roman plus puissant (Un pied au paradis de Ron Rash, dont j'ai parlé le 30 décembre dernier) qui reposait sur un problème de filiation identique, avec un autre ancien soldat de la guerre de Corée. Le parti-pris littéraire de croiser les points de vue des personnages est également le même dans les deux ouvrages mais là encore j’ai trouvé moins de force dans Lark et Termite. Dommage !

Il y a un dernier aspect qui entre en ligne de compte lorsqu’on n’accède pas directement au texte original. La traduction affaiblit peut-être l’ouvrage. A commencer encore une fois par le titre qui n’a pas en français la poésie qui s’entend en anglais. L’insecte et l’oiseau m’aurait davantage touchée. Alors si le corps du roman a autant perdu sa force onirique on ne peut que formuler des regrets.

dimanche 10 janvier 2010

La princesse et la grenouille

Il n'était pas dans mes projets d'aller voir ce film mais ... j'ai été comme la petite fille de cette histoire, piégée par une envie : celle de répondre à un jeu concours. Que pensez-vous qu'il advint ? Alors que j'avais écrit "juste" pour le plaisir des mots voilà que c'est ma diatribe qui fut sélectionnée.

Du coup je n'ai pu résister à l'appel de la grenouille et bien m'en prit.

J'ai vu le film au Forum des Images, un cinéma pas comme les autres situé au cœur du Forum des Halles où sont régulièrement organisés des festivals, des rencontres, des débats et des master-class. C'est aussi un endroit où l'on peut, en salle des Collections, redécouvrir l'un des 6500 films du fonds.

Pour l'heure c'était à une vraie découverte que j'étais invitée, par le club Allo-ciné, et ce fut un vrai bonheur de voir ce nouveau dessin animé en avant-première. On connait l'histoire sortie de l'imagination des frères Grimm mais ce qui nous est servi c'est la version qu'une mère de famille éleveuse de chevaux du Maryland, E.D. Baker, a écrite en 2002. Elle y raconte l'histoire d'une certaine Emeralda et de sa rencontre avec une grenouille, en fait un prince victime d'un mauvais sort qui, en échange d'un chaste baiser, devrait retrouver sa forme humaine, enfin si tout va bien.

La maison Disney a été bien inspirée d'en acheter les droits dès 2003 et de confier le projet à Ron Clements et John Musker, auquel on doit Aladdin et La Petite Sirène. Les studios qu'on pensait dédiés à tout jamais à la 3 D, décident de revenir au "vrai" dessin animé, à partir de dessins réalisés sur papier, comme au bon vieux temps. L'héroïne sera une jeune fille noire qu'on sera tenté d'appeler un moment Maddy. Elle sera rebaptisée Tiana pour ne pas heurter les sensibilités car le nom pourrait avoir une connotation raciste. Personne n'imagine encore que le prochain président sera un homme de couleur. C'est la Nouvelle Orléans qui est choisie pour cadre parce que c'était la ville préférée de Walt Disney. Malheureusement elle ne s'est pas encore remise de l'ouragan Katrina et il faudra user d'arguments pour convaincre les réticents.

Le scénario se bâtit aussi contre les avis de ceux qui estimaient que les références vaudous pouvaient être maladroites ou que le public français allait se vexer de la présence d'une grenouille puisque c'est une injure que d'être traité de "frog" par des anglosaxons. Après avoir vu le film je suis au contraire plutôt fière d'être traitée de grenouille, ce qui me hisserait à un noble rang.

En résumé Tiana travaille très dur comme serveuse pour amasser assez d'argent pour pouvoir un jour ouvrir son propre restaurant. Lors d'un bal masqué, organisé par le père de son amie Charlotte, elle enfile une robe magnifique ainsi qu'un diadème et prie l'étoile du berger pour que son rêve son réalise. Une grenouille se présente alors à elle, prétendant être un prince ayant été victime d'un mauvais sort, et lui réclame un baiser. D'abord effrayée, Tiana finit par accepter d'embrasser le batracien, mais la transformation ne se déroule pas comme prévu Au lieu de voir apparaître un prince séduisant sous ses yeux, Tiana est face à son propre reflet; une grenouille aux yeux globuleux et couverte de mucus. Les deux amphibiens s'engageront alors dans une grande aventure pour retrouver la sorcière Mama Odie capable de leur rendre leur forme humaine.

Forte, courageuse et persévérante, Tiana est un modèle de motivation pour le spectateur, davantage habitué à des modèles égoistes de type poupée barbie. Cette fois nous avons envie de nous identifierà celle dont le courage et la détermination semblent plausibles malgré les retournements de situation. Son sens de l'amitié et son altruisme ne sont jamais ridicules. Disney a su actualiser le conte, en intégrant la réalité économique et sociale. L'idée d'utiliser un récit consacré - en l'occurrence celui des frères Grimm - et de modifier les enjeux de celui-ci de manière à échafauder une toute nouvelle histoire - ce qui serait arrivé si la princesse qui avait embrassé la grenouille n'était pas une vraie princesse - est un procédé intéressant que Disney a su appliquer sans cette gênante impression de déjà vu.

La musique de Randy Newman contribue au succès. Les rythmes sont jazzés. Les paroles semblent familières parce que ce sont des déclinaisons de proverbes tant répétés. Ainsi Aide-toi le ciel t'aidera devient : il faut aider l'étoile par ton travail.

J'ai retrouvé avec plaisir l'atmosphère si particulière du Quartier Français de la Nouvelle -Orléans et le tramway de la rue Saint Charles, celui-là même qui traverse le film de Kazan (Un tramway nommé désir) et qui fut le premier tramway au monde. Ce fut un bonheur de voir le film en version originale parce que l'oreille peut saisir les quelques mots cajuns hérités des ancêtres français. On dit "enchanté" et non "how do you do" pour se saluer. On apprécie la "french cook", la cuisson "à l'étouffée"et on se méfie du "charlatan".

Il y a quelques brins de fil blanc, c'est inévitable, comme le prénom de l'alligator joueur de trompette, Louis, référence à Amstrong bien sur. Et le lancer de bouquet de la mariée qui sera rattrapé in extremis par l'amie esseulée. Ray (Raymond) la luciole est un personnage émouvant, doublé dans la version française par Anthony Kavanagh, personnalité bien connue (il est né à Montréal mais de parents haïtiens immigrés au Québec). Liane Foly prête sa voix à mama Odie.

La princesse et la grenouille va vite devenir un incontournable, autant pour les nostalgiques des dessins animés classiques que pour les enfants du XXI° siècle.

Forum des Images, 2 rue du Cinéma - 75001 Paris
En savoir plus sur le film sur Allo-ciné
Merci à Sandra, cinéphile émérite, rédactrice du très intéressant blog In the mood for cinema, d'avoir eu l'idée du concours.

samedi 9 janvier 2010

Entre Diane Arbus et Lila, être esclave en France et en mourir

(billet mis à jour le 5 mars 2010)
Après avoir présenté les deux romans policiers (cf billet du 30 décembre dernier) soumis au jury de mars voici maintenant les deux livres de la sélection "document". Il me semble que le choix sera plus rapide. Et de fait, l'ensemble des membres du jury a le même avis que le mien puisque c'est Lila qui reste en lice.

Patrick Poivre d'Arvor m'avait mis l'eau à la bouche en septembre dernier en citant l'illustre photographe à l'occasion de la sortie de Fragments d'une femme perdue, au Livre sur la Place à Nancy en septembre dernier : l'héroïne de son livre s'attelait à une nouvelle sur Diane Arbus et j'étais impatiente d'en savoir plus sur cette photographe qu'on avait surnommé la rebelle.

Une belle photo est une œuvre d'art et il y a des auteurs en photographie comme il y en a en littérature, musique ou peinture.

Mariée très jeune, à 18 ans, elle s'intéresse à la photographie parce que son mari lui offre un appareil photo pour dit-on, la consoler de ne plus peindre. C'est Berenice Abbott, l'ancienne assistante de Man Ray, qui lui explique le métier alors que Diane initie son mari à la technique. Ils resteront collaborateurs même après leur divorce.

J'ai cru comprendre qu'ils avaient tous les deux fait énormément de photos publicitaires pour faire bouillir la marmite comme on dit. Mais aussi que Diane s'était spécialisée dans le portrait, essentiellement celui de marginaux : des géants, des nains, des hommes à deux têtes, des acteurs de "sideshows" de Conay Island. Elle se serait précipitée pour voir le spectacle à propos duquel j'ai écrit hier, Obludarium. L'interdit l'attirait comme un aimant et l'effrayant lui inspirait de la tendresse. Elle a exploré les quartiers mal famés dont son enfance d'ex-petite fille riche l'avait tenue à l'écart. Elle s'intéresse aux déshérités qu'elle immortalise plein cadre. Plus tard, Avedon, admiratif, imitera son style en lui empruntant ses bordures noires irrégulières.

J'ignore s'il y a un rapport direct entre le livre de PPDA et le travail de Violaine Binet. Je vais me borner à pointer la coïncidence et ma déception. Son livre compile une succession de faits sans analyse et me laisse sur ma faim. Il y a certes une intéressante analyse de la place de la photographie au musée américain MOMA qui passionnera les spécialistes (p.148). Reste que je ne comprends pas la finalité de l'ouvrage. Et il est totalement insupportable de faire référence au travail d'une photographe sans montrer un seul de ses clichés. L'auteur a parait-il apporté des éléments inédits. L'ennui est qu'elle ne fait pas revivre pour autant la grande artiste. Pour qui n'est pas spécialiste c'est tout de même la première attente qu'on peut avoir d'une biographie. Je me promets donc de me plonger dès que j'en aurai le temps dans l'ouvrage précédemment écrit par Patricia Bosworth.

Par contre, Dominique Torrès et Jean-Marie Pontaut ont remarquablement restitué le parcours dramatique de Lila. Leur ouvrage est exemplaire et se lit sans reprendre son souffle. Il y a juste ce qu'il faut de fiction pour faire comprendre le déroulement des évènements. Les auteurs se sont très bien documentés sur les arcanes judiciaires. On aimerait qu'un épilogue positif puisse redonner espoir tant le calvaire de Lila est bouleversant. On se dit que c'est impossible qu'au XXI° siècle de telles situations existent encore et puissent demeurer impunies.

Et pourtant Lila a quitté Tananarive à 14 ans en bonne santé, pensant aider ainsi sa famille à mieux subsister. Elle devait aider une maitresse de maison dans les taches courantes et en contrepartie toucher un petit salaire et suivre une scolarité.

Non seulement il n'en fut rien mais Lila a été honteusement exploitée, maltraitée au-delà de ce qui est imaginable. Même le mot esclave est en deçà de la vérité. Aux États-Unis de telles pratiques sont condamnées très sévèrement à de la prison ferme. En France les mêmes crimes sont punis d'une peine avec sursis. Étrange mansuétude !

Le Code pénal ne prévoit pas l'incrimination d'esclavage et Robert Badinter s'est opposé en son temps à sa révision. Du coup en toute logique (si je puis dire) les condamnations ne peuvent porter que sur des conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité, sur des violences physiques ou verbales ... Ce qui est encore plus dramatique dans l'histoire de Lila c'est qu'elle a été victime de quasi "voisins", ce qui rend sans doute les choses plus opaques à une justice qui n'est pas très préoccupée de ces situations et qui accumule les vices de procédures.

Dominique Torrès et Jean-Marie Pontaut ont mené une enquête très approfondie qui se lit aisément malgré la noirceur du sujet. Espérons qu'un livre-choc comme celui là permettra d'éviter que d'autres Lila subissent le même sort !


Diane Arbus par Violaine Binet, chez Grasset

Lila, Etre esclave en France et en mourir
par Dominique Torrès et Jean-Marie Pontaut, chez Fayard

vendredi 8 janvier 2010

CRAZY OBLUDARIUM

(mise à jour le 18 mai 2011)
Le dernier article où il a été question de cirque était une comparaison un peu extrême entre le cirque dit traditionnel et les nouvelles formes plus contemporaines. Ce billet (du 2 janvier) a été beaucoup lu, ce qui témoigne d'un bel intérêt pour ce qu'on désigne aussi sous le terme de "spectacle vivant".

Je reviens d'une représentation d'OBLUDARIUM que j'oserais volontiers comparer cette fois à une revue du même ordre de celles qu'on peut voir dans les cabarets parisiens comme le Crazy Horse. Comparaison n'est pas raison : je ne dirai pas que c'est équivalent, juste que l'un m'a fait penser à l'autre malgré les différences de taille qu'on peut trouver aussi.

Il y avait de la nudité. A commencer par les gambettes du forgeron qui travaille en plein air avant et après le spectacle proprement dit. Petr Forman vient chercher les spectateurs qui piétinent sur la neige pour les conduire par groupe de vingt devant la tente de l'artisan qui actionne le soufflet de sa forge miniature. Il martèle une pièce de métal rougeoyant sur le bord de la bigorne pour l'épointer. L'enclume résonne. Le fer obéit aux coups de marteau et nous commençons à être sous emprise.

Le public réalise progressivement combien l'univers du théâtre des Frères Forman est décalé, à la frontière entre cabaret, cirque, danse et marionnettes. Après la forge c'est la diseuse de bonne aventure qui chante une complainte d'amour à une marionnette dont la manipulation se fait à vue.

Petr nous propose alors une alternative : assister à la représentation à l'étage pour avoir une vue plongeante sur la scène, ou en rez-de-chaussée pour voir les choses par en dessous. Quel que soit le choix on ne sera pas à plus de deux mètres des comédiens et la scénographie permet à tous de gouter le spectacle.

En fait nous sommes à l'intérieur d'un manège. L'espace est limité parce que nous sommes tous limités, comme l'annonce fort loyalement Petr dans son numéro de bateleur. Le plateau de la scène peut tourner à forte vitesse et nous entrainer dans un univers féérique. Il y a de formidables trouvailles visuelles qui vont rester longtemps dans les mémoires des spectateurs : le glissement du géant qui disparait de la scène comme une ombre derrière un mur, l'évolution des soldats de plomb, la danseuse automate d'une boite à musique, la nage des poissons lumineux qui évoluent dans l'espace, une écuyère qui dresse une cavalerie en évolution sur sa robe démesurée en faisant claquer son fouet, une sirène qui elle fait claquer sa queue, un autre numéro de dressage de cheval de bois qui devient plus agile et plus vivant que Pégase ...

Il y a des numéros burlesques comme ce trio de nains hydrocéphales impassibles, déterminés à aller où bon leur semble. Leurs masques finissent par sembler expressifs tant leur numéro est touchant. On espère que le lancer de couteaux au petit bonheur est truqué tant le danger est imminent ...

Il y a les défauts de prononciation de Petr, ses efforts pour nous donner une traduction multilangue de son message, ses approximations spontanées ici ... à ... (il a manifestement perdu le nom de la ville) ... la presque capitale de France, ses jongleries grammaticales : vous êtes gagné, vous êtes perdu ...

Il y a les évocations de l'univers de la comédie musicale comme ce formidable ballet des Jacques qui fait surgir les parapluies de Fred Astaire dansant sous la pluie ou des ramoneurs de Mary Poppins. Le rythme est celui des claquettes et nous ramène illico sur la scène d'une revue et la chorégraphe Veronika Svabova mérite une mention spéciale. D'ailleurs voici le strip-tease pour le moins inventif de la bête humaine, suivi plus tard de danses aux barres sur un air de musique classique que la publicité a souvent utilisé.
Tandis que le public quitte lentement le chapiteau le forgeron a repris son travail en extérieur et prépare le clou du spectacle qu'il refroidit dans le baquet d'eau glacée.














Ils sont vraiment crazy ces tchèques et leur monstruosité est toute poétique.

Obludarium est donné à l'Espace Cirque, rue Georges Suant - 92160 Antony, du 6 au 17 janvier à 20 heures (dimanche 16 heures). Navette gratuite depuis la gare RER d'Antony et le Théâtre La Piscine. Pour tout savoir des spectacles de la Scène conventionnée d'Antony-Châtenay : 01 41 87 20 84 et www.theatrefirmingemier-lapiscine.fr
A Sénart, Cesson-la-Forêt du 22 janvier au 6 février tel 01 60 34 53 60 ou www.scenenationale-senart.com
Les photographies qui ne sont pas mentionnées A bride abattue proviennent du site de la compagnie : http://formanstheatre.cz

Mise à jour du 18 mai 2011
Obludarium va être joué devant les parisiens du 24 mai au 2 juillet au Théâtre du Rond-Point, sous chapiteau extérieur, sauf jeudis et lundis. Renseignements sur le site du théâtre.

jeudi 7 janvier 2010

Les Contes de l'âge d'or en sortie nationale

Le film avait été présenté lors du festival de Cannes 2009, dans la catégorie "Un certain regard". Je l'ai découvert dans le cadre du festival Paysages de cinéma de Châtenay (92). J'en avais parlé dès le 15 juin dernier parce que cette projection m'avait enthousiasmée.

Les contes de l'âge d'or, ce sont ce qu'on appelle des "légendes urbaines", un genre que j'affectionne particulièrement et dont, en France, des conteurs comme Yannick Jaulin ou Pépito Matéo sont des spécialistes reconnus. (lire par exemple les billets du 15 octobre dernier, ou encore du 16 décembre et 6 fevrier 2009 )

Un policier reçoit un porc vivant comme cadeau de Noël et pense que le gazer serait la meilleure façon de le tuer sans faire de bruit, pour ne pas réveiller ses voisins affamés ... Un photographe a pour mission de rendre Ceausescu aussi grand que Valéry Giscard d'Estaing en visite officielle ... Ordres et contre-ordre arrivent en cascade dans un petit village retenu pour célébrer la gloire du communisme.

La Roumanie des années 80 a subi 15 ans durant un régime totalitaire où l'humour était le seul moyen de survie psychique de tout un peuple soumis à la logique perverse d'une dictature. Les situations sont vraies quoique tragiques, quasi-surréalistes, toujours délirantes. Tout le monde survit en volant l'Etat. Il faut bien obéir aux ordres du Parti même s'ils sont illogiques et absurdes. Les gens semblent abattus, pourtant au fond d'eux, ils sont en vie. Ce qu'ils désirent, c'est aimer et être aimés.

C'est Cristian Mungiu, lauréat de la Palme d'Or de Cannes en 2007 avec "4 mois, 3 semaines et 2 jours", qui a produit ce film à sketchs composé de cinq histoires courtes conçues par cinq réalisateurs différents. Les légendes partagent le même état d'esprit, ont une structure narrative semblable et s'inscrivent dans le même contexte historique. C'est instructif et distrayant.

CONTES DE L'AGE D'OR Un film de Cristian Mungiu, Iona Uricaru, Hanno Höffer, Razvan Marculescu, Constantin Popescu

Avec Alexandru Potocean, Teo Corban, Emanuel Privu, Avram Birau, Paul Dunca, Viorel Comanici, Alexa Ion Sapdaru, Virginia Mirea, Diana Cavaliotti, Radu Iacoban, Vlad Ivanov
Durée : 2 h18 -
Prochainement au Rex, 364 avenue de la Division-Leclerc, 92290 Châtenay-Malabry
- Renseignements : 01.40.83.19.81 Site du Rex : http://cinema.lerex.free.fr/

... mais également sur beaucoup d'autres écrans

mercredi 6 janvier 2010

La tarte de Saint-Jacques

Pas de galette des Rois cette année à la maison ! Nous allons innover. Puisque les Rois Mages ont une importance capitale en Espagne je vais m'inspirer d'une recette de ce pays, celle de la Tarta de Santiago, reconnaissable entre toutes avec sa croix de Saint Jacques dessinée avec du sucre glace.

La tarte de Saint Jacques (traduction française) est un gâteau à base de farine, de sucre, d'œufs, d'amandes pilées, de zeste de citron et de sucre glace pour la décoration. D'aspect moelleux et délicat au palais, il est reconnaissable à sa saveur d'amande, ce qui le rapproche de notre galette des Rois traditionnelle. C'est une pâtisserie typique de Galice.

Préparation : 20 min
Cuisson : 45 min à 180°C (thermostat 6)

Ingrédients (pour 8 à 10 personnes) :

- 250 g d'amandes pilées
- 6 œufs, blancs séparés des jaunes
- 200 g de sucre semoule
- 1 pincée de cannelle moulue
- zeste de citron
- sucre glace (pour décorer)
- beurre (pour graisser)
- sel fin
- moule profond de 24 cm environ


Beurrez le moule et le garnir d'un papier sulfurisé (faites dépasser le papier de 3 cm au-dessus des bords). Préchauffez le four .

Montez les blancs d'œuf en neige dans un saladier avec une pincée de sel. Incorporez la moitié du sucre, 1 cuillère à soupe à la fois, pour stabiliser les blancs.

Battez les jaunes avec le reste de sucre et la cannelle en une crème épaisse. Le volume doit augmenter et la pâte doit couler en filet du fouet lorsque vous le levez.

Incorporez les amandes pilées dans les jaunes d'œuf. Puis un peu de blanc pour délier le mélange avant d'ajouter le reste.

Versez dans le moule et cuisez à four chaud pendant 45 minutes environ. Le gâteau doit être doré, ferme mais moelleux.

Vérifiez au bout de 35 minutes s'il est déjà bien doré, recouvrez-le de papier sulfurisé avant de le remettre au four.

Retirez du four et laissez refroidir. Saupoudrez de sucre glace avant de le servir à température ambiante.

La tradition galicienne veut qu'on y dessine une croix de Saint Jacques au milieu (avec un pochoir). On peut fabriquer un pochoir en papier en s'inspirant de l'épée de Durendhal ou bien d'une épée de templier dont je vous ai mis un modèle au-dessus. Le poser sur la tarte et saupoudrer de sucre glace l'intérieur du pochoir pour que l'armoirie soit dessinée sur le gâteau.

Bon appétit!!!

dimanche 3 janvier 2010

Estampes, exposition de la Maison des Arts d'Antony (92)

Depuis le 12 novembre, la Maison des Arts accueille une exposition placée sous le signe de la diversité artistique de trois pays - le Danemark, la Hongrie et la Roumanie - et de la rigueur propre à l’estampe.

17 artistes de 3 ateliers collectifs de gravure européenne sont venus présenter leurs estampes originales.

L'atelier qui a ma préférence est celui de Bo Halbirk, un danois ... installé à Paris, dont le travail est une parfaite synthèse entre tradition et innovation.

C’est dans les années 1990 que les artistes danois prennent conscience du besoin de renouveau de l’estampe originale. Ils promulguent l’émancipation de toutes les traditions et s’ouvrent à l’expérimentation et à l’expression nouvelle. Le monde du cirque a inspiré des artistes de cet atelier ... Cette estampe là (sur la gauche) est intitulée humoristiquement La Sieste (1995)

Les techniques sont multiples pour des résultats très contrastés. Søren Bjaelde exécute ses gravures sur du bois. les tailles dans la matière restent apparentes sur le résultat final et le sens des fibres est nettement visible. Son sens de l'humour est plutôt décapant comme on peut en juger avec le Phare à Nolsot (50 x 50 cm, 2007)

Ou encore avec le Lit de James Joyce (54 x 44 cm, 2005)
L’eau-forte est un procédé de la gravure en creux sur plaque métallique par de l’acide nitrique étendu d’eau. Aujourd’hui, l’expression d’eau-forte s’applique également à d’autres mordants comme le perchlorure de fer. Quoiqu'il en soit l'eau-forte est ainsi appelée parce qu'elle brûle. Autrefois on parlait même d'eau de feu. Elle sent très mauvais et est très dangereuse à manipuler. Les plaques de zinc ou de cuivre sont vernies. le dessin est effectué à la pointe pour enlever le vernis protecteur et permettre à l'acide d'attaquer le métal juste aux endroits souhaités. Ce n'est pas parce qu'on laisse agir l'acide 30 à 45 minutes qu'un contact de quelques secondes avec la peau est sans danger. Les japonais travaillent toujours avec des gants et des masques mais les aquafortistes européens aiment tant les matières qu'ils emploient qu'ils n'en perçoivent plus les risques encourus et travaillent souvent sans protection.

Le chef de file du collectif, Torben Bo Halbirk, ose inventer de nouvelles techniques comme cette immense aquatinte sur plomb de 90 sur 100 cm, intitulée fort sobrement Fleur de plomb (2007) et qui est tout à la fois une épreuve et un tirage :L'aquatinte est un procédé dérivé de l'eau-forte qui permet d'obtenir une surface grainée composée de petits points et non de hachures (ou traits) grâce au saupoudrage de grains de résine de colophane sur la matrice préalablement chauffée. Ce sont ces grains de résine qui épargnent les petites surfaces du métal de la morsure de l'acide.

Le monotype est une image peinte à l'encre typographique, à la couleur, à l'huile ou à la gouache sur un support non poreux. L'épreuve est unique après un pressage manuel ou mécanique. C'est une manière extrêmement facile et non dangereuse d'initier les enfants à l'estampe. N'importe quel morceau de plexiglas, n'importe quelle gouache et n'importe quel papier autoriseront d'heureux résultats.

Le procédé de chine-collé utilise un fin papier qui est posé sur la plaque sur laquelle il se colle lors de l'impression. La texture et le détail de la plaque sont ainsi renforcés pour donner un effet particulier. C'est une des techniques que Catherine Poher combine à celle du monotype. Elle a aussi ajouté des empreintes à partir d'objets pour ce Paysage botanique III (2008)
La photogravure est un autre procédé. On peut employer plusieurs images photographiques. Charlotte Hjorth-Rohde en a utilisé deux pour Ciao (62,5 x 45 cm) qu'elle a réalisé en 2008 :
Les formats sont variés, les techniques sont complexes. On peut "simplement" utiliser des encres imprimées sur papier comme le fait Claus Handgaard pour After Giersing (45 x 35 cm, 2008)Il se dégage de ses œuvres une certaine noirceur mais l'artiste conserve un grand espace de liberté au spectateur en conservant une plage vide.

Deux salles présentent des estampes de Hongrie où il a fallu attendre les années 50 et la création de l’Association des graveurs hongrois pour que l’estampe soit reconnue dans ce pays à l’échelle nationale. Le savoir-faire individuel essaie de faire contre-poids contre l'idéologie de masse. les œuvres sont fortes mais je suis moins sensible aux images qu'elles évoquent que celles du collectif roumain.

Là aussi c'est la deuxième moitié du 20e siècle qui marque l’avènement de gravures autonomes et originales, bravant la dictature politique communiste qui contrôle le milieu artistique. J'ai retenu une eau-forte et aquatinte de Részegh Botond intitulée Play with the possible illustration of the poem pour sa belle dimension onirique. La photo est centrée sur la partie gravée mais elle se prolonge par une belle zone blanche où la main a calligraphié le titre ... en français !
Jusqu'au 17 janvier à la Maison des Arts, 20, rue Velpeau à Antony (92) Entrée libre

Photos non retouchées mais parfois déformées car prises de manière à limiter les reflets des vitres. J'espère que les artistes ne s'en offusqueront pas. Mon but est de donner envie d'aller sur place voir leurs œuvres.

A signaler aussi l'association Artothèque A Fleur d'Encre, créée par Bo Halbirk, ouverte au public depuis 2004, et qui permet pour une adhésion annuelle de 50 euros d'emprunter 2 œuvres tous les deux mois et de pouvoir les apprécier chez soi. 80/82 rue du Chemin Vert, 75011 Paris 01 43 55 92 37

samedi 2 janvier 2010

Pourquoi pas Pinder ? Et pourquoi plutôt Obludarium ?

Le cirque dont le nom reste indissociable de celui de Jean Richard est revenu sur la pelouse de Reuilly et enchante le public. Il faut dire que c'est là du grand spectacle et j'ai apprécié d'assister à une représentation.
Je ne suis pourtant pas totalement enthousiaste et j'ai cherché à comprendre pourquoi.

Parce que ... j'ai découvert depuis quelques années une autre forme de cirque.
Parce que ... la performance circassienne peut se situer ailleurs que dans les superlatifs. Le plus grand, le plus haut, le plus fort, le plus dangereux ... ne sont pas nécessairement les plus merveilleux.

Parce que ... la dimension poétique est désormais essentielle et que ce ne sont plus les paillettes qui me font rêver.

Parce que ... je n'ai pas besoin d'un Monsieur Loyal pour conditionner mes applaudissements.

Pinder présente d'excellents numéros qui font honneur au cirque traditionnel. Avec notamment l'illusionniste Sophie Edelstein, directrice artistique du cirque et jury d'Incroyables talents, l'émission de M6. Avec son frère, Fréderic Edelstein, un des dresseurs de fauves les plus talentueux. Avec Romina, reine du houlla-hops. Et puis des acrobates, des clowns, un jongleur (révélation d'Incroyables talents ...)

Mais je préfère les chapiteaux plus modestes comme ceux qui s'installent sur l'Espace Cirque d'Antony (92). J'aime sentir l'odeur des chevaux dont les sabots résonnent au premier galop. Je peux lire les hésitations sur les visages des artistes avant les numéros de voltige. J'apprécie leur volonté de se dépasser. J'applaudis sans réserve leur travail de recherche pour surprendre avec parfois un détail un public de plus en plus expert.

Si je frisonne alors c'est de plaisir. J'aime aussi quand la musique occupe une large place. Quand la théatralisation conduit les numéros. Quand l'esprit de troupe accorde la meilleure place à chacun sans hiérarchie. Quand il n'y a pas de garçon de piste ni de second rôle.

Je n'aime pas tout le coté "marchands du temple" qui détourne l'attention avec la vente d'accessoires lumineux et de sifflets qui font ressembler la piste à un stade de football. Je ne vais pas au cirque pour avaler du pop-corn ou me coller les doigts à la barbe à papa. Je viens pour rêver et engranger des images qui me transportent un peu vers les étoiles. Pourtant j'ai d'excellents souvenirs de représentations du Festival de Cirque de Massy (91), mais son chapiteau reste à taille humaine. Il fêtera à sa manière le 150 ème anniversaire de l'invention du trapèze volant. Ce rendez-vous demeure une référence en terme de cirque à la fois classique et expérimental du 21 au 24 janvier 2010.

Une structure minuscule vient de se poser sur l'Espace Cirque d'Antony (92) et elle ne pouvait qu'attirer mon regard avec ses couleurs chaudes et son architecture de ruche. Matej et Petr Forman (qui ne sont autres que les fils du célèbre réalisateur de cinéma Milos Forman) ont voulu restaurer l'esprit des théâtres ambulants des années 30. Leur freak house se réclame du cabaret, du théâtre et du cirque. Et leur univers est un petit monde de monstres.

Tout ce qui est différent fait facilement peur ; tout ce qui ne correspond pas à la norme rend méfiant ... Autrefois il était d'usage de montrer les êtres difformes dans les cirques ; aujourd’hui, ce sont des êtres d'exception magnifiques comme je le disais au début du billet. Les frères Forman décident de prendre le contre-pied de la tendance actuelle, avec tendresse et humour, un peu à la manière de Tod Browning et de sa Monstrueuse parade.

Obludarium, c’est un jeu de mot entre le mot « obluda », monstre en tchèque, et planetarium ou aquarium, explique Petr Forman qui reconnait avoir été inspiré par le cirque, le cabaret, le night club ... pour inventer un spectacle qui fait découvrir la petite histoire des personnages dedans.

Vous verrez donc, mesdames et messieurs, la femme à barbe, le lilliputien, la petite fille géante, ou encore la sirène ... tout ce petit monde étrange et dérangeant, et bien d'autres encore, comme ces marionnettes géantes.

Le cheval sera de bois. L'orchestre tsigane jouera sur l'estrade, en direct bien sur. Les spectateurs devront se serrer sur les deux étages autour de la piste de l'étrange baraque conçue par Matej Forman. On ne va pas tenir à plus de 120 et on jouera à guichets fermés. Ce sera encore une fois un évènement exceptionnel puisqu'il n'y a que deux endroits en région parisienne qui vont recevoir ce cirque de l'étrange : Antony et Cesson-la-Forêt.

Quand vous verrez des extraits dans les meilleures émissions de télévision vous ne direz pas qu'on ne vous a pas prévenus. Il reste peut-être quelques places. A vous d'essayer !

Obludarium sera donné à l'Espace Cirque, rue Georges Suant - 92160 Antony, du 6 au 17 janvier à 20 heures (dimanche 16 heures). Navette gratuite depuis la gare RER d'Antony et le Théâtre La Piscine. Pour tout savoir des spectacles de la Scène conventionnée d'Antony-Châtenay : 01 41 87 20 84 et www.theatrefirmingemier-lapiscine.fr
A Sénart, Cesson-la-Forêt du 22 janvier au 6 février tel 01 60 34 53 60 ou www.scenenationale-senart.com
Les photographies qui ne sont pas mentionnées A bride abattue proviennent du site de la compagnie : http://formanstheatre.cz

vendredi 1 janvier 2010

Excellente année à tous








C'est Mahmûd Shabestarî, philosophe et poète persan qui m'a soufflé cette jolie formule :

L'année à venir n'existe pas. Nous ne possédons que le petit instant présent.

Du coup cela devient plus facile de vous présenter mes meilleurs vœux ... l'espace d'un instant.

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