Ils sont venus au devant des lecteurs de la médiathèque d'Antony (92) pour leur faire entrevoir les Créations d'hiver que le Centre Culturel de Chevilly-Larue et la Maison du conte vont présenter du 29 janvier au 8 février 2009.
Pour ceux qui ne connaissent pas Chevilly-Larue, Val-de-Marne, c'est depuis 25 ans un drôle d'endroit pour les rencontres ... de conteurs. Le Centre culturel est le théâtre, pour la diffusion et la création d’œuvres innovantes. La Maison du Conte est un établissement de recherche, de transmission et de créations. Dans l'un ou l'autre c'est toujours étonnant, justifiant une position de référence dans le monde de l'oralité. En plus les prix des billets sont TRES abordables, il faut le souligner.
Vus d'ici n'est-ce pas qu'ils ont l'air assortis tous les deux ? Ils se donneront en spectacle en parallèle à Chevilly, Pépito Matéo avec Dernier Rappel au Centre culturel les 29 et 31 janvier et 1er, 6, 7 et 8 février, Sophie Wilhelm avec J’ai tant rêvé de toi les 29, 30 et 31 janvier à la Maison du conte.
Ce soir c'est Sophie qui ouvre le feu. Lauréate en 2000 du prix des conteurs, puis artiste issue du Labo de La Maison du Conte elle a collecté des premières rencontres amoureuses, pour nous offrir « J’ai tant rêvé de toi ».
Rencontres vécues, racontées, fantasmées, réenchantées : Sophie Wilhelm s’est emparée de toutes les histoires qu'on a bien voulu lui donner. Son magnétophone a enregistré sans faiblir et elle a retranscrit les paroles qui photographient l'instant où la vie bascule. Instants particuliers qui font palpiter le cœur à tout rompre. Ces rencontres simples, qu’elles soient insolites, fulgurantes , modernes (comme celle de Miss S, ou Scarabée , qui converse sur Internet avec Monsieur Triple galop) ou éphémères changent quelque chose de notre existence. Cela composait une pile immense avec laquelle elle s'est enfermée un été dans la yourte qu'elle a posée dans la campagne meusienne.
Toutes ces histoires se sont brouillées jusqu'à placer Sophie en état de confusion intense. Les histoires font voyager mais c'est aussi quand on est en partance qu'on les glane. Comme celle-ci qui l'habite toute entière :
J'ai quitté le Centre culturel après la présentation de saison pour revenir en Lorraine par le TGV de 8 heures 12. Avec un billet pour la place 32. Une jeune femme l'avait déjà investie. Deux solutions : j'exige mon dû ou je m'installe ailleurs. Il y a de la place et surtout je vois un homme jeune, aussi, viril mais doux, qui prend place à côté de la jeune femme. Je sens que j'assiste en direct à une rencontre. Cadeau ! Je ne bouscule rien. J'observe. La conversation dure. Je le sens attentionné, tenant dans sa main un café brûlant. Elle, regard perdu coté vitre, désopercule un yaourt nature. Ces deux inconnus l'un de l'autre prennent là sous mes yeux leur premier petit déjeuner ... Il retire son blouson de cuir. Elle étend ses jambes. Une petite étincelle explose, fragile. Cinquante-neuf minutes se sont écoulées. La gare Meuse-TGV est annoncée. J'ai juste le temps de constater un échange de papier depuis le quai.
Toutes ces histoires se sont brouillées jusqu'à placer Sophie en état de confusion intense. Les histoires font voyager mais c'est aussi quand on est en partance qu'on les glane. Comme celle-ci qui l'habite toute entière :
J'ai quitté le Centre culturel après la présentation de saison pour revenir en Lorraine par le TGV de 8 heures 12. Avec un billet pour la place 32. Une jeune femme l'avait déjà investie. Deux solutions : j'exige mon dû ou je m'installe ailleurs. Il y a de la place et surtout je vois un homme jeune, aussi, viril mais doux, qui prend place à côté de la jeune femme. Je sens que j'assiste en direct à une rencontre. Cadeau ! Je ne bouscule rien. J'observe. La conversation dure. Je le sens attentionné, tenant dans sa main un café brûlant. Elle, regard perdu coté vitre, désopercule un yaourt nature. Ces deux inconnus l'un de l'autre prennent là sous mes yeux leur premier petit déjeuner ... Il retire son blouson de cuir. Elle étend ses jambes. Une petite étincelle explose, fragile. Cinquante-neuf minutes se sont écoulées. La gare Meuse-TGV est annoncée. J'ai juste le temps de constater un échange de papier depuis le quai.
Après ? Après c'est l'histoire d'une voix qui prend corps, c'est une une histoire d'amour qui pourrait bien commencer. Si ...
Oh avec des "si" on mettrait Paris en bouteille s'énervait mon grand-père quand je me risquais une supposition. Ma grand-mère embrayait avec une formule qui n'avait rien de magique : si çà tombe ... qui n'avait pas l'air de tomber bien. N'empêche que "si" est le mot préféré de Pépito Matéo qui compare les conteurs à des spéculateurs. Il le démontre aussitôt en nous embarquant dans un vieux train branquebalant. Un jeune homme demande l'heure à un vieil homme qui refuse de la lui donner sous prétexte qu'il connait les hommes et que cela va mal finir. Voici l'histoire, en résumé. Si je vous donne l'heure vous me direz merci. Nous sympathiserons. Vous viendrez à la maison. Vous tomberez amoureux de ma fille. Et vous croyez que je vais donner sa main à un type qui n'a même pas les moyens de s'acheter une montre !
On dit de Pépito Mateo sur wikipédia qu'il est conteur et comédien français. Que son travail est caractéristique du renouveau du conte en France et en Occident. Ce compliment provoquerait à coup sûr une grimace sur son visage aux yeux si expressifs. C'est pourtant on ne peut plus vrai. Il a soutenu une thèse de doctorat consacrée au conteur et au théâtre moderne, a été chargé de cours à l’université de Paris VIII. Depuis 90, il participe à tous les grands rendez-vous sur la parole, tant en France qu’à l’étranger, et publie des articles dans des revues françaises et étrangères, ainsi que des contes originaux…
Je ne peux pas dater "notre" rencontre. Mais ce dont je me souviens c'est de l'effet de surprise. Cet homme animait ce jour-là une discussion sur le conte et son discours était étrangement surréaliste. Avec des histoires improbables de malentendus intergénérationnels. A l'inverse d'un Henri Gougaud, assis du bout des fesses sur un haut tabouret, Pepito Matéo sur scène, est un ressort courant de cour à jardin, moulinant l'air à grandes brassées. Quand la voix rocailleuse d'Henri vous promène doucement dans un jardin imaginaire, le surréalisme oulipien de Pépito électrise vos neurones qu'il secoue sur des montagnes russes. Il vous fera croire que "ce sont les bâches qui donnent le lait et qu'il faut manger du veuf pour grandir".
On ne dirait pas cela à le voir tranquillement assis sur le fauteuil. En 2003 il avait investi les urgences hospitalières, en se mettant à notre place. Trois ans plus tard, sous les traits d'un rat-conteur il nous proposait une évasion de nos idées reçues à propos du monde carcéral dans un spectacle intitulé Parloir. Le troisième volet de sa trilogie imaginaire aura, nous explique-t-il, pour fond le social, pour cœur l’individu aux prises avec sa fragilité, et pour question centrale : comment l’écriture peut-elle rendre conte de sujets graves, sans sensiblerie, et donner envie de regarder le monde sous l’angle d’une mythologie contemporaine ?
Pour concevoir Dernier rappel Pépito a investi les maisons de retraite avec l'arrière-pensée de traiter avec humour et décalage une interrogation qui -forcément- nous concernera tous un jour ou l'autre (plutôt l'autre d'ailleurs) autour du thème sensible de la vieillesse et de la mort. L'homme est mortel. C'est sa grandeur et il faut l'accepter. Sinon il n'y a pas de raison de faire des héritages ( ... ni des héritiers).
J'invente une maison de retraite en chantier imaginaire, ouverte à toutes les histoires du dedans et du dehors, où le quotidien côtoierait la mythologie et où le présent et le passé se feraient écho, en travelling, en zoom arrière et en gros plan, retraçant les étapes de la vie et mes propres souvenirs... On y verra sans doute l'histoire d'un homme jaloux de ce qu'il a été, celle d'une femme qui conserve son monde de rêve dans une bulle, ou de ces deux jeunes amoureux de 90 ans, celle de celui qui veut en finir une fois pour toutes, de la dame qui s'échine à rester éternellement belle, d'un passionné d'avenir qui nʼa plus de mémoire, d'un ancien ouvrier s'étonnant d'être devenu artiste à l'approche de la disparition du spectacle vivant…
Pour Pépito Matéo le trou de mémoire est une distance pour rendre tout possible. Il travaille par juxtapositions de textes d'une grande collecte jusqu'à avoir sous les yeux la représentation effective, quasi cartographique, de ce que sera le prochain spectacle qu'il "n'y a plus qu'à" mettre en récit.
Il rêve déjà à un après Dernier rappel. Influencé probablement par les livres qui sont tout près, Pépito Matéo nous confie que cela pourrait être de la lecture. La différence entre comédien et conteur est ténue. Devos se disait conteur. Pépito pourra être lecteur. Car ce qui compte c'est que le voyage existe.
Et de citer la réponse de Blaise Cendrars à ceux qui lui reprochaient de n'avoir jamais pris le transsibérien : peu importe puisque je vous y ai emmenés !
Pour prolonger le voyage ... les bibliothécaires recommandent Les yeux des chiens ont toujours soif d'un "jeune" auteur de 86 ans, Georges Bonnet, édité en 2006 par Le Temps qu'il fait, témoignant qu'il n'y pas d'âge pour la rencontre.
Et de citer la réponse de Blaise Cendrars à ceux qui lui reprochaient de n'avoir jamais pris le transsibérien : peu importe puisque je vous y ai emmenés !
Pour prolonger le voyage ... les bibliothécaires recommandent Les yeux des chiens ont toujours soif d'un "jeune" auteur de 86 ans, Georges Bonnet, édité en 2006 par Le Temps qu'il fait, témoignant qu'il n'y pas d'âge pour la rencontre.
Lieux des représentations
Dernier Rappel / Pépito Matéo les 29 et 31 janvier et 1er, 6, 7 et 8 février
Centre culturel, 102 av. du général de Gaulle, 94550 Chevilly-Larue
J’ai tant rêvé de toi / Sophie Wilhelm les 29, 30 et 31 janvier
La Maison du Conte, Villa Lipsi, 8 rue Albert Thuret, 94550 Chevilly-Larue
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire