Nous connaissons tous la majorité des photos de Robert Doisneau (1912-1994) qui est sans nul doute le plus populaire des photographes français du XX° siècle et l’un des représentants majeurs du courant humaniste, mouvement que la Maison des arts d’Antony (92) met en valeur depuis son ouverture en 1992.
Mais, outre le fait que c’est toujours un plaisir de les revoir, l’exposition proposée jusqu’à la fin de l’année, est une occasion de sortir un peu des clichés habituels et de se rendre compte que le photographe a immortalisé (aussi) des scènes de la vie quotidienne des années 80-90 et pas seulement des enfants ou des amoureux.
On doit le titre de l’exposition au talent de Jacques Prévert, qui connaissait très bien son ami, à qui il avait dit un jour : "C'est toujours à l'imparfait de l'objectif que tu conjugues le verbe photographier".
Il n’y a que des photos. Que du noir et blanc (alors que le photographe a fait aussi des clichés en couleur absolument magnifiques) mais qui racontent tant !
Bien entendu les années 45-55 ne sont pas oubliées mais on en découvre de bien plus récentes, tout autant étonnantes, comme ce chien à roulettes immortalisé à Paris en 1977.
Je ne me souvenais pas qu’il avait autant photographié d’attrister, mais je n’ai as été étonnée qu’il les ait mis en scène. Jacques Tati (1907-1982) et son vélo du film Jour de fête, en pièces détachées à ses pieds, illustre bien l’humour des deux hommes. Voilà pourquoi je l’ai choisie pour la placer en tête de cette publication.
La fête foraine était quasi permanente à Paris dans les années 40-50. C’était donc un sujet familier. Elle a toujours fasciné le photographe qui l’a souvent immortalisée comme quasiment tous les photographes humanistes. Il s’intéressait autant aux forains qu’aux visiteurs. A propos des premiers, dont il était admirateur des prouesses physiques, il écrivit dans son livre qu’ils lui apprirent l’art de composer avec le provisoire.
Cette photo, intitulée Trépidante Wanda, a été prise boulevard Saint-Jacques, non loin du domicile de Brassaï qui l’a photographiera lui aussi. le regard de Doisneau révèle deux éléments opposés, de valeurs ou de symboliques différentes, l’espace public (extérieur) de la file d’attente qui est en pleine lumière, et à gauche l’espace privé de l’intérieur de la baraque qui est dans la pénombre, le chien se trouvant à la jonction des deux, renforçant le contraste entre les deux mondes.
Dans d’autres clichés on remarquera l’opposition entre le bien et le mal, le sacré et le profane, beau et laid, art populaire et raffiné etc …
Le Mimosa illustre un autre des thèmes récurrents de Doisneau, celui des bistrots et du monde des travailleurs où la délicatesse de la fleur contraste cette fois avec la rusticité des lieux, imprégné de l’odeur du tabac et de celle de la serpillère à pinard comme le disait le photographe en commentaire.
Le manège de Monsieur Barré, sans être installé dans le périmètre d’une fête foraine, appartient malgré tout à cet univers. Il était implanté en face de la mairie du XIV° arrondissement de Paris. Le propriétaire a longtemps été méfiant, s’imaginant que Robert Doisneau allait copier son modèle. Il lui fallut gagner la confiance de ce Facteur Cheval de l’art forain qui avait utilisé uniquement du métal de récupération pour le construire.
Parmi les artistes qu’il photographia il y eut Picasso, Colette, Juliette Gréco, et moins connu, Jean Fautrier (1898-1964, ici en 1960), peintre, graveur et sculpteur qui a retenu mon attention car il était châtenaisien et a vécu dans sa maison de l’Ile verte où j’aime tant me promener (ci-dessus).
Pour ce portrait c’est la simplicité de la pose, du type de celle que l’on prend pour converser avec un ami, qui contraste avec la théâtralité de l’arrière plan où le regard se pose sur un landeau.
Cette photo de mariage a été prise dans le Poitou où la coutume voulait que la noce parcourt à pied la distance entre la ferme et l’église et qu’à chaque fois que les mariés rencontraient deux chaises assemblées par un ruban noué la jeune femme coupe le ruban alors que son père dépose un peu d’argent dans une corbeille.
"Pêcheur d’images", Robert Doisneau aimait arpenter les rues de Paris et de sa banlieue, attendant patiemment les histoires que les passants voulaient bien "raconter" devant son appareil photo, quitte à demander ensuite à des figurants de prendre la pose pour saisir, non pas une version idéalisée de la réalité, mais en sublimer au contraire toutes les imperfections. Il donne ainsi à voir la beauté et la simplicité de l’ordinaire et témoigne des évolutions sociales du siècle dernier, avec malice, tendresse et souvent une pointe d’ironie.
Conçue avec l’Atelier Robert Doisneau géré par les filles de l’artiste Francine Deroudille et Annette Doisneau, l’exposition présente 80 œuvres parmi les plus célèbres du photographe, principalement prises entre les années 1940 et les années 1960. Un coin lecture a été installé au rez-de-chaussée avec une imposante collection de livres de photographies pour en apprendre davantage sur cet homme exceptionnel.
En complément, je vous invite à lire un article sur une précédente exposition de Doisneau dans laquelle je parle de sa manière de travailler. Enfin n’oubliez pas le sous-sol où un club photo s’est inspiré des clichés d’enfants les plus célèbres pour les « actualiser » en demandant aux enfants du centre de loisirs voisin de se placer à l’identique devant l’objectif. Le résultat est très intéressant, mais démontre que, à l’instar de la cuisine, il ne suffit pas d’avoir la recette pour réussir le plat à la perfection.
Robert Doisneau, À l'imparfait de l'objectif
Maison des arts - 20 rue Velpeau - 92160 Antony - 01 40 96 31 50
Entrée libre jusqu'au 31 décembre 2022
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