Despedida est un film brésilien, en VO portugaise, dont le genre appartient à la fois au fantastique, au surréalisme et à l’univers des contes.
Ana,11 ans, se rend avec sa mère dans le sud du Brésil pour les funérailles de sa grand-mère. La nuit, par la fenêtre de la maison familiale, elle voit le fantôme de son aïeule entrer dans la forêt. Quand Ana décide de la suivre, elle découvre un monde de fantaisie et de mystère. Elle voudrait résoudre une vieille querelle familiale, mais son chemin est semé d'embûches : des sorcières, des méchants, des créatures étranges et surtout, un chien sauvage qui garde le passage vers ce monde fantastique.
L’histoire se déroule sur les trois jours de Carnaval dont plusieurs scènes interfèrent avec la vie familiale ou les rêves de la fillette, accélérant en quelque sorte le caractère fantastique de la situation.
Un des aspects intéressants est de combiner la magie du carnaval avec les pouvoirs qui sont supposés se transmettre de mère en fille. Le concept de magie est traité de manière audacieuse en englobant la peur, la danse, tout ce qui relève en fait de l’imaginaire.
Les personnages ont leur équivalent dans le monde des contes de fées. La sœur de la défunte est une sorte de maléfique marâtre de Cendrillon. La jeune fille devient Alice au pays des merveilles. La mère, qui perd la vue, évoque la Belle au Bois dormant plongeant dans le sommeil (on la voir d’ailleurs se coucher et dormir). Et la présence d’animaux fantastiques est suggérée par les masques.
L’animalité est partout, dans la forme que prennent les nuages, dans le langage d’oiseaux employé par les enfants pour communiquer entre eux, et jusque dans le jeu de colin-maillard où l’on cherche les cousins cachés en se repérant au miaou en réponse à la question : Et le chat fait ?
La mère est celle qui encourage l’enfant à lutter contre la peur en lui donnant une sorte de formule magique : compte 3-2-1 et le cauchemar s’arrêtera. Mais on pourra considérer que lorsqu’elle deviendra aveugle elle perdra sa capacité à soutenir sa fille. Sa cécité est une façon de mettre à distance ses souvenirs pour ne pas voir ce qui la dérange dans le passé de sa propre mère, décédée.
La fille, par contre, surmonte les situations difficiles à voir, tout comme elle retrouve ses cousins au jeu de colin-maillard. Elle sera aussi celle qui comprendra comment redonner la vue à sa mère.
D’autres très belles références surgissent comme celle du peintre Raphaël quand la petite fille se connecte avec l’index au royaume des morts.
Les images sont splendides. Des ronces se développent pour symboliser les regrets et les non-dits dont il faudra se libérer en leur disant adieu, ce qui en portugais se dit Despedida. Les couronnes, de petites cuillères ou de fourchettes, sont à la fois très sophistiquées et très simples, puisque bricolées avec des objets du quotidien (liés à la nourriture, comme si le spirituel était une sorte d’aliment).
Les réalisateurs disent avoir commencé avec l’intention de se limiter à un court-métrage à partir de l’image d’une petite fille qui regarde à travers la fenêtre une nuit, tandis que sa grand-mère décédée l’appelle entre les arbres de la forêt. La fille se fige un instant, éprouvant un sentiment de peur, alors qu'elle décide si elle doit se plonger dans ce fantasme ou se rendormir...
Puis le scénario s’est naturellement alimenté de leurs souvenirs d’enfance et de secrets familiaux chuchotés derrière les portes. Un monde magique a pris forme, et l’histoire est née.
Le film est d’une grande beauté, combinant film d’animation et séquences tournées avec des comédiens en live action, en ayant bien entendu recours à de multiples effets spéciaux, tous justifiés au demeurant. Wayna Pitch, qui en est le distributeur français, a bien raison de souligner l’influence de Miyazaki dont les films comme Mon voisin Totoro (1988), Princesse Mononoké (1997) et Le voyage de Chihiro (2001) ont été des sources d'inspiration pour les réalisateurs.
Ce que j’ai trouvé particulièrement réussi c’est que Despedida a beau s’être nourri de toutes ces références on est devant une œuvre qui s’inscrit dans un univers propre à Luciana Mazeto et Vinícius Lopes. Et je serai très heureuse de suivre leur évolution car s’ils ont auparavant réalisé plusieurs courts-métrages, Despedida n’est que leur second long-métrage, après Irma, sorti en 2020., qui était lui aussi un voyage initiatique et dans lequel jouait déjà Anaís Grala Wegner.
Née à Porto Alègre au Brésil, Luciana Mazeto a étudié le cinéma à l’Université catholique de Rio Grande do Sul (PUCRS). Elle fait de la recherche sur la réalisation de films analogiques et elle est membre des laboratoires LaborBerlin et Filmwerkplaats.
Né lui aussi dans la même ville, Vinícius Lopes est sorti de l’Université catholique de Rio Grande do Sul (PUCRS) avec un diplôme en production audiovisuelle. Depuis 2016, il est commissaire d’un festival de films expérimentaux à Porto Alègre, le CineEsquema Novo.
Ensemble, ils coréalisent leurs court-métrages, Three Mice (2013), Little Things (2014), Behind the Shadow (2015), Stone Engravings and the Three-Colored Chickenpox Tale (2018), projetés dans de nombreux festivals, notamment à Rotterdam, Leipzig, Gramado et Montevideo. Ils sont partenaires fondateurs de la société de production Pátio Vazio.
Despedida, scénario et réalisation de Luciana Mazeto et Vinícius Lopes
Avec : Anaís Grala Wegner, Patricia Soso, Ida Celina, Sandra Dani, Marielly da Cruz, Kiko Ferraz, Silvia Duarte, Clemente Viscaino, Frederico Machado, Kauã Machado
Distribué en France par Wayna Pitch
Sur les écrans le 14 décembre 2022
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