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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

vendredi 27 juin 2008

Le syndrome de la madeleine

Cframboise m'avait promis que ces palets seraient une "folie". C'était bon d'accord, mais pas à la folie, point du tout.

J'avais pourtant suivi scrupuleusement la recette. J'avais sorti la balance de précision pour peser au gramme près. J'avais découpé avec le verre à vodka tout comme il fallait. J'avais mis au four 12 minutes pas une de moins, pas une de plus.
Jugez vous-même. Allez voir sur le blog de Cframboise et comparez. Ils ne se ressemblent même pas. Pour ce qui est du goût, c'est du pareil au même : rien à voir. C'était tout à fait mangeable, et même plutôt goûteux, mais comme on m'avait promis du sublime ....



Alors me direz-vous ? Eh bien, je vous répondrais que la recette ne fait pas le chef !

C'est plutôt rassurant pour les fines-bloggeuses-cuisinières. Elles peuvent bien donner leurs recettes, ce n'est pas pour autant qu'elles doivent craindre la concurrence. Je dirais même : au contraire. Car c'est plutôt dépitant d'expérimenter son incompétence. Cela donne guère envie de récidiver.

C'est d'autant plus bête que comme je suis du genre enthousiaste je croyais dur comme fer que j'allais me régaler au-delà de ce qu'il est raisonnable d'imaginer. J''avais prévu de faire un clin d'oeil à Claudia -pour la remercier de cette recette- en utilisant le reste du "fourrage" en le posant comme des petites îles avec un volcan de framboise puisqu'elles sont juste mûres à point depuis quelques jours dans mon jardin. J'ai fait un flop. Mais comme il paraît que c'est l'intention qui compte ...

Pourquoi cette allusion à la madeleine dans le titre ?

Je vois qu'il n'y a pas que moi qui m'interroge.

C'est parce que Claudia, la rédactrice de Cframboise, a imaginé d'asticoter les cuisinières-bloggeuses-férues de littérature en leur suggérant de lui envoyer des recettes inspirées d'œuvres littéraires qui leur ont plu. Depuis la Martinique elle aligne dans un second blog intitulé la petite madeleine toutes les réponses qui font plus envie les unes que les autres.

J'ai connu Jean-Pierre Chabrol en tant qu'auteur de pièces de théâtre. Sa carrure m'impressionnait. Ses coups de gueule aussi. J'adorais sa voix rocailleuse, aux accents de garrigue, ponctuée de souffles rauques qui alimentaient son inspiration au sens propre comme au sens figuré. Jean-Pierre était un conteur extraordinaire. Nous ne nous lassions jamais de l'entendre.

De toutes ses histoires ma préférence va à La soupe de la mamée (publiée en 1985 dans les Contes à mi-voix chez Grasset). Il raconte la difficulté de sa mère à égaler sa belle-mère en cuisinant une soupe aussi bonne que la sienne. Elle a beau s'escrimer à suivre la recette, avec les mêmes ingrédients, rien n'y fait : çà ne vaut jamais la soupe de la mamée. Après plusieurs péripéties la famille va jusqu'à aller chercher la grand-mère au fond de son village pour la "descendre" en ville avec son chaudron, son eau de source, les légumes de son jardin, son lard ... pour qu'elle prépare elle-même sa soupe.

Hélas le plat ne vaudra toujours pas "sa" soupe.
- Tout ça supporte pas le voyage ! marmonne-t-elle
Le père de Jean-Pierre, interrogea alors avec désespoir :
- Mais alors ?
- Alors, rugit la Vieille (et il fallait entendre Jean-Pierre pousser les décibels), alors si vous voulez manger de la bonne soupe, vous n'avez qu'à venir chez moi !

Ainsi donc ce n'est pas parce qu'un morceau de gâteau trempé dans du thé a eu le pouvoir de restaurer des souvenirs à Marcel Proust, qu'il faudrait croire que notre palais peut se laisser facilement abuser. Il y a des moments qui sont et resteront uniques.

Personnellement j'ai renoncé à retrouver le parfum du thé que je buvais certains dimanches après-midis de mon enfance. Je sais que je ne ferai jamais une pâte à tarte aussi fondante que celle de ma grand-mère même si parfois je m'en approche.

Je ne devrais donc pas m'étonner que mes palets ne soient pas à la hauteur de ceux que Claudia a goûtés. C'est une affaire de feeling, comme le chanterait Wiliam Sheller ...

2 commentaires:

Cuisine Framboise a dit…

Marie-Claire, je n'y suis pour rien. Ma fille et sa copine ont seules produit ce miracle!!! Je t'assure qu'il a fallu me lier les mains pour ne pas finir le plateau!
J'ai connu de telles déconvenues avec certaines recettes des deux grands-mères auprès de mes enfants!!! Du basique en plus!!

Marie-Claire Poirier a dit…

Je suis "ravie" de l'expérience en fait parce que chaque palet m'a permis de réentendre dans ma tête la voix de Jean-Pierre Chabrol... Comme la mémoire est curieuse ! On ne convoque pas les souvenirs : ils s'invitent au débotté et c'est çà qui est formidable

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