Après Nos limites, le Centre d'art et de culture de Meudon poursuit sa programmation ambitieuse avec Michèle Guigon (que j'ai découverte il y a longtemps aux côtés de Jérôme Deschamps). Il ne fallait pas louper la Vie va où ? J'avais placé un extrait de ce spectacle à la fin de ma critique de Miam, miam et je vous le "ressers" un peu plus loin parce que cette artiste est vraiment à découvrir.
Elle pénètre sur scène en se faufilant dans un rai de lumière comme si c’était un rideau. Elle interpelle illico le public avec un sourire magnifique: Sinon des questions ?
On connaît tous le propos de la pièce mais on se dit que l’atmosphère ne sera pas plombée. On est entre de bonnes mains. On peut se laisser aller.
Michèle a opté pour le mode chronologique. Elle démarre avec des souvenirs d’enfance, du temps où son père faisait, sans GPS, le trajet de Strasbourg à Belfort pour aller chez mémé. Elle mouline l’air avec de grands gestes imitant les agents de police des temps anciens. L’accent est léger. Si elle ne nous rappelait pas que c’est une enfant de Cronembourg, avec un C, la ville où l’on brasse la bière, avec un K on ne se douterait pas qu’elle est alsacienne, nostalgique de l’odeur du houblon quand il pleut.
La thématique s’accorde avec le déroulement de l’histoire. C’est en maternelle qu’elle est pour la première fois en danger de mort. Les alsaciens ont inventé les décorations de Noël des sapins. Les pommes ont désormais été remplacées par des boules et dans la classe ils ont ajouté des bougies. Les flammes ont allumé le sapin et il a fallu évacuer. La capuche de la petite fille est restée accrochée au porte-manteau et Michèle se livre à une démonstration de course sur place digne d’un film muet.
Elle alternera les scènes parlées avec les pantomimes tout au long du spectacle. Elle a une souplesse corporelle insensée ; on la croirait en caoutchouc. Plus tard elle nous gesticulera l'acrobatie de la femme d’Histoire sans paroles en fredonnant l’air du ta ra ta ta ta ta ta… (voir à la fin de l'article)
C’est encore en maternelle qu’elle a connu son premier chagrin d’amour, provoqué par la présence d’une certaine Élisabeth, qui a joué le rôle du mur de Berlin entre son copain et elle, empêchant toute communication entre les enfants. Loin des yeux … ils ont trop vite été loin du cœur.
On la sait musicienne et elle enfile régulièrement son instrument pour pousser joliment la chansonnette. Elle glisse habilement le conseil d’aller écouter de la musique au Limonaire. On apprend que c’est son père qui lui a fait faire de l’accordéon, plus pratique à transporter à vélo. Sa sœur a eu moins de chance avec le piano. Elle a arrêté de faire du vélo. Michèle adore son instrument dont elle souligne qu’il se porte sur le cœur, avant de reprendre l’expression d’Alain Leprest disant de lui qu’il est un souffle au cœur.
L’artiste philosophe avec sagesse, en jouant sur les mots : pourquoi c’est quand il est vide que le cœur est lourd ? Elle condamne les chaines de télé en tendant les poignets avec un faux air de soumission. Elle ouvre pour nous le magasin des idées toutes faites et nous donne des exemples d’a priori, d’idées reçues …qui amusent bien la salle. Elle ose parler des cimetières en terme touristique. Les cimetières à Paris c’est comme des œuvres d’art. On les visite. Ils font plutôt paysages de vacances, alors qu’en province c’est la rubrique nécrologique qu’on lit en premier dans le journal. Voyons voir qui c’est qu’est mort cette semaine …
Pas de doute, cela sent le vécu. Comme sa condamnation des lunettes à verres progressifs. Elle fait la démonstration de la difficulté d’accommoder vision de loin, de près et intermédiaire, en jonglant avec les trois focales. Taper un texte à l’ordinateur équivaut à dodeliner de la tête comme un vulgaire pigeon entrain de faire sa cour. Arthrose assurée mais vision garantie alors qu’enfant elle n’a pas vu les aigles de la célèbre Volerie de Kintzheim (67) pour ne pas avoir été capable d’assumer devant les voisins quelle était myope.
Et puis elle aborde de front le sujet qui fait franchement peur comme mort et cancer. Vous préférez chimio ou ablation ? Tant qu’à faire chimio parce que les cheveux repousseront. Le sein aussi, nous dit-elle parce que la reconstruction est une étape bien rodée. Après avoir (sans doute comme toute personne dans sa situation) cherché à cacher son état Michèle a décidé d’assumer. Sans complicité avec la maladie qu’elle traverse à la façon d’un voyage. Elle s’amuse de nous montrer le bonnet rose qui lui gardait la tête au chaud, s’inquiétant tout de même de ne pas trop avoir l’air biberon …
Elle raconte son combat contre la dépression, arguant qu’il ne faut pas attendre d’être mince pour commencer un régime. Elle se prend en main, refuse en bloc la proposition de la visiteuse d’hôpital de vivre comme avant … n’ayant nulle envie de refaire un cancer. Ce qu’elle veut c’est vivre comme après. Le plus possible. À 20 ans 40 paraissaient inatteignables. A 40, ce sont 60 et même 80 qui deviennent envisageables. Malgré toutes les dégradations successives. Grandir, vieillir c’est toujours apprendre à perdre quelque chose.
Elle démonte le phénomène de la mémoire qui flanche, surtout quand elle s’attaque à la perte des noms propres. Ceux là ne viennent jamais se poser sur le bout de notre langue. Elle s’insurge contre le tabou de la vieillesse. En premier lieu contre tous ceux qui montrent les personnes âgées du doigt. Il n’y a pas d’âge plancher pour se sentir à l’écart. On se trouve vite flashé en excès de vieillesse sur une portion de société limitée à 35 (ans). Ensuite parce que c’est une question de logique : puisqu’on recule l’âge de la mort, on vieillit de plus en plus. Il ne faudrait d’ailleurs pas aller jusqu’au « trop ».
Michèle Guigon nous a fait passer une belle soirée et nous étions tous prêts à faire un nouveau voyage avec elle. On sait où va la vie mais on n’a moins peur. On bénit son père de n’avoir pas trop insisté quand il aurait préféré qu’elle soit ingénieur pour faire du théâtre en simple amateur. Elle a fait le bon choix. Comme toujours.
Le texte du spectacle sera bientôt disponible et sa lecture permettra de revivre une soirée qu’on n’est pas prêt d’oublier. Michèle Guigon prépare déjà sa prochaine création, qui sera présentée à Boulogne-Billancourt dans le cadre du festival Seul en scène en mai prochain.
Pour ceux qui ne la connaissent pas encore, ou pour ceux qui voudraient revivre un moment de ce spectacle, regardez ...
La vie va où ? par Michèle GuiGon
envoyé par Bernardweb. - Plus de vidéos fun.
Centre d'art et de culture de Meudon (92100) 15 boulevard des Nations-Unies, tel 01 49 66 68 90. Pour connaitre les dates de la tournée voir le site de l'artiste.
Festival Seul en scène au Théâtre de L'Ouest Parisien
1, place Bernard Palissy, 60-62, av. J.B. Clément, 92100 Boulogne-Billancourt
Michèle Guigon interprétera Pieds nus, traverser mon cœur les 17 et 18 mai 2011
Histoires sans paroles était une émission de télévision programmée le dimanche soir vers 17 heures sur la première chaîne de l'ORTF à partir de 1964, puis sur TF1 dans les années 1970, et qui présentait une sélection de films burlesques en noir et blanc de l'époque héroïque du cinéma muet. Ce programme court a parfois servi d'Interlude. On doit la musique du générique à Jean Wiener.
Elle pénètre sur scène en se faufilant dans un rai de lumière comme si c’était un rideau. Elle interpelle illico le public avec un sourire magnifique: Sinon des questions ?
On connaît tous le propos de la pièce mais on se dit que l’atmosphère ne sera pas plombée. On est entre de bonnes mains. On peut se laisser aller.
Michèle a opté pour le mode chronologique. Elle démarre avec des souvenirs d’enfance, du temps où son père faisait, sans GPS, le trajet de Strasbourg à Belfort pour aller chez mémé. Elle mouline l’air avec de grands gestes imitant les agents de police des temps anciens. L’accent est léger. Si elle ne nous rappelait pas que c’est une enfant de Cronembourg, avec un C, la ville où l’on brasse la bière, avec un K on ne se douterait pas qu’elle est alsacienne, nostalgique de l’odeur du houblon quand il pleut.
La thématique s’accorde avec le déroulement de l’histoire. C’est en maternelle qu’elle est pour la première fois en danger de mort. Les alsaciens ont inventé les décorations de Noël des sapins. Les pommes ont désormais été remplacées par des boules et dans la classe ils ont ajouté des bougies. Les flammes ont allumé le sapin et il a fallu évacuer. La capuche de la petite fille est restée accrochée au porte-manteau et Michèle se livre à une démonstration de course sur place digne d’un film muet.
Elle alternera les scènes parlées avec les pantomimes tout au long du spectacle. Elle a une souplesse corporelle insensée ; on la croirait en caoutchouc. Plus tard elle nous gesticulera l'acrobatie de la femme d’Histoire sans paroles en fredonnant l’air du ta ra ta ta ta ta ta… (voir à la fin de l'article)
C’est encore en maternelle qu’elle a connu son premier chagrin d’amour, provoqué par la présence d’une certaine Élisabeth, qui a joué le rôle du mur de Berlin entre son copain et elle, empêchant toute communication entre les enfants. Loin des yeux … ils ont trop vite été loin du cœur.
On la sait musicienne et elle enfile régulièrement son instrument pour pousser joliment la chansonnette. Elle glisse habilement le conseil d’aller écouter de la musique au Limonaire. On apprend que c’est son père qui lui a fait faire de l’accordéon, plus pratique à transporter à vélo. Sa sœur a eu moins de chance avec le piano. Elle a arrêté de faire du vélo. Michèle adore son instrument dont elle souligne qu’il se porte sur le cœur, avant de reprendre l’expression d’Alain Leprest disant de lui qu’il est un souffle au cœur.
L’artiste philosophe avec sagesse, en jouant sur les mots : pourquoi c’est quand il est vide que le cœur est lourd ? Elle condamne les chaines de télé en tendant les poignets avec un faux air de soumission. Elle ouvre pour nous le magasin des idées toutes faites et nous donne des exemples d’a priori, d’idées reçues …qui amusent bien la salle. Elle ose parler des cimetières en terme touristique. Les cimetières à Paris c’est comme des œuvres d’art. On les visite. Ils font plutôt paysages de vacances, alors qu’en province c’est la rubrique nécrologique qu’on lit en premier dans le journal. Voyons voir qui c’est qu’est mort cette semaine …
Pas de doute, cela sent le vécu. Comme sa condamnation des lunettes à verres progressifs. Elle fait la démonstration de la difficulté d’accommoder vision de loin, de près et intermédiaire, en jonglant avec les trois focales. Taper un texte à l’ordinateur équivaut à dodeliner de la tête comme un vulgaire pigeon entrain de faire sa cour. Arthrose assurée mais vision garantie alors qu’enfant elle n’a pas vu les aigles de la célèbre Volerie de Kintzheim (67) pour ne pas avoir été capable d’assumer devant les voisins quelle était myope.
Et puis elle aborde de front le sujet qui fait franchement peur comme mort et cancer. Vous préférez chimio ou ablation ? Tant qu’à faire chimio parce que les cheveux repousseront. Le sein aussi, nous dit-elle parce que la reconstruction est une étape bien rodée. Après avoir (sans doute comme toute personne dans sa situation) cherché à cacher son état Michèle a décidé d’assumer. Sans complicité avec la maladie qu’elle traverse à la façon d’un voyage. Elle s’amuse de nous montrer le bonnet rose qui lui gardait la tête au chaud, s’inquiétant tout de même de ne pas trop avoir l’air biberon …
Elle raconte son combat contre la dépression, arguant qu’il ne faut pas attendre d’être mince pour commencer un régime. Elle se prend en main, refuse en bloc la proposition de la visiteuse d’hôpital de vivre comme avant … n’ayant nulle envie de refaire un cancer. Ce qu’elle veut c’est vivre comme après. Le plus possible. À 20 ans 40 paraissaient inatteignables. A 40, ce sont 60 et même 80 qui deviennent envisageables. Malgré toutes les dégradations successives. Grandir, vieillir c’est toujours apprendre à perdre quelque chose.
Elle démonte le phénomène de la mémoire qui flanche, surtout quand elle s’attaque à la perte des noms propres. Ceux là ne viennent jamais se poser sur le bout de notre langue. Elle s’insurge contre le tabou de la vieillesse. En premier lieu contre tous ceux qui montrent les personnes âgées du doigt. Il n’y a pas d’âge plancher pour se sentir à l’écart. On se trouve vite flashé en excès de vieillesse sur une portion de société limitée à 35 (ans). Ensuite parce que c’est une question de logique : puisqu’on recule l’âge de la mort, on vieillit de plus en plus. Il ne faudrait d’ailleurs pas aller jusqu’au « trop ».
Michèle Guigon nous a fait passer une belle soirée et nous étions tous prêts à faire un nouveau voyage avec elle. On sait où va la vie mais on n’a moins peur. On bénit son père de n’avoir pas trop insisté quand il aurait préféré qu’elle soit ingénieur pour faire du théâtre en simple amateur. Elle a fait le bon choix. Comme toujours.
Le texte du spectacle sera bientôt disponible et sa lecture permettra de revivre une soirée qu’on n’est pas prêt d’oublier. Michèle Guigon prépare déjà sa prochaine création, qui sera présentée à Boulogne-Billancourt dans le cadre du festival Seul en scène en mai prochain.
Pour ceux qui ne la connaissent pas encore, ou pour ceux qui voudraient revivre un moment de ce spectacle, regardez ...
La vie va où ? par Michèle GuiGon
envoyé par Bernardweb. - Plus de vidéos fun.
Centre d'art et de culture de Meudon (92100) 15 boulevard des Nations-Unies, tel 01 49 66 68 90. Pour connaitre les dates de la tournée voir le site de l'artiste.
Festival Seul en scène au Théâtre de L'Ouest Parisien
1, place Bernard Palissy, 60-62, av. J.B. Clément, 92100 Boulogne-Billancourt
Michèle Guigon interprétera Pieds nus, traverser mon cœur les 17 et 18 mai 2011
Histoires sans paroles était une émission de télévision programmée le dimanche soir vers 17 heures sur la première chaîne de l'ORTF à partir de 1964, puis sur TF1 dans les années 1970, et qui présentait une sélection de films burlesques en noir et blanc de l'époque héroïque du cinéma muet. Ce programme court a parfois servi d'Interlude. On doit la musique du générique à Jean Wiener.
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