On dirait des gamins en récréation dans une cour d’école. Ils dansent. Puis petit à petit disparaissent les uns après les autres alors qu'un grondement enfle, me faisant douter de l’arrivée d’une rame de métro. Pourtant je ne rêve pas, la ligne ne passe pas sous le théâtre ... Brouillard ... Emerge une femme appuyée sur une bêche entre les dents de laquelle on devine un chien. Il s'appelle Wellington et il est mort.
- Qu'est ce que t’as fait à mon chien ?
Christopher se trouve au moment endroit. Il va refuser d'avouer le forfait au policier qui porte le casque des bobbys londoniens, soutenu par son père, au premier abord bienveillant, quoique pragmatique.
Je m’appelle Christopher. J’ai 15 ans, 3 mois, 2 jours. Je dis toujours la vérité.
Evidemment l'interrogatoire se poursuit et le garçon se débat comme il peut parce que sa logique n'est pas commune.
Je trouve que les gens m’embrouillent (...) Je ne savais pas que j’allais m’attirer des ennuis. Je vais trouver le coupable.
Et le voilà qui se livre à ce qu’il appelle ses investigations. A grands coups de pourquoi et d’énumérations.
Je connaissais le roman de Mark Haddon. Il avait fait grand bruit parce qu'il témoignait combien un jeune autiste pouvait se révéler d'une intelligence hors normes. Ecrit pour la jeunesse il transmettait un formidable message d'espoir. L'adapter pour le théâtre était périlleux même si c'est un grand succès sur une scène londonienne depuis des années. L'exercice est une réussite totale et je peux affirmer que Le Bizarre incident du chien pendant la nuit est un des meilleurs spectacles que j'ai vu au cours des vingt dernières années.
Le texte est magnifique. Parfois subliment poétique avec des fulgurances comme celle-ci, notée au hasard : La pluie fait comme des étincelles blanches. Parfois extrêmement sophistiqué comme lorsque Christopher explique pourquoi les étoiles brillent, parce qu’elles bougent plus vite que la lumière. Elles continueront tant que le monde sera en expansion.
On connait le talent de Philippe Adrien pour la direction d'acteurs. Plusieurs scènes atteignent des sommets. On se souviendra longtemps de l'interprétation du père (Sébastien Bravard), avec des trémolos discrets dans la voix. Mais aussi par exemple de la scène d’explication entre Christopher et sa mère (Nathalie Vairac que l'on avait tant aimée dans Boesman et Léna la saison dernière, comme Tadié Tuéné qui interprète ici plusieurs rôles).
Tout participe à faire apprécier la soirée. Les décors conçu par un fidèle, Jean Haas, fonctionne à merveille. Avec le parti pris minimaliste de deux murs qui se font face de part et d'autre d'une pelouse et de quelques tabourets il parvient à recréer tous les endroits où l'action se déroule, lotissement, jardin, école, grande ville, y compris un quai de métro pour une scène mémorable au cours de laquelle Christopher veut récupérer son animal de compagnie, un rat, et où le spectateur est dans la plus pure illusion. Jusqu'au rappel dont je ne vous dévoilerai pas le contenu mais qui est lui aussi parfaitement orchestré.
Plusieurs scènes marqueront le spectateur, comme aussi celle de la construction d'un circuit de train en modèle réduit. Ou, juste avant et dans un style très différent, le jeu de chaises musicales avec des tabourets renfermant des pièces à conviction sous leur couvercle.
Les lumières de Pascal Sautelet sont les coups de pinceaux qui donnent vie à des espaces complètement crédibles et la vidéo (Olivier Roset) est totalement juste.
Le spectateur ne perd pas un mot du déroulement de la pensée de Christopher qui, en bon fan de Sherlock Holmes, va mener une enquête qui lui fera découvrir bien plus que le meurtrier du chien de sa voisine. En s'attaquant aux secrets de famille, son parcours est un récit initiatique qui nous en apprend beaucoup sur l'âme humaine.
Parce qu'il est capable d'expliquer les phénomènes mathématiques les plus complexes mais qu'il bute sur les ressorts de l'âme humaine ses raisonnements font écho à nos propres interrogations. A ce titre le personnage de Shiobhan (Juliette Poissonnier), en sa qualité de narratrice est essentiel comme médiatrice entre le jeune homme et l'univers.
La pièce est aussi une réflexion sur le théâtre puisque se joue aussi une reconstitution où tout le monde participe et joue un rôle même si pour Christopher Jouer au théâtre c’est une sorte de mensonge.
Chacun est parfait dans son rôle. A commencer par Pierre Lefebvre qui incarne le jeune autiste avec force et vitalité, sans trop en faire et jamais nous entrainer dans le pathétique. Il est confondant de sensibilité avec naturel. C'est un des miracles du (grand) théâtre. L'acteur que l'on a déjà vu dans de précédentes mises en scène de Philippe Adrien ira très loin, cela ne fait plus de doute. Le père peut être fier du fils. A ce stade c'est encore un degré supplémentaire de théâtre dans le théâtre.
Un mot de la chorégraphie signée par Sophie Mayer et qui, à l'instar de la vidéo, est une des composantes essentielles du spectacle.
En sortant de la Cartoucherie on aura grandi en humanité et on pourra méditer une des dernières répliques : On n’est pas si différent que ça toi et moi ! Et si quelques réfractaires n'ont pas encore complètement intégré le théorème de Pythagore ils pourront revenir pour une séance de rattrapage. Le bizarre incident du chien pendant la nuit mérite d'être vu plusieurs fois.
Le bizarre incident du chien pendant la nuit d’après le roman de Mark HaddonTout participe à faire apprécier la soirée. Les décors conçu par un fidèle, Jean Haas, fonctionne à merveille. Avec le parti pris minimaliste de deux murs qui se font face de part et d'autre d'une pelouse et de quelques tabourets il parvient à recréer tous les endroits où l'action se déroule, lotissement, jardin, école, grande ville, y compris un quai de métro pour une scène mémorable au cours de laquelle Christopher veut récupérer son animal de compagnie, un rat, et où le spectateur est dans la plus pure illusion. Jusqu'au rappel dont je ne vous dévoilerai pas le contenu mais qui est lui aussi parfaitement orchestré.
Plusieurs scènes marqueront le spectateur, comme aussi celle de la construction d'un circuit de train en modèle réduit. Ou, juste avant et dans un style très différent, le jeu de chaises musicales avec des tabourets renfermant des pièces à conviction sous leur couvercle.
Les lumières de Pascal Sautelet sont les coups de pinceaux qui donnent vie à des espaces complètement crédibles et la vidéo (Olivier Roset) est totalement juste.
Le spectateur ne perd pas un mot du déroulement de la pensée de Christopher qui, en bon fan de Sherlock Holmes, va mener une enquête qui lui fera découvrir bien plus que le meurtrier du chien de sa voisine. En s'attaquant aux secrets de famille, son parcours est un récit initiatique qui nous en apprend beaucoup sur l'âme humaine.
Parce qu'il est capable d'expliquer les phénomènes mathématiques les plus complexes mais qu'il bute sur les ressorts de l'âme humaine ses raisonnements font écho à nos propres interrogations. A ce titre le personnage de Shiobhan (Juliette Poissonnier), en sa qualité de narratrice est essentiel comme médiatrice entre le jeune homme et l'univers.
La pièce est aussi une réflexion sur le théâtre puisque se joue aussi une reconstitution où tout le monde participe et joue un rôle même si pour Christopher Jouer au théâtre c’est une sorte de mensonge.
Chacun est parfait dans son rôle. A commencer par Pierre Lefebvre qui incarne le jeune autiste avec force et vitalité, sans trop en faire et jamais nous entrainer dans le pathétique. Il est confondant de sensibilité avec naturel. C'est un des miracles du (grand) théâtre. L'acteur que l'on a déjà vu dans de précédentes mises en scène de Philippe Adrien ira très loin, cela ne fait plus de doute. Le père peut être fier du fils. A ce stade c'est encore un degré supplémentaire de théâtre dans le théâtre.
Un mot de la chorégraphie signée par Sophie Mayer et qui, à l'instar de la vidéo, est une des composantes essentielles du spectacle.
En sortant de la Cartoucherie on aura grandi en humanité et on pourra méditer une des dernières répliques : On n’est pas si différent que ça toi et moi ! Et si quelques réfractaires n'ont pas encore complètement intégré le théorème de Pythagore ils pourront revenir pour une séance de rattrapage. Le bizarre incident du chien pendant la nuit mérite d'être vu plusieurs fois.
mise en scène Philippe Adrien
texte français Dominique Hollier
avec Pierre Lefebvre, Juliette Poissonnier, Sébastien Bravard, Nathalie Vairac, Bernadette Le Saché, Mireille Roussel, Laurent Montel, Laurent Ménoret et Tadié Tuéné.
décor Jean Haas, lumières Pascal Sautelet
vidéo Olivier Roset
musique et son Stéphanie Gibert
costumes Cidalia Da Costa
chorégraphie Sophie Mayer
Du 11 septembre au 18 octobre 2015 à 20 heures, le dimanche à 16 heures
Reprise du 20 avril au 28 mai 2017
du mardi au samedi 20h, le dimanche 16h
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, Route du Champ de Manoeuvre, 75012 Paris
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Antonia Bozzi.
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