On retrouve des traces du vignoble lorrain dès l'Antiquité, 3000 ans avant notre ère. En 1865, le vignoble toulois couvre encore près de 6 000 hectares (50 fois plus qu'aujourd'hui), mais il amorce son déclin avec l'industrialisation croissante de la Lorraine à la fin du XIX°, l'exode rural, la crise du phylloxéra et la Première Guerre Mondiale. Autant de facteurs qui réduisent considérablement la taille du vignoble… mais ne le font pas disparaître entièrement. Le XX° voit même sa timide renaissance, avant d'amplifier son développement et sa notoriété, via son classement en VDQS au milieu du siècle dernier. Aujourd'hui, l'AOC et ses vignerons ont à coeur de prolonger l'a belle histoire du vignoble des Côtes de Toul.
Et quand je dis vignerons je devrais employer le féminin car, après avoir effectué une reconversion en quittant le monde de l'industrie locale de pneumatiques, Isabelle Mangeot et son mari Jean-Michel ont repris avec autant de détermination que de passion les vignes et les bâtiments de Vincent Gorny lors de son départ en Champagne en 1997.
Ils lui ont donné le nom de Régina en hommage à la mémoire de l'illustre Suzanne Kricq, née à Pagney-derrière-Barine, dont le nom de résistante durant la Seconde Guerre Mondiale était Régina. Ensemble ils ont vite fait prospérer leur vigne de 1,7 ha à Bruley, un an avant la promotion du Côtes-de-Toul en AOC.
Leur domaine a connu depuis une réelle extension (15,6 ha aujourd'hui, dont 2 ha de jeunes plantations) et acquis une belle notoriété. Après le décès prématuré de son mari en 2015, Isabelle a confirmé ses qualités de battante, devenant l'unique vigneronne de l'appellation alors qu'elle poursuivait seule la conduite de son Domaine. Son courage a été distingué par les Insignes de l'Ordre National du Mérite à Paris en 2021.
Avec une quinzaine de cuvées différentes, le Domaine Régina offre une gamme très variée. Mais il possède surtout la particularité d'avoir fait isoler et cultiver ses propres levures indigènes, issues du jus de raisins des différentes parcelles de ce domaine. Elles sont conservées en laboratoire, ce qui nous permet de les réutiliser pour chaque millésime et d'obtenir une cuvée unique et surtout régulière : la cuvée du Bâtisseur. Celle-ci a été distinguée au dernier Concours général agricole qui lui a décerné le Prix d'excellence.
C'est dans ce cadre que j'ai dégusté la Cuvée du bâtisseur et que j'ai fait la rencontre de cette femme exceptionnelle. Cette cuvée est issue uniquement d’une vigne d’Auxerrois est destiné à être bu dans sa jeunesse (jusqu’à 4 ans). Cependant il se conservera jusque 6 ans dans une bonne cave.
Ce blanc est élevé 6 mois en cuve sans "malo". Sa robe est claire et limpide, le nez est ouvert sur des senteurs fruitées (poire, coing) et mentholées. Riche, gras, ample, le palais est souligné par une fine fraîcheur qui lui confère beaucoup d'allonge. Ce vin remarquable d'équilibre est recommandé pour l'apéritif, les poissons grillés, ou encore une viande blanche à la crème. Mais c'est avec un plat végétarien que j'ai choisi de le servir, des falafels que j'avais envie de cuisiner depuis que j'avais trouvé des pois chiches bio.
Voici les ingrédients dont on a besoin pour une quinzaine ou une vingtaine de falafel (selon leur taille) :
350 g de pois chiches secs à tremper au moins 12 heures dans un saladier rempli d’eau froide
1 oignon jaune de taille moyenne
1 petite botte de persil
5 brins de menthe ou ciboulette ou aneth ou basilic (ce que vous avez dans le frigo)
1 petite botte de coriandre
1/2 cuillère à café de cardamome verte
1 cuillère à café de cumin en poudre
2 gousses d’ail hachées
1 cuillère à café de sel
2 tours de moulin de poivre
1 sachet de levure chimique
1,5 cuillère à soupe de farine de blé
Pour saupoudrer avant cuisson :
2 cuillères à soupe de grains de sésame
2 cuillères à soupe d’huile d’olive
La veille au soir j'ai mis à tremper les pois chiches dans un saladier rempli d’eau et pouvant contenir quatre fois plus de produit car j'avais été prévenue que le volume des légumes allait quasiment doubler.
Le matin suivant, j'ai égoutté et épongé les pois chiches, épluché et taillé grossièrement l'oignon, ainsi que les herbes fraîches. L'idée était ensuite de mettre le tout (y compris l'ail, le sel, les épices, la farine) dans un robot mixeur, et d'obtenir, après un certain temps (comme aurait dit l'humoriste Fernand Raynaud) une texture qui soit restée un peu sableuse. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Il m'a fallu procéder par petites quantités pour obtenir le résultat photographié ci-dessous. J'aurais dû préférer le bon vieux moulin à légumes manuel plutôt que le blender électrique. A savoir pour la fois prochaine.
A ce stade j'aurais pu faire des boules avec une cuillère à glace mais ayant opté pour une cuisson au four j'ai préféré utiliser un emporte-pièce rond que j'ai rempli de pâte en la tassant un peu.
J'ai travaillé directement sur la feuille de papier sulfurisé en déplaçant le cercle à chaque fois. Puis j'ai parsemé de graines de sésames et arrosé avec les 2 cuillères à soupe d’huile d’olive. Vous remarquerez en bas à droite 4 disques d'une allure différentes. J'ai ai placé un pois chiche pour les repérer après cuisson. J'avais ajouté à la pâte un mélange de curry et c'est cette version que tout le monde préféra.
La cuisson a duré 20 minutes dans un four préchauffé à 190° C (mais j'ai ensuite regretté de n'avoir pas procédé à une cuisson classique dans une sauteuse garnie d'huile dans laquelle j'aurais fait dorer les falafels).
J'ai servi avec une sauce de type tzatziki et une composée de tomate aux oignons. J'aurais pu aussi proposer une salade verte et une sauce au vahiné. Le vin était parfait pour ce plat simple, lui apportant des parfums qui s'accordaient bien entre eux.
Les gourmands ont ajouté dans l'assiette un filet d'huile d'olive supplémentaire. J'avais ramené ce flacon d'exception, très aromatique, de mon voyage en Crète au printemps dernier.
Domaine Régina - 350 rue de la République - 54200 Bruley- 03 83 64 49 52 ou 06 80 33 43 77
Du lundi au jeudi de 13h30 à 18h30,
Vendredi et samedi de 10h à 12h et de 13h30 à 18h30
Et pour ceux qui voudraient en savoir davantage sur le vignoble des Côtes de Toul je précise qu'il est composé de l'Auxerrois en cépage blanc, du pinot noir en cépage rouge et du gamay, autre cépage rouge utilisé en assemblage uniquement. A eux trois, ils représentent 95 % de la production. Il faut y ajouter l'Aubin, rare cépage blanc lorrain, ainsi que le Pinot Meunier, ce dernier ne se trouvant qu'en assemblage dans les vins effervescents. Des essais ont lieu actuellement pour inclure le pinot gris à ces 5 cépages approuvés pour l'appellation. Quelques autres, comme le Chardonnay ou le Gewurztraminer par exemple, sont également cultivés sur les coteaux toulois, mais ne peuvent prétendre au classement en AOC.
Ce vignoble se trouve à 20 km de Nancy, à l'ouest de Toul. L'appellation s'étend sur une vingtaine de kilomètres du nord au sud, sur les coteaux de la vallée de la Moselle. Elle est composée de 8 villages : Domgermain, Charmes-la-Côte, Mont-Le-Vignoble, Blénod-lès-Toul, Bulligny et Bruley, Lucey et Pagney-Derrière-Barine, (trois communes où s'étend le domaine Regina). Orientés sud / sud-est, ses coteaux argilo-calcaires dominent la vallée de la Moselle, qui prend sa source dans les Hautes Vosges pour se jeter dans le Rhin à Coblence, en Allemagne. La Moselle tempère le climat et offre sa protection contre l'influence humide océanique.
Le Domaine Regina propose de l'Auxerrois en cépage blanc, du Pinot Noir et du Gamay en cépages rouges, ainsi que du Pinot Gris en surmaturation hors AOC.
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