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jeudi 29 juin 2023

L'huile d'olive crétoise

Il était un peu délicat de traiter le sujet de l’huile d’olive alors que sortait la grande enquête de 60 millions de consommateurs dénonçant de grandes marques, jusqu’à présent réputées. Je n’entrerai pas dans le débat, n’ayant pas les cartes en mains, mais je sais que ce produit est un des trois sur lesquels il faut être vigilant comme faisant le plus l’objet de contrefaçons.

La culture de l’olivier s’est imposée en Crète, bien avant la Grèce, et dès le début de l’âge de bronze … même si une légende voudrait que le premier olivier ait été offert aux hommes par Athéna, déesse de l’intelligence, qui l’a planté sur l’Acropole.

Ce sont des branches d'olivier qui composaient la couronne, consécration suprême des vainqueurs des Jeux olympiques.

On voit en Crète des arbres au tronc énorme. Ils sont centenaires et parfois même millénaires. Le plus vieux au monde, encore vivant, serait celui de Kavoussi, près d’Iraepetra, et compte 3500 ans.

Evidemment la culture a progressé surtout en raison du climat, marqué par des hivers doux, pluvieux et humides alternant avec de longs étés chauds et secs, s’accordant aux exigences du cycle de cet arbre : repos hivernal de novembre à février, réveil végétatif de fin mars à fin mai et maturation en profitant pleinement de la chaleur et de la sècheresse estivales. 

Outre le climat, la terre est elle aussi favorable, avec un sol profond et perméable, résistant à une pluviométrie variable et parfois relativement élevée, et enfin du régime social de l’époque minoenne, au gouvernement solide, qui favorisa la culture de l’olivier pour conquérir les régions les plus pauvres de l’île.


Très vite les récoltes seront abondantes et permettront aux Crétois de devenir de très grands commerçants en vendant l’excédent d’huile qui est transporté dans des jarres.

Le niveau de consommation des habitants varie selon les sources mais il est raisonnable de dire qu'aujourd'hui il s'établit à au moins 30 litres par personne et par an, 34 selon certains documents.

Plusieurs adultes m'ont confié avoir découvert le beurre seulement à l'occasion d'un séjour en dehors de leur île. Il faut dire qu'il n’y a pas de vaches ici donc pas de quoi en faire (même si on pourrait en faire acec du lait de brebis, mais sans doute à prix d'or).

Au fil du temps, la Grèce (au sens large, donc incluant la Crète) est devenue un pays connu pour la qualité de son huile. De nos jours, elle occupe la troisième place des pays producteurs pour ce qui est de la quantité produite. Un tiers de la production a lieu en Crète où l’on cultive trois variétés d’olives : la Koroneïki, la plus largement répandue, la Mastoïdis-tsounati et la Hondroelia, qui est rarement cultivée actuellement à cause du changement climatique et malgré la haute qualité d’huile qu’elle peut produire.
La Koronéïki est un cultivar d'olive de Grèce, dont le nom vient de la ville de Coron située en Messénie au sud du Péloponnèse. Les olives Koronéïki sont parmi les plus adaptées aux cultures d'oliviers à forte densité dans le monde. Elles couvrent 50 à 60 % de la superficie en Grèce, et constituent aussi la variété la plus commune pour la production d’huile en Crète. Les arbres sont actuellement en fleur (voir photo prise en mai). Leurs olives sont petites, mais ont un rendement élevé en huile. L'huile d'olive est marquée fruité vert.

Trois techniques, pratiquées encore aujourd’hui, existaient pour la récolte des olives : le ramassage des fruits tombés au sol, la cueillette sur l’arbre à la main et, enfin, le gaulage imposant le ramassage immédiat et le vannage. La première récolte a lieu en septembre mais on attend parfois décembre pour avoir des fruits plus mûrs.

Il faut de 5 à 6 kilos d'olives pour fabriquer un litre d'huile, et chaque arbre ne permet d'obtenir "que" de 3 à 10 litres. Voilà pourquoi il y en a tant. Avec 35 ou 40 millions d’oliviers cultivés, une production de 300 000 tonnes, une consommation annuelle par habitant à hauteur de 34 litres et 7 AOC, la Crète est incontestablement la première région oléicole grecque. 

Il existe des milliers de producteurs et je serais bien en peine de dire lequel ou lesquels sont les meilleurs. Il est certain que la qualification AOP est un gage de qualité. Parmi elles il y a l'huile d'olive vierge extra du monastère de Toplou qui provient exclusivement de la variété Koroneiki, seule variété cultivée dans le domaine de la zone délimitée de l'AOP Sitia, Lassithi, Crète.

Aujourd'hui le monastère est modernisé mais autrefois l'extraction se faisait dans ce vieux moulin que l'on peut visiter mais où je ne suis pas entrée.
C'est un produit de pression à froid qui, lors de sa production, bénéficie d'un respect absolu pour sa haute valeur nutritionnelle. Il se distingue par sa teinte émeraude et l'équilibre exquis entre amer et épicé. Son arôme est fruité, avec des touches rappelant l'herbe fraîchement coupée et l'artichaut sauvage qui est caractéristique de la récolte précoce des olives. Le nombre de prix internationaux parle de lui-même.

J’aurais été intéressée d’en apprendre davantage sur les techniques d‘extraction mais le programme ne l'a pas prévu, bien qu'on se soit rendu dans une usine d'embouteillage.
La dégustation qu'on nous y a proposée a révélé des saveurs différentes sans nous donner les clés. Y avait-il des différences de maturité dans les olives, des différences d'extraction, des différences de variétés, des assemblages … toutes les questions restent sans réponse.

J'ai également goûté l'huile d'olive vierge extra bio de Crète - Chania Kritis IGP (région de La Canée) qui est elle aussi une huile d'olive de catégorie supérieure obtenue directement par extraction à froid des olives et uniquement par des procédés mécaniques. Elle aussi provient de la monovariétale Koroneiki et est elle aussi idéale pour les crudités, les légumes et la feta.

Dans les siècles passés la plus grande partie de l’huile non comestible était utilisée pour l’éclairage, essentiellement celui de la maison et des mines. Elle entrait aussi dans la composition de soins de beauté.

L’huile d’olive reste le pilier du célébrissime "régime crétois" dont le terme mériterait d’être un peu modifié pour coller à la réalité. Elle est sur la table du matin au soir. Depuis le petit déjeuner où le dakos à l’huile est l’encas typique du crétois, souvent associée au miel, un autre produit emblématique de l'île et à un fromage (voir photo en début d'article) … jusqu'à chacun des repas.

Les restaurants la mettent aussi en valeur. Ils obtiennent alors le label Taste the Authentic et la certification cuisine crétoise si 70% de leurs matières premières sont produites en Crète, en considérant qu’ils sont les mieux placés pour être des ambassadeurs crédibles de leur patrimoine.

J'ai cuisiné à mon retour avec des échantillons ramenés de Crète. En voici quelques photos : d'abord ma version de la salade crétoise, puis les poivrons confits selon un procédé que j'ai mis au point il y a presque dix ans déjà et qui remporte un succès chaque été.
Peut-être que d'autres expérimentations seront faites dans les semaines à venir et donneront lieu à d'autres publications. Pour le moment, la série se termine avec cette treizième publication. Vous pouvez les retrouver toutes en suivant le label Crète.

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Article écrit suite à une mission d’affaires regroupant des acheteurs spécialisés en produits alimentaires, grossistes et distributeurs et quelques journalistes, coorganisé par l’ambassade de Grèce en France avec la participation du Bureau économique et commercial afin de promouvoir le programme européen pour les produits AOP et AOC de Crète. 

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