Avec Les Confins Eliott de Gastines nous raconte une histoire de monde à l'envers, comme la couverture le suggère si habilement.
Paradoxalement, le roman commence par la fin au détriment apparent d'un suspense quant à l'issue du retour de l'enfant du pays. La tension est forte mais le doute sur ce qui va se produire s’amenuise dès qu’on aborde la seconde partie. D'ailleurs y a t’il une vraie différence entre les deux parties ?
On apprend très vite que l'arrivée de Bruno Roussin s’inscrit dans un double dessein : l'écriture d'un roman et la vengeance (p. 73). On sait immédiatement que celle-ci sera terrible et dévastatrice. Sauvage comme le furent les habitants autrefois à l'égard de son grand-père, Pierre Roussin.
Les références à Stephen King sont évidentes, aussi bien à Shining avec le personnage de gardien d'hôtel dans un bled paumé en montagne que par le début du roman qui démarre comme de la science-fiction ou disons de l’histoire-fiction.
Il est amusant de placer une carte au début pour aider le lecteur à repérer Les Confins, un hameau dont la quatrième de couverture nous prévient qu’il n’a jamais existé. Croyons-y le temps de l’histoire.
Il n'empêche que l'intrigue est passionnante car elle est construite sur fond de vérité historique quand l’utopie des sports d’hiver pour tous s’imposait. Rien n’arrêterait les classes moyennes dans la course au standing (p. 17). Les stations de sports d'hiver se développent dans le cadre du Plan Neige, dont il résultera Tignes, La Plagne, et autres énormes complexes "nouveaux" à 2000 mètres d’altitude (p. 64). L'histoire est alimentée par les souvenirs personnels de l'auteur dont le grand-père s’est vu en grand entrepreneur pour construire un télécabine à la Clusaz. Qu'on se le dise néanmoins, et fort heureusement, le drame qu'il nous raconte est une pure fiction.
En 1964, le village des Confins promettait d’être une station de ski florissante. Vingt ans plus tard, il n’en reste qu’une station fantôme. Les installations – remonte-pentes qui ne mènent nulle part, gares de téléphérique inachevées – sont peuplées de spectres et traversées par les vents glacials de haute montagne.
La route, jugée trop dangereuse, est fermée à partir du mois de novembre. Juste avant, au début de hiver 1984 le fils du promoteur qui jadis vit en ces lieux un Eldorado blanc revient au pays. Au village, il n’y a plus qu’une trentaine d’habitants habitués à passer l’hiver reclus. La tempête se lève. Dès les premiers jours, les lignes téléphoniques sont hors d’usage.
La montagne en hiver est un cadre très inspirant pour construire un thriller qui avancera symétriquement comme un pont entre 1964 et 1984. Les hommes aimaient mieux rêver que réfléchir (p. 71). Pour sa part Pierre rêvait en réfléchissant et ce personnage aux multiples talents m’a séduite avec la description que l’auteur fait du projet. Par contre celui de Bruno n'a pas gagné ma sympathie malgré ses malheurs et son tempérament résolument obsessionnel abîmé (à qui l’enfer ne faut pas peur). .Il me faut aussi reconnaitre que, au bout de plusieurs chapitres, le thème de la vengeance m'a lassée et l'alcoolisme prononcé de ces montagnards m'a rebutée. Il manque un petit quelque chose qui ferait de ce roman un livre totalement abouti.
J'aurais pourtant adoré dire d’Eliott de Gastines qu’il a énormément de talent (même si p, 74 il estime que ce serait trop de responsabilité engagée). Trêve de plaisanterie, il a quand même beaucoup.
Eliott de Gastines n'en est pas tout à fait à sa première expérience littéraire. Il a travaillé comme concepteur-rédacteur publicitaire après des études de graphisme. Il a été lauréat du Prix du Jeune Écrivain en 2012.
Les Confins d’Eliott de Gastines, Flammarion, en librairie depuis le le 09 février 2022
Sortie en poche aux éditions J’ai lu
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