L’idée de proposer des solutions concrètes pour réinventer notre système de santé en donnant la parole à 40 personnalités et acteurs du monde médical m’a séduite parce qu’il me semble que les solutions seront plus pertinentes si elles viennent des premiers concernés.
Florence Boulenger et David Ghesquières ont analysé le discours de professionnels - médecin, infirmier, aide-soignant, sage-femme mais également directeurs administratifs ou membres associatifs. On note des célébrité parmi les intervenants : Boris Cyrulnik, Michaël Dandrieux, Martin Winckler, Isabelle Derrendinger...
Les points essentiels sont repris sous forme de verbatims. Il en ressort des propositions d'amélioration d'un système aujourd’hui fortement menacé alors qu’il avait été classé en 2000 par l'OMS parmi les meilleurs du monde.
Les auteurs ont raison de souligner que s’il tient encore alors qu’il est aujourd'hui à bout de souffle c’est parce que les soignants ont en commun l’amour du métier (p. 22).
Notre santé est en jeu, il faudrait être sourd ou inconscient pour ne pas s’inquiéter de l’avenir de notre système de santé. Rien que l’expression présuppose une sorte d’échaudage qui présage un équilibre précaire. La crise du Covid aurait agit comme révélatrice d’une crise qui de toutes façons ne pouvait que se produire.
Martin Winckler (médecin, auteur de romans qui ont fait date dans la relation soignant-patient) estime qu’il faut nuancer les plaintes des médecins. Il considère que beaucoup sont légitimes du fait d’une surcharge de travail mais sans négliger que certains praticiens fonctionnent toujours comme au siècle dernier en considérant avec hauteur des patients qui n’ont plus la déférence d’antan (p. 27) .
Le drame de l’hôpital public, déplore une infirmière, c’est la perte de sens pour une profession réduite à être monopolisée à 100% par des soins techniques (p. 28).
Boris Cyrulnik a connu la psychiatrie d’avant 1968, exercée dans des conditions d’indigence inimaginable mais il fustige (p. 31).
Ils sont plusieurs à le regretter : Nous souffrons tous de la gestion libérale et bureaucratique des ARS et de la DGS. Je reste en poste grâce à la formidable qualité de mes équipes. Leur générosité est extraordinaire (p. 33).
Certains envisagent l’éducation thérapeutique comme voie d’amélioration. Autrement dit passer de la notion de « patient » à celle d’« acteur » (p. 44). C’est un renversement de paradigme et ce n’est pas Martin Winckler qui dira le contraire, tous les médecins n’y sont pas prêts. C’est pourtant une des causes de l’inobservance, laquelle peut avoir des conséquences désastreuses … et coûteuses.
Je n’ai rien lu au sujet des comités d’usagers des hôpitaux (alors que j’ai travaillé sur ce sujet dans les années 80). C’était un axe prometteur et il y a eu de gros progrès quant à l’obligation de transparence en terme d’accès au dossier médical, même si, on s’en rend compte aujourd’hui, l’accès aux soins est devenu très compliqué et opaque..
Michaël Dandrieux, sociologue à Sciences Po impute une grande responsabilité à la T2A, tarification à l’activité, venue des USA dans les années 70, qui en quelque sorte atomiserait l’objectif de qualité de soins (p. 60).
Je ne connaissais pas le nom de la loi Rist qui élargit les compétences de certains professionnels de santé (p. 76), et pourtant j’avais remarqué que le cabinet d’ophtalmo où je vais délègue la correction de la vue à une orthoptiste et que le médecin signe ensuite la prescription (c’est une des initiatives données dans la quatrième partie p. 116-117). Cela étant, je vous encourage à vous méfier car cette méthode, certes gain de temps pour le praticien, a entrainé une surcorrection qui a eu des conséquences dramatiques pour moi, jusqu’à ce que je m’en rende compte par moi-même et que l’opticien (oui l’opticien) ne refasse une prescription cette fois adaptée à ma vue, après avoir consacré une trentaine de minutes en tests approfondis.
Il y a sans doute aussi un intérêt à établir une troisième liste de médicaments comme les anti-histaminiques (dont il est difficile de différer l’emploi en cas de pic de pollen) qui pourraient être délivrés par les pharmaciens, dont c’est tout de mème le métier (p. 82). Je rappelle à cet égard leur responsabilité quant à la délivrance de médicaments prescrits. Elle est très importante.
Si le transfert de compétences est pratique lorsqu’il s’agit de se faire vacciner par son pharmacien sans délai contre la grippe ou le Covid, il a sans doute des limites pour les patients à risques.
J’ignorais aussi le principe de la ROSP, rémunération sur objectifs de santé publique, qui permet aux généralistes de majorer le tarif « normal » de consultation de 25 euros en touchant des primes s’il atteint certains objectifs pour sa patientèle (p. 63).
Le livre soulève aussi la problématique des cyber attaques, de l’oncologie prédictive (p. 136), et de la solidarité dans l’accès aux soins (p. 89). Enfin, à partir de la page 90, sont présentées des initiatives qui ont déjà fait bouger les lignes de l’Everest administratif.
J’ai apprécié cette lecture et j’ai coché de multiples passages mais je ne suis pas experte pour juger de leur pertinence à être généralisées.. En ce sens Notre santé est en jeu s’adresse surtout à ceux qui sont en capacité d’accélérer les changements positifs et qui pourront, je l’espère, se saisir de plusieurs idées et les mettre à profit.
Notre santé est en jeu de Florence Boulenger et David Ghesquières, Vuibert, en librairie depuis le 24 mai 2023
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