Encore un festival ? Oui mais celui-ci, créé en 1973 par Jean Guichard, ayant 50 ans mérite le respect tout autant que les autres qui ont peut-être une notoriété plus grande mais qui sont avant tout des marchés. Cette dimension est certes utile mais rien ne me motive plus que les équipes qui « montent » un festival dans l’esprit cher à André Malraux de rendre la culture accessible à tous, ce qui impose en premier lieu qu’elle soit géographiquement proche de leur lieu de vie.
Ce sont plus de 7 500 artistes qui ont sillonné le département pour toucher près de 263 000 spectateurs, validant ainsi la promesse, M comme Mayenne (prononcer Aime comme Mayenne).
Cette 50 ème édition des Nuits de la Mayenne demeurera fidèle à l’itinérance et investira, du 17 juillet au 11 août 2023, un peu plus d’endroits que d’habitude puisque ce seront 17 communes avec 14 spectacles (théâtre, danse, art de rue, cirque).
Auparavant, les lundi 19 & mardi 20 juin, seront organisées des soirées anniversaire avec Le Petit Prince de Saint-Exupéry, interprété par l’Ensemble Instrumental de la Mayenne avec pour récitant le mayennais et parrain de cette édition Thibault de Montalembert à 20h au Théâtre des Ursulines de Château-Gontier, dont une fois encore on appréciera l’excellence de l’acoustique.
Ensuite le festival partira à la rencontre des habitants, en mettant en lumière la richesse du patrimoine par le spectacle vivant, mêlant théâtre, danse, cirque et arts de rue. Cours de châteaux, théâtre antique, abbayes, cours de ferme, carrières de chaux, ateliers d’usine… qu’ils soient historiques, naturels ou industriels, ces sites deviennent toujours exceptionnels dès lors que le spectacle s’en empare.
Il y aura évidemment un spectacle dans la cour du chateau de Sainte-Suzanne (le 17 juillet), un autre dans l’ « étrange musée » départemental depuis 2020, le musée Robert Tatin (le 24 juillet), et trois au Théâtre Antique de Jublains (les samedi 29 & dimanche 30 juillet) car ce sont trois lieux permanents du festival.
Parmi les spectacles qui ont une particularité on peut citer Perceptions qui traitera de physique quantique avec un cadre de dix mètres de diamètre et qui ouvrira le festival le 17 juillet à Sainte-Suzanne avec entre autres un saxophoniste qui jouera en live.
La musique aura d’ailleurs la part belle dans la programmation. André Manoukian fera un hommage au jazz à Laval le 19 juillet. L’écume des jours sera jouée les 21 et 22 juillet dans un esprit de comédie musicale (il sera programmé cet été à paris au Lucernaire). On pourra entendre le groupe mayennais Mouv’N’Brass à Jublains les 29 et 30 juillet. Maya, une voix retracera le destin exceptionnel d’une poétesse peu connue en France et qui pourtant figure sur les pièces de 25 cents aux USA en convoquant le gospel (les 26 et 27 juillet) dans une écriture collective dirigée par Eric Bouvron, en quelque sorte un habitué du festival puisqu’il est venu plusieurs fois. C’est la chanteuse Ursuline Kairson qui sera Maya.
(Coralie Cavan, directrice artistique des Nuits de la Mayenne, Elizabeth Brownhill et Ursuline Kairson)
Le théâtre, quant à lui, semble orienté vers les questions de construction de soi et de communication. Avec La chair de l’objet, par une compagnie implantée à Laval (le 24 juillet), Émile et Angèle, deux enfants qui chercheront à échanger malgré la distance (les 29 et 30 juillet), Les locataires qui racontera l’histoire d’un couple qui se sépare, dans un lieu très particulier puisque c’est le Service Départemental d’Incendie et de Secours de Saint-Berthevin (le 8 août).
D’autres thèmes d’actualité seront abordés, comme l’écologie avec Quand viendra la vague, avec en amont des représentations des 4 et 5 août des animations nature en déambulation. Les auteurs classiques ne seront pas oubliés avec Labiche (les 1er et 2 août) et Molière (les 4 et 5 août) et Shakespeare (les 10 et 11 août).
Bref, il y en a pour tous les goûts et tous les publics, y compris les personnes porteuses de handicap en partenariat avec Quest’Handi, basée à Laval et qui intervient depuis dix ans sur le festival en direction des mal ou non-voyants, des mal entendants et des personnes à mobilité réduite. Un pictogramme adapté mentionne l’accessibilité aux spectacles sur le programme.
Les responsables ont aussi pensé à ceux qui n’ont pas de moyens de transport autonome en facilitant le covoiturage et en organisant un. Système de navettes depuis Laval (sur inscription).
L’affiche retenue cette année commémore l’anniversaire. Elle a été conçue comme un clin d’œil poétique et onirique en rappelant tout ce qui peut faire penser au festival. On y reconnaît la rose du petit prince, la chaise du spectateur, le cheval symbole d’itinérance qui, autrefois, tirait les péniches sur les chemins de halage le long de la Mayenne (qui est une des plus belles voies vertes françaises avec 85 km de randonnées) et une sculpture réalisée par Louis Derbré, longtemps parrain du festival, pour le 30ème anniversaire de la manifestation. On lui doit notamment un bronze de près de 10 mètres de diamètres, intitulé La Terre, exposé depuis 1972 à Tokyo et dont une réplique en résine a été dressée à Courbevoie et une autre à la brasserie de La Coupole (ci-dessus).
S’il convient de conseiller aux spectateurs (qui à 90% sont des mayennais ou des propriétaires de résidences secondaires) de venir avec plaid et parapluie il faut les rassurer que des solutions de repli sont envisagées si la météo est vraiment négative. Mais, comme on dit avec humour dans ce département : la Mayenne est un pays où il fait beau plusieurs fois par jour.
Voici donc un festival réjouissant de par sa philosophie et sa programmation. Il offre aussi l’occasion de mieux faire découvrir un riche patrimoine. Rien d’étonnant à ce que les 7500 artistes invités aient déjà touché plus de 260 000 spectateurs sur 261 communes. Et saluons l’implication des bénévoles, une vingtaine au moins sur chaque lieu.
Enfin on peut signaler la publication en octobre 2022 d’un livre à retrouver en librairie, par exemple le Coupe-papier rue de l’Odéon à Paris, intitulé Jean Guichard, 70 ans de théâtre sans relâche ! qui est le récit de la passion pour le théâtre d’un homme dont la vie se confond avec l’histoire du théâtre dans la région.
Pionnier de la décentralisation en 1958, Jean Guichard créa de nombreuses structures : La Comédie de Nantes, Le Festival de la Baule, Le Centre Dramatique National à Angers, Le Théâtre Régional des Pays de la Loire, les Rencontres Imaginaires, et en 1973 Les Nuits de la Mayenne auxquelles sa fille Annie Guichard, co-autrice du livre, reste très attachée.
La rédaction de l’ouvrage a démarré en 2016, alors que Jean Guichard, âgé de 92 ans ne pouvait plus faire de mise en scène ni jouer la comédie. Il avait par chance gardé toutes ses archives depuis 1948, date de sa première représentation du Malade Imaginaire à la Salle Colbert à Nantes. Un ami graphiste, Philippe Leduc (association Lucie Lom à Angers) s’associa au projet et sa fille acheva le projet après son décès, en 2017 en reprenant toutes ses notes, photos, interviews.
Festival des Nuits de la Mayenne
Du 17 juillet au 11 août 2023
Vous retrouverez l’agenda des 14 spectacles (théâtre, danse, art de rue, cirque) dans les 17 communes à travers le département sur le site de la manifestation.
Toutes les photos (à l’exception de celle de La Coupole) ont été prises au siège de La Mayenne à Paris, au 16e étage de l’immeuble Heron Building, 66 avenue du Maine - Paris.
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