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jeudi 15 juin 2023

Dîner dans une taverne crétoise

Choisir un endroit pour dîner contraint à lire les avis sur les guides parce que les façades sont souvent peu engageantes, du moins à Heraklion, ce qui s’explique par les reconstructions faites sans doute un peu vite après les guerres et les séismes.. J’avais noté avant de partir qu’il y avait plusieurs catégories de restaurants mais, malheureusement je dirais, je n’ai pu expérimenter que la dernière de la liste. Je les rappelle néanmoins pour vous être utile :

- La taverne de poisson (psarotaverna) qui est une alternative à la taverne classique, où on retrouvera principalement des plats de poisson, souvent assez chers, mais délicieux. Et il est bien regrettable de se rendre sur une île et de n’y avoir jamais mangé de poissons.

- La pâtisserie (zakharoplastia) qui est conçue pour faire découvrir les mets sucrés crétois. C’est un autre de mes regrets.

- Le restaurant de mezze (ouzeria, ou encore rakadiko ou tsikoudiadiko) qui est le lieu dédié au partage, où il est possible de déguster des petits plats typiques ensemble, dans une ambiance conviviale et atypique. Je ne pense pas que cela nous ait manqué vu le nombre de mezzes que nous avions régulièrement à partager où que nous allions.
- La taverne, proche de ce qu’on appelle restaurant (estiatorio) si ce n’est qu’elle est souvent plus chaleureuse que le restaurant. Ne vous fiez donc pas à ses murs extérieurs (exemple ci-dessus).
On le sait depuis que Platon a publié Le banquet, manger est un acte social. Une chose est certaine, partout en Crète, la table est symbole de convivialité, et promesse de passer un bon moment. Les serveurs n’arrêtent pas d’apporter des plats disposés dans de grands plateaux de bois à rebords qu’ils brandissent au-dessus de leur tête. On y mange donc souvent copieusement, comme on peut le constater sur les photos qui rassemblent au moins quatre repas.

Si je connaissais l’essentiel de la cuisine crétoise, plusieurs plats m’ont surprise. A commencer par les escargots (boubouristas) frits à la poêle avec huile d’olive, vinaigre et romarin ou préparés à la casserole avec du blé dur, des oignons et des tomates. Nulle part ailleurs en Grèce on n’en consomme autant qu’en Crète. Ces petites bêtes nous offrent, avec leur chair tendre, les précieux éléments des plantes qu’ils ont grignotées de leur vivant.

J’ai beaucoup aimé les fromages (voir plus bas) mais il est probable que la variété de l’offre française me manquerait vite. Et bien qu’ils ne figurent pas à la carte des restaurants (ils sont offerts à la fin du repas et donc on ne les choisit pas) j’ai adoré la simplicité des desserts. Les crétois préfèrent néanmoins les savourer l’après-midi avec un café.

Voici donc en images ce que j’ai pu goûter en Crète, en compilant les photos de plusieurs repas dont je rappelle les horaires : 14 heures pour le déjeuner, 22 pour le dîner.
En premier lieu rappelons le traditionnel Dakosautrement dit la tartine crétoise. On doit la recette à Paxamus, un cuisinier du Ier siècle après JC. On prend une biscotte d’orge (paximahdi) faite à la farine complète, quelques gouttes d’huile d’olive pour l’attendrir et la réhydrater (la légende voudrait qu’il faille la tremper une seconde dans l’eau de mer), un peu de pulpe de tomate, de la myzithra  fraîche et on saupoudre d’herbes sèches en particulier de l’origan.
Ils existent depuis l’Antiquité et étaient destinés à l’origine à être emportés et consommés longtemps après leur fabrication, et se déclinent à l’infini, en sucré, salé, aromatisé au laurier, à l’anis ou aux amandes. Ce pain des pauvres a constitué l’essentiel de l’alimentation des soldats de l’armée byzantine puis de l’armée vénitienne parce qu’il pouvait se conserver très longtemps, en raison de son mode de cuisson, cuit deux fois, ce qui donna le mot biscuit.

Place ensuite aux hors d’œuvres, surtout du concombre, de la betterave rouge en rondelles, des salades dont évidemment la si célèbre salade crétoise.
Les crétois mangent six fois plus d’agrumes et de raisins que les pays du Nord et trois fois plus de tomates, concombres, courgettes …
Les feuilletés arrivent en même temps comme les kalitsounias, des petits chaussons, fourrés au fromage, dont il en existe de différentes sortes. En version sucrée, on les retrouve avec du fromage, du miel, de la cannelle, alors qu’en version salée, le fromage ou les herbes sont souvent privilégiés.
Ce n’est pas très fréquent, mais il peut y avoir des soupes comme la soupe Xinochondros (blé moulu et lait aigri de chèvre) ou auxTrachanas (à droite). Le riz cuit dans le jus de cuisson de l’agneau n’est pas très photogénique mais il est si délicieux que c’est le plat que l’on sert d’office à tous les mariages.
On obtient l’ingrédient de base en mélangeant d’abord deux litres de lait, un yaourt et du sel. Faire bouillir le lendemain et ajouter 400 grammes de farine. Former ensuite des morceaux de pâte de la taille d’un œuf. Abaisser et poser sur un linge. Trois heures plus tard les retourner puis les couper en touts petits morceaux. Quand ils sont assez secs pour s’émietter on les frotte sur un tamis et on laisse encore sécher 5 à 6 jours dans un endroit aéré. On conserve en bocal.
On peut aussi manger des plats de fricassée d’agneau et de blettes.
Des escargots frits ou cuisinés avec du blé concassé.
Des galettes aux légumes et fines herbes servies chaudes et croustillantes
Beaucoup de légumes farcis, piments ou poivrons de toutes les couleurs. Également des fleurs de courgette farcies elles aussi et des feuilles de vigne qu’on appelle dolmades. On y glisse occasionnellement de la viande hachée et des oignons, mais le principe reste sensiblement le même dans toute l’île. On peut servir avec un fromage onctueux, le misithra.
Des saucisses aux herbes, mais plus fréquemment de la viande grillée, accrochée à un système traditionnel. La quasi verticalité fait que la graisse coule dans une rigole sans bruler. Il semblerait que ce barbecue ne soit pas cancérigène. En tout cas on mange la viande très cuite.
Les Crétois sont les plus gros consommateurs de fromage au monde mais ils ne sont pas nécessairement servis à la fin du repas. Ils accompagnent souvent les entrées.

Ils sont exclusivement faits de lait de brebis et de chèvre, et sont excellents. Les bêtes sont élevées en grande partie en plein air, dans des pâturages montagneux. Elle se nourrissent donc, tout comme les crétois, de plantes sauvages aromatiques, ce qui donne un lait bien parfumé. On a souvent l’image de la feta grecque, mais il y en a bien d’autres. Le misithra doit être consommé dans les 4 ou 5 jours. Il n’est disponible qu’en hiver car durant l’été il n’y a pas assez d’herbe en montagne pour les animaux qui ne peuvent pas produire suffisamment de lait pour faire ce fromage à durée de vie très limitée. Proche du brocciu corse, cette spécialité typiquement crétoise est utilisée pour faire les beignets). Elle accompagne merveilleusement les dolmas. Il y a aussi la xinomizithra (fromage frais, acidulé) et la graviera (pâte dure au lait de brebis, parfois mélangé à du lait de chèvre) similaire à un gruyère, délicieux avec du miel et des noix. Il contient 40 % de matière grasse et bénéficie d’une AOP depuis 1996. 

Et puis l’anthotiros (à base de brebis et de chèvre, léger et doux, idéal pour saupoudrer un plat de pâtes), le kefalotiri (un fromage sec et salé à base de brebis). Chaque village possède plus ou moins son propre fromage. Je ne peux par contre rien dire du Staka lui aussi typique de la Crète. Conçu à partir de résidu de beurre clarifié, et d’un peu de farine, on l’utilise pour épaissir les plats, qu’il s’agisse de soupe ou encore de sauce. Épais, doux, on l’assimile parfois même à du fromage, qui se marie parfaitement avec le riz, ou encore le porc.
Le dessert se limite souvent à des fruits, très savoureux parce que gorgés de sucre. Avec souvent aussi un beignet.
Ou une crèpe farcie au fromage et servie avec du mieL Des sortes de baklavas également.
Le « fameux » sous-marin destiné aux enfants qui est une boule de sucre glace diluée dans de l’eau et dont une généreuse cuillerée est placée dans un simple verre d’eau pour qu’il ne sèche pas. A sucer lentement tout au long de la soirée.
Des beignets servis avec du miel et parfois de la crème glacée
Et puis le To glyko tou koutaliou, littéralement dessert à la cuillère, qui sont des fruits confits au sirop, incroyablement fondants.
Le café est une institution et il doit être recouvert d’écume après ébullition. Le résidu de marc de café au fond de la tasse ne se boit pas mais on peut y lire l’avenir une fois qu’il aura retombé. Il est toujours servi avec un verre d’eau fraîche, accompagné de gâteaux paximadhia sucrés. Il en existe de toutes sortes, au citron, à l’anis ou aux amandes qui portent le nom de voutigmata (je trempe). Tous doivent pouvoir tenir entre deux doigt et être suffisamment secs pour ne pas fondre dans le café brulant.
Et puis n’oublions pas le café frappé et bien sûr le soluble qu’on appelle Nes.

Si vous voulez cuisiner crétois je vous recommande le livre publié en mai 2018 par Hachette, Régime crétois d’Alexandra Retion et Stéphaniede Turckheim que j’ai eu l’occasion de feuilleter et qui m’a semblé simple et juste.
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Article écrit suite à une mission d’affaires regroupant des acheteurs spécialisés en produits alimentaires, grossistes et distributeurs et quelques journalistes, coorganisé par l’ambassade de Grèce en France avec la participation du Bureau économique et commercial afin de promouvoir le programme européen pour les produits AOP et AOC de Crète. 

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