Ce fut un immense succès la saison dernière à l'Epée de bois, et c'est une chance que les Gémeaux parisiens le programme cet hiver.Certes, la mise en scène d'Anne Coutureau a de quoi surprendre, mais à quoi servirait-il de nous proposer une version "classique" ? Elle nous donne à voir, et même à entendre, plus que ce que nous dit la pièce de Racine.
On ressent physiquement le plaisir de la musicalité d'un texte composé en alexandrins. Les costumes inscrivent l'intrigue dans une temporalité contemporaine. Ce point de vue est d'autant plus intéressant que la question des violences conjugales est tout à fait actuelle, ce qui permet de voir cette Andromaque à travers le prisme de la manipulation narcissique.
Que les vêtements soient dans une dominante de noirs et de blancs avec une pointe de rouge (couleur de passion et de sang) est tout à fait pertinent.
Les chorégraphies participent à cette lecture. La musique, certes, est clivante parce que véritablement discordante, mais on comprendra sa nécessité. Et le chœur musical des comédiens est étonnant.
Andromaque est condamnée à des pleurs éternels, ce que son maquillage souligne. La métaphore est remarquable.
Il résulte de tous ces parti-pris une forme d'évidence au sujet des émotions, des désirs et des rejets qui secouent les personnages. Comme si le spectateur avait ainsi accès à leur intimité et aux secrets de leurs âmes.
La voix éraillée d'Hermione (L’Eclatante Marine, décidément excellente actrice que je vois jouer toujours avec bonheur) dans la scène 3 de l'acte V condense l'ampleur du déchirement de la jeune femme. Et la folie se lit dans les derniers vers d'Oreste (Melki Izzouzi) dont la posture devient christique.
Je n'ai pointé que deux noms parmi les comédiens mais il faudrait les citer tous. Le soir de ma venue c'était Louka Meliava qui interprétait Pyrrhus et il était saisissant lui aussi.
D'ailleurs pour mieux vous convaincre d'inscrire la pièce dans votre agenda je vous invite à regarder ce court extrait :
La mécanique de la tragédie s'est déployée, implacablement mais elle aura été accompagnée aussi, comme dans la vraie vie, de moments plus légers, voire même de rires et le résultat est là, audacieux et juste.
Andromaque de Jean Racine
Mise en scène : Anne Coutureau
Assistante à la mise en scène : Amélie de Luca
Avec : Oréade Gagneux, Sébastien Gorski, Eléonore Lenne Le Chevalier, L’Eclatante Marine, Louka Meliava ou Pierre Thorrignac, Matthieu Pastore, Rode Safollahi, Perrine Sonnet
Lumières : Patrice Le Cadre et Costumes : Frédéric Morel
Maquillages et coiffures : Laétitia Rodriguez
Musique : Woodkid et Chorégraphies : Serena Malacco
Au Théâtre des Gémeaux Parisiens
15 rue du Retrait - 75020 Paris
Jusqu'au 2 février 2026 les lundis à 20h30

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