Ce fut, à l'instar de l'an dernier, une belle soirée que cette 9ème cérémonie de remise des Prix Hors Concours 2024, ce mardi 26 novembre à 19h30 à la Maison de la Poésie (Paris), en présence des auteurs, des éditeurs, de la presse et du comité de lecture.
Je vais relater l’essentiel de l’évènement mais vous pourrez, à la fin, accéder à l’enregistrement qui a été fait de la soirée.
Avant de donner les noms des lauréats je tiens à souligner que les gagnants sont (encore une fois) des premiers romans, preuve s’il en fallait que les éditeurs ont eu raison d’avoir l’audace (et le courage) de miser sur des primo-écrivains. Bien entendu Hors concours n’a pas pour mission de les mettre particulièrement en avant puisqu’il est orienté vers la promotion des maisons d’édition indépendantes mais il est intéressant de constater combien celles-ci accordent de l’attention à des auteurs inconnus alors que peut-être les grandes maisons le font en premier lieu dans leur propre intérêt.
En amont de cette soirée, et afin de voter en notre âme et conscience, nous avions lu les extraits de 40 romans dont on nous prévenait s'il s'agissait du début de l'ouvrage ou non. Serait-on convaincu par la narration les dialogues, par les personnages, par l'ancrage du lieu et de l'époque, par la construction du récit, par l'intrigue, par la profondeur du texte, par le style et la langue, ou par l'imagination de l'auteur ? A travers mes votes, j'ai voulu être fidèle à l’esprit de la morale de Hors concours : récompenser une maison d’édition qui n’a pas de prix. Ensuite mon second critère a été l’originalité du propos ET du style tout en retenant des auteurs dont j’avais le plus envie de lire la suite de l’extrait.
Le fait qu'il s'agisse d'un premier roman compte pour moi et j'essaie de respecter une parité hommes-/femmes même si ce n'est pas un critère déterminant. Je souligne chaque année combien il est difficile de ne retenir que 5 extraits et je ne saurais interpréter pourquoi et comment, cette année encore, le grand gagnant figure dans ma sélection (et un autre livre parmi les 5 soumis au jury final était dans ma première liste). Je suis désolée pour ceux qui n’ont pas été mis en valeur au cours de la soirée mais je me réjouis du choix qui résulte de l’ensemble des votes.
Je me suis demandé si ces auteurs étaient dans la salle. Le port d’un badge faciliterait les rencontres. J’aurais aimé pouvoir discuter avec eux. Notamment Nadège Erika dont le roman Mon petit (encore un premier roman) m’avait enthousiasmée il y a un an, un an déjà, ce qui d’ailleurs pose la question des conséquences de l’attribution de distinctions si longtemps après la parution, au regard de la vitesse avec laquelle les ouvrages disparaissent des rayons des librairies et partent au pilon, et cela alors que, contrairement à des produits alimentaires, la littérature n’a pas de DLC.
C’est une vraie interrogation qui me concerne à chaque fois que j’accepte de participer à un prix même si on peut se dire qu’il n’est jamais trop tard pour découvrir un livre à côté duquel on est passé sans y prendre garde. La situation est un peu différente pour Hors concours, qui, je me répète mais c'est un point important, met en avant le travail l’éditeur. Cependant ce sont les auteurs qui sont interviewés le soir de la cérémonie. Du moins les 5 finalistes.
Gaëlle Bohé, la fondatrice du Prix, avait raison de mettre en avant le potentiel de sensualité de la lecture à travers les performances chorégraphiques des danseurs de la compagnie Avril en Septembre, Inès Valarcher, Lorenz Jack Chaillat et Léa Bridarolli dont la prestation a été orchestrée par Armelle Hédin, directrice artistique. Leur travail mérite que j'ai choisi une photo d'une séquence pour illustrer cet article. Il a été chaleureusement applaudi par le public ainsi que les lectures d'extraits par le comédien David Sidibé (ci-dessous au centre) dont on avait déjà remarqué le talent l'an dernier.
L'extrait lu pendant l'exécution du tableau chorégraphique était celui qui figure dans la bibliothèque Hors Concours que théoriquement nous connaissions tous. Après chaque performance l'auteur était interviewé par un membre du jury. C'est David Medioni, rédacteur en chef d'Ernest ! qui a commencé avec David Naïm et son livre L’ombre pâle, paru aux éditions de l’Antilope dont il a souligné le caractère de quête identitaire et de recherche sur la mémoire d'une famille, écrit avec un certain humour, en inventant des histoires pour accepter ce qui n'est pas compris. En quelque sorte la littérature peut rapiécer des vies.
Donnant par exemple l'occasion à Benoit Fourchard, auteur de Martha, publié par Feed Back, de dire à Stéphanie Dupays, critique littéraire pour Le Monde des Livres, combien son récit était -ou pas tant que çà- autobiographique.
A propos de La Reverdie de Louise Browaeys, publié à La Mer salée, l'autrice a répondu aux questions d'Emmanuel Poncet, de La Tribune Dimanche avec intelligence et humour, en expliquant comment elle choisit une contrainte en commençant l'écriture, qui cette fois-ci fut la couleur verte. Elle a conçu un ouvrage d'une forme hybride entre le roman, le récit et le journal intime, comparant le travail de l'écriture à celui de permacultrice, insistant pour nous dire que l'écriture, la lecture, comme le jardinage, sont des actes de résistance à une époque où tout est compté pour gagner de l'argent à chaque instant.
Enfant, elle se souvient de son père au jardin et sa mère dans la bibliothèque, … l'inverse de Colette, toutes proportions gardées. Lire et jardiner seraient pour elle les deux activités qui permettraient le mieux de se sentir pleinement dans le monde.
Cristina Soler, créatrice de horizonetinfini sur Instagram, jury invitée pour cette édition, a interrogé l'éditeur de Florence Cochet, retenue pour raisons professionnelles. Son livre, Inhumaines, appartient à un genre que les anglos-saxons plébiscitent mais que les français ont du mal à apprécier, les nouvelles. Pourtant, Alexandre Grandjean a fait part de l'intérêt de Hélice hélas pour cette catégorie surtout quand, comme Florence Cochet, on construit une série qui flirte avec plusieurs genres (la science-fiction, la fantasy, le gothique …) pourvu que l'ensemble ait une forte cohérence autour d'un thème (ici la violence) et permette une lecture en continuité.
David Medioni est de nouveau intervenu pour discuter avec Bénédicte Dupré La Tour à propos de Terres promises aux Editions du Panseur qui écrivit son roman en se fixant la contrainte de ne pas utiliser le lexique du western. Son procédé a manifestement séduit une très large audience puisqu'elle figurait dans la pré-sélection du Prix du Premier roman de Chambéry et dans les sélections du Prix du Marque-Page 2025, du Prix Saint-Georges du premier roman 2025, du Prix du Premier roman L'Esprit large, du Prix Verdelettres 2025, du Prix Les Visionnaires 2025 et du Prix du Roman Fnac 2024. Elle était finaliste des Prix L'Usage du Monde 2025 et Coiffard 2025.
Du coup on ne peut pas vraiment dire que la mention du public pour ce roman soit tout à fait en phase avec la base-line d'Hors concours qui vise à distinguer l'édition qui n'a pas de prix, ce qui dans mon esprit en remet absolument pas en cause la qualité de l'ouvrage ni celle de l'éditeur. Et comme cette autrice a raison d'avoir rappelé que lire c'est agir.
Comme annoncé, j'ai gardé le suspense jusqu'au bout pour parler de L’ombre pâle, paru aux éditions de l’Antilope. C'est en compagnie de ses deux éditeurs que David Naïm est revenu sur la scène pour recevoir le Prix Hors concours, écrit en rappelant qu'il le doit à son père qui lui a fait cet immense cadeau de lui léguer un manteau mité de ses silences.
En quelques mots on peut dire que les éditions de l’Antilope ont été créées par Anne-Sophie Dreyfus et Gilles Rozier en janvier 2016 afin de publier des textes littéraires rendant compte de la richesse et des paradoxes de l’existence juive sur les cinq continents. Si les littératures yiddish et hébraïque occupent une place de choix dans leur catalogue, ces éditeurs publient aussi des traductions d’autres langues et la littérature française y est de plus en plus présente. Ils ont eu la double délicatesse de rappeler que leur existence est subordonnée à celle -préalable- des auteurs, et de souligner combien il est agréable pour un éditeur indépendant de se sentir légitime dans l'attribution d'un prix littéraire.
Vous pourrez vivre ou revivre la cérémonie en visionnant l'enregistrement ci-dessous et rendez-vous est prix pour le dixième anniversaire, l'an prochain !
Rappel des 5 finalistes :
Benoît Fourchard pour Martha, aux éditions Feed Back
Florence Cochet pour Inhumaines, aux éditions Hélice Hélas
Louise Browaeys pour La Reverdie, aux éditions La Mer Salée
Terres Promises de Bénédicte Dupré La Tour
David Naïm pour L'ombre pâle, aux éditions de l'Antilope qui reçoit le Prix Hors concours
Bénédicte Dupré La Tour, pour Terres Promises, paru aux éditions du Panseur, qui remporte la mention du public
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