On en voit de plus en plus fréquemment. A première vue il s'agit de tas de cailloux. Sauf que ces monticules de pierres, posés par la main de l'homme, ne sont jamais là par hasard.
Parfois composés de quelques pierres et distants les uns des autres, ce sont alors des cairns qui balisent le chemin.
Dans ce cas il est fortement déconseillé de les modifier ou d'en ajouter, pour ne pas induire les futurs promeneurs en erreur. Rien ne vaut d'ailleurs le balisage classique des chemins de grande randonnée.
Ils peuvent aussi marquer un sommet ou célébrer un évènement particulier. Ce sont sans doute ces deux raisons qui expliquent leur abondance en Bretagne, au Cap de la Chèvre, juste en dessous du sémaphore. Le Mémorial de l'Aéronautique Navale, édifié dans un encuvement de la batterie côtière y est dédié aux marins morts en service aérien commandé.
On ne résiste pas longtemps à l'envie de choisir une pierre et de la poser sur un édifice déjà constitué, ou de faire le sien propre. Il me semble qu'il est alors d'usage de faire un voeu.
Les dolmens n'étaient rien d'autre que des pierres sacrées, obéissant à des rites funéraires, comme les "allées couvertes" que l'on trouve aussi en Bretagne, parfois isolées dans un champ où il créent la surprise.
Dans la religion juive il est d'usage de poser une pierre sur une tombe comme marque de visite parce que cette religion interdit les fleurs. Je l'ai constaté dans le cimetière allemand de Dorotheenstad où sont notamment enterrés Bertold Brecht et Heinrich Mann.
Rien de comparable avec les structures de galets que l'on peut admirer sur les plages de l'ile de Ré. Il y a là de quoi occuper une bonne partie de l'après-midi en s'initiant à cette forme de land-art.
Plus surprenant sont les cairns qui surgissent dans des rivières ou des torrents, souvent pour en surveiller le niveau car il est facile de repérer une montée, même infime en regardant les pierres.
Mais il existe aussi des passionnés qui en font une activité quotidienne. J'ai été très étonnée de découvrir ces jours-ci, et par le plus grand des hasards, une série de cairns très artistiques dans un petit affluent de la rive gauche de l'Allier qui porte le nom très évocateur de "Couze Chambon".
Cette rivière se jette dans le lac Chambon à 875 mètres d'altitude et arrose ensuite Murol, passe au sud de Saint-Nectaire, et chute d'une hauteur de sept mètres à la cascade de Saillant.
Elle est glacée et bondissante, logique quand on sait que couze est un mot auvergnat pouvant être traduit par torrent.
Les empilements intriguaient chaque estivant qui s'arrêtait sur le bord de l'eau pour pique-niquer en amont de la cascade. De toute évidence, il ne s'agissait pas de cairns ordinaires. Chacun évoquait une forme particulière.
Un personnage féminin ou masculin. Un animal comme avec celui-ci, ci dessous, qu'on dirait représenter un lapin.
L'équilibre est stupéfiant mais bien réel. Aucun liant ne vient souder les pierres.
Les basaltes ou les pierres mouillées ont une couleur plus sombre qui tranche avec celles qui ont séché, et selon que les sculptures sont en zone d'ombre ou au soleil l'effet peut être radicalement différent.
Nous avons été nombreux ce jour là, adultes comme enfants, à patauger les pieds dans l'eau fraiche, l'eau jusqu'aux mollets, à tenter de faire un empilement plus ou moins original.
Un petit moulin tournait plus loin, évoquant une célèbre publicité pour de la charcuterie.
J'ai appris depuis que c'est un artisan de Murol, qui travaille habituellement le cuir, vient quotidiennement depuis plusieurs semaines pour modeler le cours de la Couze Chambon, en bravant le courant et les coups de vent. Cet homme fait preuve d'une créativité formidable. On peut espérer qu'il fera des émules et que des espaces précis seront dédiées à cet art enchanteur.
J'imagine que vous ne verrez plus jamais un tas de cailloux de la même façon ... Le choix d'y ajouter une pierre est personnel. Cela pourra être votre manière de dire "je suis passé par là", ou "j’ai réussi à atteindre ce sommet" ou encore plus simplement de vous accorder un moment de rêve.
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