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mercredi 14 décembre 2016

Un Fil à la patte

Le nombre de versions du Fil à la patte n'est pas calculable. S’il fallait remonter jusqu’en 1894, date de sa première représentation à Paris au Théâtre du Palais Royal, Feydeau lui-même n’en reviendrait pas d’un tel succès.

Pourtant, ce vaudeville n’a pas pris une ride car les travers humains qui y sont décrits sont intemporels. Amplifiés jusqu’à la caricature, nos défauts et autres bassesses déclenchent des imbroglios qui nous font toujours autant rire.

Aller voir une pièce que l’on connait déjà bien, c’est prendre le risque d’être surpris ... agréablement, ou pas et Isabelle a volontiers accepté cette aventure. Même si l’esprit de la pièce est respecté, elle en est revenue secouée par une mise en scène résolument fantaisiste et moderne tout en estimant, c'est sa conclusion, que le changement fait du bien. Voilà ce qu'elle en dit :

Résumons rapidement l’histoire : Monsieur de Bois d’Enghien doit rompre avec la chanteuse de café-concert Lucette Gauthier dont il est l’amant pour épouser le soir même une riche héritière. Prisonnier de sa lâcheté, il repousse toujours le moment d’annoncer la rupture à Lucette. Ses mensonges l’entrainent dans une suite de quiproquos et de bagarres dans lesquels interviennent plusieurs personnages tous plus cocasses les uns que les autres.
La mise en scène est minimaliste. Les seuls meubles que l'on voit sur scène sont des chaises d’écoliers, deux luminaires et, en guise de fond, un voile aux couleurs changeantes, derrière lequel parfois quelques-uns des comédiens se figent dans des postures ridicules et comiques tandis que d’autres continuent de faire avancer l’action au premier plan.

Pas davantage de coulisses. Les comédiens attendent à cour et à jardin leur tour d’entrer sur scène. On fait abstraction de leur présence lorsqu’eux-mêmes deviennent pour un temps spectateur comme nous.

Le parti pris du metteur en scène de s’éloigner de certains codes du théâtre surprend au début. Dans un Vaudeville, on a généralement des armoires dans lesquelles les amants se cachent, des portes qui se ferment pour qu’un mensonge ou une trahison se fasse dans le dos de l’intéressé. Ici, pas de porte, pas d’armoire, pas de rideaux. Mais qu’on se rassure, les portes claquent quand même, les sonnettes ne cessent de retentir et l’amant se cache bel et bien dans une armoire. Mais aucun de ces éléments n’existe concrètement sur scène. C’est par le jeu des comédiens, qui lui n’a rien de minimaliste, que l’on imagine ces parties du décor. A chaque fois qu’une porte se ferme, qu’une sonnerie retentit, l’ensemble des comédiens interrompt sa tirade pour imiter par des gestes et des sons "un vlam, un dring".

Autre originalité de la mise en scène, les intermèdes musicaux et chorégraphiques qui scandent chaque fin d’acte. Les personnages, en particulier Bois d’Enghien (Stéphane Brel en alternance avec Lionel Pascal), semblent pris de convulsions qui s’expriment dans une danse désarticulée très réussie.

Marie le Cam joue une Lucette Gauthier follement amoureuse, sensuelle, possessive mais aussi touchante dans son déni à voir la vérité. Sa sœur (Eugénie Ravon) jouera 3 personnages différents durant la pièce. Si son rôle de vieille fille lui va comme un gant, elle est parfaite aussi dans celui de chambrière à perruque rousse (remplaçant le valet de Feydeau) et de policier. Seul petit reproche, elle semble forcer sans doute un peu trop sur sa voix.

La baronne et future belle-mère (Solveig Maupu) nous réjouit de ses mines outrées, de son jeu de regard et de sourcils.
Mikaël Taïeb en Bouzin nous offre des mimiques de bouche et des grimaces grotesques qui n’ont rien à envier à celles de Louis de Funès !

Le général Irrigua, amoureux de Lucette, se présente en kilt ! Quel travail de diction il a dû falloir à Anthony Magnier qui l’incarne pour arriver à s’exprimer dans ce jargon pseudo latino-américain qui suscite l’hilarité. Viviane (Agathe Boudrières), la riche héritière et Fontanet qui empeste (Xavier Martel en alternance avec Gaspard Fasulo) sont des personnages plus mineurs de la pièce. Leur jeu est néanmoins en cohésion totale avec celui des autres comédiens et leur présence est indispensable à l’intrigue.

Le but est de faire rire certes mais il est clair qu’Anthony Magnier ne souhaite pas tomber dans le burlesque pur et dur : "Nos comédiens savent que tel mot, telle réaction va faire rire: il ne faut jamais travailler dans le but de faire rire de manière frontale. Il faut garder une rigueur émotionnelle…" Sa mise en scène parvient à nous fait découvrir Feydeau avec un regard différent, ce qui n'était pas gagné d'avance pour une pièce si souvent montée.

Présentée au Festival d'Avignon en 2014, l'interprétation de la Compagnie Viva créée par Anthony Magnier a remporté le grand prix du Jury Festival d’Anjou 2015 et le prix du Jury Jeunes. A vous de vous laisser surprendre, et ce jusqu’au 31 décembre.

Un Fil à la patte de Georges Feydeau
Mise en scène et scénographie : Anthony Magnier
Au Théâtre 14
20 rue Marcel Sangnier 75014 Paris
Jusqu'au 31 décembre 2016
Les mardis, vendredis et samedis à 20h30, les mercredis et jeudis à 19h, matinée samedi 16 h
Relâche : dimanche et lundi.
 Relâche exceptionnelle : samedi 24 décembre
Avec : Stéphane Brel ou Lionel Pascal : Bois d’Enghien, Marie Le Cam : Lucette Gautier, Agathe Boucrières : Viviane / Firmine, Xavier Clion : Chenneviette / Miss Betting, Gaspard Fasulo ou Xavier Martel : Fontanet, Anthony Magnier ou Julien Jacob : Le Général Irrigua, Solveig Maupu : La Baronne, Eugénie Ravon: Marceline, et Mikaël Taïeb : Bouzin
Lumières : Marc Augustin-Viguier

Costumes : Mélisande De Serres

Photos Lot

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