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samedi 24 décembre 2016

Alperel, des glaces même en hiver

J'adore les glaces. Depuis toujours. A 5 ans l'ablation des amygdales exigeant de ne manger que cet ingrédient m'avait consolée de la douleur de l'intervention. J'ai gagné tous les paris sur la quantité que je me sentais capable d'ingérer (l'astuce c'est qu'il ne faut surtout pas manger vite).

C'est un univers que je connais bien et j'ai de multiples références. Sans snobisme aucun. Je ne fais pas une queue de trente minutes à Saint Louis en l'île devant B.... Et j'apprécie beaucoup le travail du glacier du bout de ma rue. C'est un des rares desserts que je ne fais pas moi même. Sans turbine on ne sort rien de fameux. Voilà le secret.

Tant que les produits industriels étaient les seuls à être référencés par les grandes surfaces il fallait bien que je m'en contente, avec de rares exceptions quand j'entendais parler de tel ou tel artisan à l'occasion le plus souvent d'un déplacement en région. Le consommateur commence à disposer de choix. La clientèle de Système U a cette chance de pouvoir goûter (et succomber) aux glaces Alperel. Depuis que j'ai découvert la démarche U de nos régions j'ai voulu voir de près comment ces glaces étaient fabriquées.

Pierre Menini m'a ouvert les portes de son laboratoire juste avant de fermer quelques jours, pas spécialement parce que les fêtes s'annoncent mais parce qu'il entreprend des travaux d'aménagement d'un espace pâtisserie et l'installation d'une troisième turbine.

La taille humaine de l'espace témoigne de la volonté de demeurer artisanal, mais bien entendu extrêmement qualitatif. Le plus intéressant n'est pas d'approcher les turbines qui crachent silencieusement leur production de crème glacée ou de sorbet, malgré la satisfaction de vérifier au sortir de l'appareil combien le produit est onctueux. C'est surtout de goûter le produit à l'extrême bonne température de moins 6 à moins 9 degrés, avant la surgélation à moins 25.

La turbine est une machine mais la production reste peu volumineuse : avec 5 à 7 bacs par "fournée", 8 s'il s'agit de fraise. A peine entrés dans le laboratoire nous sentons le parfum du chocolat. Il est tellement puissant qu'il est repéré de loin malgré la buée sur les lunettes. La vanille est claire, ponctuée de petits points noirs caractéristiques de l'emploi de vraies gousses, grattées à la main, comme on me le confirmera tout à l'heure.
Avant de fermer pour deux semaines, l'entreprise constitue des réserves car ce parfum plébiscité en France comme dans le monde entier, assure 60% des ventes, avec une proportion un peu supérieure avec les restaurateurs dont la carte est -et c'est une surprise- moins osée que ne l'est l'éventail que s'autorise un acheteur de la grande distribution comme Jerôme Prunet que j'ai eu la chance de rencontrer il y a quelques semaines.
Rien de spectaculaire à voir pour le moment. La sortie de vanille et de chocolat est sans surprise. Peut-être que les choses auraient été différentes si j'étais venue en janvier après l'installation de la troisième turbine. Pas sûr car si l'entreprise grandit elle conservera sa manière de faire, n'ayant pas fait le choix de s'orienter par exemple sur le freezer en continue. Certes la troisième turbine est de plus grande capacité pouvant fournir 7 bacs à la fois, mais cela reste une turbine.
Ce qui vaut le déplacement c'est de pouvoir entendre Pierre Menini s'exprimer sur ses motivations à travailler dans la recherche de l'excellence, en toute modestie d'ailleurs.Vous savez peut-être la querelle qui oppose certains fabricants. Tant que la législation permet de vendre au litre il est très intéressant d'y insuffler un maximum d'air (c'est gratuit et cela occupe du volume) allant jusqu'à un taux de 50% pour les sorbets. Pour donner un ordre de comparaison Alperel foisonne entre 15 et 30 pour les glaces, 40 pour les sorbets. Il serait ridicule évidemment de foisonner trop bas, car on aurait un résultat proche du glaçon, désagréable en bouche.

Après quelques années accomplies dans la restauration il a eu envie d'effectuer un pas de côté, en montant un projet qui lui permette de travailler avec sa femme. Quelque chose dans l'alimentaire, peut-être un restaurant-épicerie. Et puis il a rencontré Paul et Françoise Maman qui avaient fondé Alperel en l'an 2000 en Haute-savoie avant de venir s'installer en région parisienne. Ils songeaient à se retirer uniquement en raison de l'âge.

Pierre connaissait bien ces glaces. Il en ramenait des pots à sa femme lorsqu'elle était enceinte ... Il aurait pu continuer sur la lancée de l'entreprise qui fonctionnait très bien. Il a souhaité malgré tout associer sans attendre un chef pâtissier pour rechercher de nouvelles saveurs qui vont marquer l'année 2017 et que j'ai eu la chance (et l'immense plaisir) de goûter en avant-première.
Le nombre de références est très grand, comme en témoignent les pots multicolores dès l'entrée dans le hall. Ce n'est pas abusif de dire qu'elles sont "à tomber". Le parfum "fraise-menthe poivrée" est renversant. Miel lavande d'une rare subtilité et une cuillerée de mangue équivaut à croquer dans le fruit.
De plus les portions individuelles sont franchement généreuses, même pour un(e) gourmand(e). Il n'empêche que j'ai été un peu désorientée dans la reconnaissance des parfums parce qu'on a rarement l'occasion de goûter des produits au goût authentique, sans exhausteur de goût.
Le fruit de la passion est subtil, sans acidité excessive. La clémentine est quasiment une effluve. La griotte cardamone verte une évocation de Forêt noire. L'abricot nous transporte à Aix et donne envie de croquer dans un calisson. Banane citron vert est un délice, à des années lumière de la combinaison artificielle que j'ai pu goûter parfois. Pomme verte Tonka arrive à égalité pour combler les papilles, comme l'alliance du melon et de la vanille.

Le yuzu est sans doute le parfum le plus puissant mais néanmoins mesuré dans le spectre du savoir faire d'Alperel. Plusieurs parfums intégreront la carte. Certains n'y feront qu'une figuration éphémère parce qu'il est important de renouveler l'appétence de la clientèle. Et puis aussi parce que même si la DLC est confortable (18 mois) il serait complexe de gérer des stocks trop multiples.

Dans cet esprit on peut oser des parti pris audacieux comme la glace grué de cacao, incluant d'infimes morceaux à croquer. Elle est sublime mais s'adressera sans doute à des connaisseurs. Une des grandes nouveautés va aussi consister à concevoir des recettes incluant un peu de mâche avec de touts petits morceaux de fruits.

Mais la surprise peut aussi être provoquée par de l'inattendu en terme de velouté comme le parfum "fleur de lait" dont raffolent les italiens sur l'affogatto al caffè, qui signifie "glace noyée dans du café" et qu'ils arrosent d'un expresso tout chaud.

Parmi les soixante parfums actuels on remarque un nombre impressionnant de parfums japonais. Ce n'est pas pour répondre à la mode que Pierre Menini continue à produire une glace au sésame mais parce qu'il peut s'approvisionner en pâte de sésame écrasée à la meule de pierre. Sa cousine est Franco japonaise et elle est la première à valider ce type de recette. Alperel a aussi la capacité de réaliser des produits tout à fait exceptionnels pour des occasions particulières, par exemple une glace au Thé Matcha Assai qui a été dégustée au cours d'un événement parisien.

Peu de sucre. Ni additif ni colorant, c'est écrit en gros sur les emballages mais cela va de soi. Pour les colorants le doute n'est pas envisageable. Les fruits utilisés arrivent en pleine maturité, en purée pour garantir la constance de leur qualité (des confituriers comme Andrésy qui fabriquent les Petites Parisiennes pour Système U procèdent à l'identique).

Au moment de la reprise Pierre Menini s'était promis de ne rien changer ... pour commencer et avant de maîtriser toutes les composantes. Il fait bouger petit à petit l'approvisionnement en matières premières au fil des rencontres. Très réfractaire aux additifs avant de saisir quel intérêt cet ajout pouvait présenter cet artisan est devenu moins catégorique parce que son chef pâtissier lui a fait déguster des glaces incluant de toutes petites doses de gomme de guar ou de caroube, toujours d'origine naturelle et qualitative. S'il lui a fallu entreprendre un long chemin on comprendra qu'il sera encore plus crucial de rassurer le consommateur pour qui la mention "sans additif" est un gage de qualité et de santé. C'est pour moi un élément discriminant ... Même si j'ai tort.

En 2017 le moment est venu en tout cas de présenter de nouveaux parfums. Les emballages évolueront aussi et sans doute que l'entreprise s'orientera vers les desserts glacés qui seront préparés dans un espace dédié au fond du laboratoire. J'ai goûté un Parfait glacé mascarpone et Amaretto,  crème glacée au moka d'Ethiopie et billes croustillantes pralinées sur dacquoise aux amandes, glaçage blanc et flocon d'or. La part semble modeste mais elle est destinée à 2/3 personnes.
Alperel évolue mais demeure artisanal. Ils ne sont que 8 personnes à y travailler. C'est une volonté.

Vous  pourriez déguster cette glace en fin de repas chez Guy Savoy, aux Bouquinistes ou chez Yannick Alieno au Terroir parisien. Vous pouvez aussi l'acheter en épicerie fine. Plus simplement vous la trouverez chez Système U qui référence une quinzaine de parfums.
On peut les déguster à la petite cuillère, les combiner avec une pâtisserie, comme on le fait souvent avec une Tatin et une quenelle de glace caramel beurre salé. On peut aussi insérer une couche entre deux biscuits comme je l'ai fait en associant caramel d'une part, fraise menthe poivrée d'autre part, entre deux sablés de la Mère Poulard.
Alperel, 12 avenue Le Verrier, 78190 Trappes

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