De livre en livre (il y a déjà sur le blog 10 articles consacrés à ses ouvrages), Sophie Adriansen conserve la capacité de me surprendre. Son "petit" dernier, Linea Nigra est assez étonnant alors qu'il se situe pourtant dans le prolongement du Syndrome de la vitre étoilée, paru l'an dernier chez le même éditeur, dont je disais alors qu'il était le plus singulier de tous ses ouvrages.
Je me suis beaucoup attachée aux personnages, sans chercher le moins du monde à débusquer la part de fiction de celle qui est accordée la réalité. Stéphanie est forcément proche de Sophie. Elles ont la même initiale. Et tout le monde sait que Sophie est une jeune maman.
J'avais discuté avec Sophie au moment de la parution du Syndrome et je savais déjà qu'il y aurait une suite. On retrouve le même rythme, alternant un récit qui s'apparente au journal avec des réflexions ou des listes. Mais il me semble qu'il est à la fois davantage romancé (je me suis représentée de nombreuses scènes ... comme au cinéma) mais aussi davantage militant (pour que les femmes soient actrices de leur accouchement et surtout pas objetisées par les équipes médicales).
Sophie raconte les premiers pas d'une famille en ayant la capacité à toucher l'universel. Je me suis reconnue à de multiples reprises dans le journal des évènements. Je découvre que je ne suis pas unique à avoir pensé que j'étais la dernière à avoir mis au monde un enfant dans la maternité (p. 291). Pendant deux jours je me suis demandé à quoi correspondaient les bruits de chariots que j'entendais rouler, sans imaginer une seconde que d'autres femmes que moi accouchaient.
Je suis sure qu'elle recevra une abondante correspondance de son lectorat. Y compris des 25% de femmes qui n'observent pas cette ligne brune sur leur abdomen quand elles sont enceintes. (p. 88)
Je suis sure qu'elle recevra une abondante correspondance de son lectorat. Y compris des 25% de femmes qui n'observent pas cette ligne brune sur leur abdomen quand elles sont enceintes. (p. 88)
Sophie n'élude rien des soucis, des questions, et des joies que la future maman ressent à l'approche du terme, ni des émotions qui peuvent submerger les premières semaines après la naissance. Elle lève le voile- les voiles - qui sont parfois d’épais doubles rideaux, sur des tabous, des habitudes, des contre vérités, comme celle qui consiste à obliger les femmes à accoucher ... l'estomac vide (p. 246). Je crois que je n'ai jamais eu aussi soif de toute ma vie ! Ce souvenir est indélébile.
Elle pointe les aberrations comme la position decubitus dorsal que l'OMS conseille d'éviter (p. 89) ou la césarienne (p. 121). L'abus d'épisiotomie (p. 136). Egalement les pratiques scandaleuses de ces médecins qu'elle appelle les bouchers (p. 72) et le plus terrible est que ce n'est alors pas du roman. On comprend la confusion entre accouchement sans douleur et péridurale (p. 94). Ce sont en réalité deux méthodes qui ne sont pas du tout liées. La lecture de certaines statistiques donne souvent envie de prendre les armes. J'ai compris pourquoi j'ai failli mourir au cours de mon premier accouchement. Par chance le second eut lieu quelques mois plus tard et on me laissa décider de ce qui était bon pour moi ... puisque j'étais en quelque sorte devenue "spécialiste".
C'est pareil pour les conseils qu'on prodigue aux jeunes mères. On ne sait plus qui écouter tant les avis divergent mais à la naissance du second les critiques cessent par magie : on est censé savoir "bien faire".
Sophie a raison quand elle dit qu'à la maternité, on ne délivre aucun diplôme, et que chaque femme fait de son mieux. Mais tout de même, on écoute davantage celles qui ont déjà accouché, comme si elles avaient implicitement déjà réussi l'épreuve.
Elle a rassemblé de multiples avis, émanant souvent du corps médical, qui lui permettent quelques affirmations à propos de la surmédicalisation des accouchements au nom d'un pseudo-modernisme (p. 38). Et elle donne la charte des droits de la parturiente (p. 316).
Sophie ne ménage pas non plus les entreprises qui, comme Facebook, prônent la congélation d'ovocytes pour repousser la date des grossesses (p. 42) ou la pratique du rehoming permettant aux USA (p. 403) le changement de bébé si l'adoption n'est pas satisfaisante.
Il y a de rares moments où je ne la suis pas. Quand elle prétend que si elle était écrivain elle mettrait des mots sur ce qu'elle vit (p. 329) j'ai envie de lui lancer le défi de s'essayer à la photographie. Ce serait un joli moyen de suivre son regard pour nous qui avons l'habitude de l'accompagner.
Je ne tire pas la même conclusion qu'elle sur la confidence de Françoise Giroud (p. 341) déclarant que du jour où son fils est né elle a marché avec une pierre autour du cou. J'ai eu l'occasion d'évoquer la maternité avec elle ... qui a perdu un fils en haute montagne, repéré dans la neige grâce à l'écharpe rouge qu'elle lui avait offert, et que surtout elle avait tricoté elle-même. Car cette féministe de la première heure adorait les travaux manuels.
Mais je rejoins Sophie à propos de la complexité des rapports mère-fille. J'ai rencontré ces dragons auxquels elle fait allusion (p. 331) et pourtant je vous jure que nous n'avons pas la même mère. Comme Sophie je pense qu'il est possible de ne pas faire subir à son enfant ce qu'on a subi (p. 384). Les deux pages qui suivent sont très belles. Je songe à mon père qui reconnut un jour ne pas avoir été un père idéal et qui, en toute sagesse, me confiait qu'il ne regrettait rien parce qu'il est impossible d'être parfait. Il n'empêche que la déclaration de ma fille estimant jusqu’à l’âge de sept ans elle croyait avoir eu les meilleurs parents du monde m'avait remplie de joie, ... même si cela signifiait que nous ne l'étions plus.
Elle a rassemblé de multiples avis, émanant souvent du corps médical, qui lui permettent quelques affirmations à propos de la surmédicalisation des accouchements au nom d'un pseudo-modernisme (p. 38). Et elle donne la charte des droits de la parturiente (p. 316).
Sophie ne ménage pas non plus les entreprises qui, comme Facebook, prônent la congélation d'ovocytes pour repousser la date des grossesses (p. 42) ou la pratique du rehoming permettant aux USA (p. 403) le changement de bébé si l'adoption n'est pas satisfaisante.
Il y a de rares moments où je ne la suis pas. Quand elle prétend que si elle était écrivain elle mettrait des mots sur ce qu'elle vit (p. 329) j'ai envie de lui lancer le défi de s'essayer à la photographie. Ce serait un joli moyen de suivre son regard pour nous qui avons l'habitude de l'accompagner.
Je ne tire pas la même conclusion qu'elle sur la confidence de Françoise Giroud (p. 341) déclarant que du jour où son fils est né elle a marché avec une pierre autour du cou. J'ai eu l'occasion d'évoquer la maternité avec elle ... qui a perdu un fils en haute montagne, repéré dans la neige grâce à l'écharpe rouge qu'elle lui avait offert, et que surtout elle avait tricoté elle-même. Car cette féministe de la première heure adorait les travaux manuels.
Mais je rejoins Sophie à propos de la complexité des rapports mère-fille. J'ai rencontré ces dragons auxquels elle fait allusion (p. 331) et pourtant je vous jure que nous n'avons pas la même mère. Comme Sophie je pense qu'il est possible de ne pas faire subir à son enfant ce qu'on a subi (p. 384). Les deux pages qui suivent sont très belles. Je songe à mon père qui reconnut un jour ne pas avoir été un père idéal et qui, en toute sagesse, me confiait qu'il ne regrettait rien parce qu'il est impossible d'être parfait. Il n'empêche que la déclaration de ma fille estimant jusqu’à l’âge de sept ans elle croyait avoir eu les meilleurs parents du monde m'avait remplie de joie, ... même si cela signifiait que nous ne l'étions plus.
Cet ouvrage est multiple. Il en émane de l'humour et de la légèreté, par exemple quand l'auteure nous donne des alternatives (p. 13) ou les dix meilleures façons d'annoncer une grossesse à son conjoint (p. 59). Il dégage beaucoup de douceur quand Stéphanie raconte les premiers moments passés avec Luc. Malgré la puissance de leur rencontre un NON se manifeste régulièrement par résurgence, qu'elle analyse de son mieux, parce que, c'est vrai, tout le monde n'est pas prêt à accepter une relation qui va changer le cours de son existence (p. 17) avant que chacun fasse une place à l'autre dans sa liberté qui n'en est que plus grande (p. 56).
Car Linea Nigra n'est pas seulement un documentaire sur la meilleure façon de donner la vie, mais aussi une très belle histoire d'amour, plutôt romantique au demeurant.
Car Linea Nigra n'est pas seulement un documentaire sur la meilleure façon de donner la vie, mais aussi une très belle histoire d'amour, plutôt romantique au demeurant.
LINEA NIGRA de Sophie Adriansen, Fleuve Editions, en librairie depuis le 14 septembre 2017
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