C'est en sortant du spectacle Comme à la maison que j'ai eu envie de lire le livre d'Eric Romand. Sobre, pudique et néanmoins sans filtre, cet ouvrage, qui est un premier roman, est d'une sincérité qui ne fait aucun doute. Le ton est très personnel et ça sonne juste.
Tout le monde, dans les années soixante-dix, n'avait pas accès à ce qu'on appelle "la culture". Beaucoup de foyers ne s'intéressaient pas à la lecture (en dehors des prescriptions de l'école), n'allaient jamais au concert ni même au cinéma. C'était souvent la télévision qui constituait la principale ouverture sur l'extérieur. Ne disait-on pas "la fenêtre" dans de nombreuses familles ...
Les vedettes dites yé-yé prenaient une importance démesurée dans l'imaginaire des adolescents. Ce n'est pas un hasard si Johnny Halliday a pu prendre autant de place. Une chanteuse incarnait cet idéal d'ascension sociale, parce qu'elle était issu de la classe populaire, ayant été vendeuse de bonbons sur les marchés et propulsée très jeune sur les podiums.
Quelques années plus tard elle a représenté un certain idéal féminin, vêtue de paillettes, entourée de danseurs un peu à l'instar d'un modèle masculin qui était Claude François. L'auteur est fasciné par la chanteuse dont il comprendra plus tard qu'elle fut l'icône gay parfaite.
Les paragraphes s'enchainent comme les jours d'une année sans surprise, au sein d'une famille maladroite quand il s'agit d'exprimer des sentiments. le père est virulent, la mère en retrait et le jeune homme ne se sent pas accepté et perçoit que son orientation sexuelle ne sera pas plébiscitée.
Il se délivre de ce passé en partageant avec nous l’album de sa famille, issue d’un milieu populaire, avec ses codes, ses tabous, ses complexes, son ignorance, ses contentieux, dans les années 70 et 80. Il raconte son enfance solitaire au milieu des turbulences. Pour son entourage, il a des goûts bizarres, des attitudes gênantes, des manières qui provoquent la colère de son père et la désolation de sa mère. Il dessine des robes et coiffe les poupées de sa sœur. Il fait son possible pour ne pas ajouter au malaise. Pour s’échapper, il colle son oreille à son mange-disque. Regarde les émissions de variétés scintillantes… Et admire une célèbre chanteuse dont il aime les robes moulantes, les refrains joyeux. Il voudrait être elle. Il voudrait être ailleurs ...
L'essentiel est dit avec la même nostalgie douce amère que l'on connait au théâtre dans les pièces écrites par Eric Romand. Sans oublier son humour qui permet d'évacuer les tensions.
Mon père, ma mère et Sheila d'Eric Romand chez Stock
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