Je pense que j’ai entendu parler de Vivian Maier pour la première fois il y a un peu plus de quatre ans, au festival Paysages de cinéastes de Châtenay-Malabry (92), par la projection du documentaire Finding Vivian Mayer, en français A la recherche de Vivian Maier, qui fut nominé pour l’oscar du meilleur documentaire en 2015.
L’histoire était fascinante. Un américain avait acheté en 2007 dans une vente aux enchères un carton contenant des négatifs pour 380 dollars, ce qui était une somme importante s’agissant de clichés qui auraient pu passer à la poubelle. Il cherchait des photos pour illustrer un livre sur l’histoire de Chicago et croyait trouver son bonheur parmi les 700 rouleaux de pellicule couleur, et 100 000 négatifs, non développés pour la plupart.
John Maloof s’attela au travail. Le matériau se révéla décevant par rapport au projet qu’il avait mais … malgré tout … extraordinaire. Cet homme n’avait pas un tempérament de mécène mais de businessman. Vivian Maier est devenue célèbre parce que sa production valait de l’or.
Le film retraçait l’histoire de cette invention, puisque c’est le mot qu’on emploie pour désigner une découverte. Il pointait la personnalité de cette femme, secrète, une française émigrée à New York, ayant exercé le métier de nounou, décédée dans la plus grande pauvreté, dont en substance personne ne connaissait rien, y compris les enfants dont elle s’était occupé et qui étaient devenus adultes. Ils ne savaient même pas qu’elle prenait des photos … Sa production était pourtant énorme.
Le film soulevait des questions sur la motivation de Vivian Maier, et sur la formation de son regard car il semblait invraisemblable d'avoir pu devenir une telle artiste spontanément, sans aucune formation.
On voyait quelques extraits de plusieurs films en 8 et 16 mm qui se trouvaient dans le fameux carton. Bien entendu ce documentaire exhumait surtout des séries de photos. Je me souvenais particulièrement d’un cheval traversant une rue au pas sous un pont du métro. Ce qui m’avait frappé c’était non seulement le sujet, un homme noir sur un cheval, en pleine ville et à une époque où les noirs vivaient dans le ghetto d’Harlem, mais aussi l’exactitude du cadrage, la justesse de la lumière et de la mise au point.
Les hasards de la vie ont fait que je reçus deux ans plus tard cette même photo devenue carte postale. Et puis j’ai eu l’occasion de revoir tranquillement une quarantaine de photos de Vivian Maier. Cette chance me fut donnée à la Galerie des Douches, 5 Rue Legouvé, 75010 Paris, où jusqu’au 30 mars dernier, on pouvait voir de près surtout des photographies couleur de cette artiste que l’on pointe davantage comme une spécialiste du noir et blanc.
J'ai suivi le regard qu'elle a posé sur Chicago en plein soleil, sous les glaces, en noir et blanc et en couleurs. Outre cette ville, on note qu'elle a voyagé à Miami, et bien entendu à New York entre 1956 et 1984. Ce qui m'a le plus surprise c'est la gravité des scènes (peut-être surtout quand on connait son histoire) et l'humour que l'on peut percevoir dans un second degré. Le choix de la galeriste (qui est aussi l'agent officiel en France de l'artiste) s'est porté sur de nombreuses scènes de rue, impromptues, avec des gros plans émouvants comme cette main noire serrant la main blanche, ou une paire de jambes avec un pied chaussé d'un escarpin rouge vif et l'autre prisonnier d'un plâtre.
Les compositions s'ordonnent rarement autour de plus de quatre personnages, souvent un seul, parfois de dos, en plan serré. On remarque la passion de Vivian pour les femme en chapeau et la couleur rouge ... à moins que ce soit le reflet d'une sélection du collectionneur.
Ses auto-portraits affichent toujours le même air sérieux, sans jamais laisser filtrer un sourire et son profil lui valut d'être surnommé la Mary Poppins au Rolleiflex. Il est vrai qu'elles ont le même nez ... et le même métier de nounou. Le visage peut remplir le cadre, mais le "self-portrait" se limite parfois au reflet de sa main sur l'inoxydable d'un appareil ménager ou à sa silhouette en ombre projetée.
Tous les tirages (jamais plus de 15 pour une même photo) sont chromogènes ... et posthumes, signés et tamponnés par John Maloof, et vendus entre 2700 et 6500 € pour les plus anciens.
Dans le même temps j’ai découvert le livre de Gaëlle Josse qui s’est attelée à éclairer le parcours de cette femme qui est pour elle "une perdante magnifique, qui a choisi de vivre les yeux grands ouverts". Elle raconte comme le ferait une amie, la vie de cette femme libre, et aussi tout ce qui la relie à elle, avec un certain recul puisque sa disparition remonte à dix ans.
Les compositions s'ordonnent rarement autour de plus de quatre personnages, souvent un seul, parfois de dos, en plan serré. On remarque la passion de Vivian pour les femme en chapeau et la couleur rouge ... à moins que ce soit le reflet d'une sélection du collectionneur.
Ses auto-portraits affichent toujours le même air sérieux, sans jamais laisser filtrer un sourire et son profil lui valut d'être surnommé la Mary Poppins au Rolleiflex. Il est vrai qu'elles ont le même nez ... et le même métier de nounou. Le visage peut remplir le cadre, mais le "self-portrait" se limite parfois au reflet de sa main sur l'inoxydable d'un appareil ménager ou à sa silhouette en ombre projetée.
Tous les tirages (jamais plus de 15 pour une même photo) sont chromogènes ... et posthumes, signés et tamponnés par John Maloof, et vendus entre 2700 et 6500 € pour les plus anciens.
Dans le même temps j’ai découvert le livre de Gaëlle Josse qui s’est attelée à éclairer le parcours de cette femme qui est pour elle "une perdante magnifique, qui a choisi de vivre les yeux grands ouverts". Elle raconte comme le ferait une amie, la vie de cette femme libre, et aussi tout ce qui la relie à elle, avec un certain recul puisque sa disparition remonte à dix ans.
Vivian Maier était secrète mais elle s’est beaucoup mise en scène dans des clichés dont on peut se demander s’ils étaient spontanés tant ils sont élaborés, laissant deviner souvent uniquement sa silhouette.
On en découvre une sur al jaquette du livre de Gaëlle Josse, et ce qui semble naturel a été difficile à obtenir tant John Maloof défend son "commerce". Elle a choisi un titre très explicite pour son livre, Une femme en contre-jour, qui est davantage qu'une biographie. La lire, c'est se mettre sur la piste d’hypothèses et tenter d'approcher cette personnalité complexe, dont la sensibilité n’aura hélas pas été comprise de son vivant, comme tant d'autres artistes majeures telle que Camille Claudel ou Séraphine de Senlis.
On en découvre une sur al jaquette du livre de Gaëlle Josse, et ce qui semble naturel a été difficile à obtenir tant John Maloof défend son "commerce". Elle a choisi un titre très explicite pour son livre, Une femme en contre-jour, qui est davantage qu'une biographie. La lire, c'est se mettre sur la piste d’hypothèses et tenter d'approcher cette personnalité complexe, dont la sensibilité n’aura hélas pas été comprise de son vivant, comme tant d'autres artistes majeures telle que Camille Claudel ou Séraphine de Senlis.
Vivian Maier aura-t-elle eu conscience d’être leur égal ? La question reste posée mais cette femme anonyme toute sa vie, est aujourd'hui en pleine lumière.
Une femme en contre-jour de Gaëlle Josse, Notabilia, en librairie depuis le 7 mars 2019
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