Il n'y a point de tigre sur la couverture mais un cerf, un chat, un chardon et un rameau de pin. J'ai pensé à ces superbes tissus de créateur qui tapissent de profonds sofas dans une villa anglo-normande avec bow-window donnant sur l'océan. J'ai eu soudain envie d'une tasse de thé (moi qui en bois rarement) pour sa couleur ambrée, et son parfum.
Je crois que je me trouvais dans l'exacte condition nécessaire à la dégustation de ce livre. Il ne m'a pas déçue. J'y ai trouvé de la tendresse, de la réflexion, de l'amour, beaucoup d'amour, et de l'humour aussi.
Ainsi (p.32), alors que l'auteure a entrepris de nous présenter le couple formé par Alma et Jean à travers des évènements marquants, dont certains peuvent nous sembler anecdotiques, notre oeil butte soudain, au milieu de la page, sur deux mots isolés et insolites "Avance rapide" qui l'autorisent à faire faire un bond dans le temps à son récit et à introduire leur fille Billie une force de la nature, potelée comme un chapon, sucrée comme une pêche. Une enfant grave, à la voix feutrée, aussi physique qu'elle est discrète.
L'écriture est poétique, presque romantique. On a le sentiment que Constance Joly est parfois dépassée par la tournure que prend l'histoire et c'est très beau. Ils sont tellement heureux tous les trois ensemble qu'on ne sait même pas comment le raconter. (...) D'autres incidents pourraient être épinglés sur la corde à linge foutraque et venteuse de leur vie.
On nous a néanmoins décrit une famille heureuse, jusqu'à ce que la maladie se déclare chez Billie, une première fois puis une autre, en ce matin qui est un tigre qui rampe doucement, en attendant de vous sauter à la gorge (p.48).
L'animal est donc bien présent, métaphore de la maladie, ... physique ou mentale, il faut lire le livre pour se forger une opinion.
Alma accompagne sa fille à l'hôpital et se découvre des ressources de fantaisie dans les moments graves (p.52). Elle photographie des instants légers, comme s'ils la protégeraient de la résignation. Repérer la beauté autour d'elle, aussi infime qu'elle soit, lui permet de garder espoir et on peut s'inspirer de sa méthode pour entretenir notre propre moral au beau fixe, en capturant nous aussi tout ce qui provoque l'émotion avec notre appareil photo. Voilà un remède à la mélancolie facile à mettre en oeuvre.
Il y a bien une silhouette de chat (un tigre miniature ?) qui hante ses nuits et ses jours, parfois. Sa vie rêvée et sa vie réelle se mélangent. Jean, son mari, grossit. Elle se voit alourdie de valises (l'expression est polysémique, faisant référence aussi bien aux objets, qu'aux souvenirs, aux soucis ou regrets, qu'aux poches sous les yeux). Alma a besoin de fuir. Jean la comprend : prends soin de toi lui ordonne-t-il avec tendresse.
Elle décrypte l'ordre : Regarde les nuages. Essore la vieille serpillère de ta tristesse, laisse le chagrin sourdre lentement (...) alors que Son cerveau est un oeuf au plat qui grésille au fond d'une poêle brulante (p.65).
Car sa fille souffre d’un mal étrange et s’étiole de jour en jour. Tous les traitements échouent, et les médecins parlent de tumeur. Alma n’y croit pas. Elle a l’intuition qu’un chardon pousse à l’intérieur de la poitrine de son enfant. On a beau lui dire – son mari le premier – que la vie n’est pas un roman de Boris Vian, Alma doute et craint qu'une intervention chirurgicale soit fatale.
La vie lui semble être une balle molle dans la gueule d'un tigre qui s'amuse à la faire rebondir où bon lui semble (p.76). Mais Alma a décidé de lutter et de résoudre le dilemme : faut-il faire confiance à la médecine traditionnelle ou suivre son intuition pour la sauver de cette maladie rare, dont elle trouvera la trace dans une encyclopédie de botanique de Paul Alexandre, 1926, faisant état de la possible invasion de chardon dans le corps humain.
Cette maman s'inquiète de beaucoup de choses mais elle est profondément positive et le lecteur la suivra dans sa bataille sans mettre en cause le fil d'une pensée surréaliste qui navigue entre Raymond Queneau et la figure d'une pauvre irlandaise à la beauté magnétique devenue criminelle aux USA, connue sous le nom de Chicago May (dont Nuala O'Faolain a raconté le destin étonnant dans un livre éponyme publié en 2006 chez Sabine Wespieser).
Il faut accepter que l'alma soit le subconscient qui évolue à la limite de la conscience (p. 110). La question n'est pas d'y croire ou non, ni de s'interroger sur la manière dont on aurait réagi.
Le texte de Constance Joly se déroule et s'épanouit en de très jolies formules qui rendent la lecture très agréable : Le ciel est blanc et il bruine. Alma a envie de froisser la feuille du paysage dans ses mains et de l'envoyer à la corbeille (p.72). Il suffit donc de se laisser porter par les mots, à l'instar de la devise de Larousse qui avait choisi le pissenlit pour semer à tout vent.
Je crois que je me trouvais dans l'exacte condition nécessaire à la dégustation de ce livre. Il ne m'a pas déçue. J'y ai trouvé de la tendresse, de la réflexion, de l'amour, beaucoup d'amour, et de l'humour aussi.
Ainsi (p.32), alors que l'auteure a entrepris de nous présenter le couple formé par Alma et Jean à travers des évènements marquants, dont certains peuvent nous sembler anecdotiques, notre oeil butte soudain, au milieu de la page, sur deux mots isolés et insolites "Avance rapide" qui l'autorisent à faire faire un bond dans le temps à son récit et à introduire leur fille Billie une force de la nature, potelée comme un chapon, sucrée comme une pêche. Une enfant grave, à la voix feutrée, aussi physique qu'elle est discrète.
On nous a néanmoins décrit une famille heureuse, jusqu'à ce que la maladie se déclare chez Billie, une première fois puis une autre, en ce matin qui est un tigre qui rampe doucement, en attendant de vous sauter à la gorge (p.48).
L'animal est donc bien présent, métaphore de la maladie, ... physique ou mentale, il faut lire le livre pour se forger une opinion.
Alma accompagne sa fille à l'hôpital et se découvre des ressources de fantaisie dans les moments graves (p.52). Elle photographie des instants légers, comme s'ils la protégeraient de la résignation. Repérer la beauté autour d'elle, aussi infime qu'elle soit, lui permet de garder espoir et on peut s'inspirer de sa méthode pour entretenir notre propre moral au beau fixe, en capturant nous aussi tout ce qui provoque l'émotion avec notre appareil photo. Voilà un remède à la mélancolie facile à mettre en oeuvre.
Il y a bien une silhouette de chat (un tigre miniature ?) qui hante ses nuits et ses jours, parfois. Sa vie rêvée et sa vie réelle se mélangent. Jean, son mari, grossit. Elle se voit alourdie de valises (l'expression est polysémique, faisant référence aussi bien aux objets, qu'aux souvenirs, aux soucis ou regrets, qu'aux poches sous les yeux). Alma a besoin de fuir. Jean la comprend : prends soin de toi lui ordonne-t-il avec tendresse.
Elle décrypte l'ordre : Regarde les nuages. Essore la vieille serpillère de ta tristesse, laisse le chagrin sourdre lentement (...) alors que Son cerveau est un oeuf au plat qui grésille au fond d'une poêle brulante (p.65).
Car sa fille souffre d’un mal étrange et s’étiole de jour en jour. Tous les traitements échouent, et les médecins parlent de tumeur. Alma n’y croit pas. Elle a l’intuition qu’un chardon pousse à l’intérieur de la poitrine de son enfant. On a beau lui dire – son mari le premier – que la vie n’est pas un roman de Boris Vian, Alma doute et craint qu'une intervention chirurgicale soit fatale.
Cette maman s'inquiète de beaucoup de choses mais elle est profondément positive et le lecteur la suivra dans sa bataille sans mettre en cause le fil d'une pensée surréaliste qui navigue entre Raymond Queneau et la figure d'une pauvre irlandaise à la beauté magnétique devenue criminelle aux USA, connue sous le nom de Chicago May (dont Nuala O'Faolain a raconté le destin étonnant dans un livre éponyme publié en 2006 chez Sabine Wespieser).
Il faut accepter que l'alma soit le subconscient qui évolue à la limite de la conscience (p. 110). La question n'est pas d'y croire ou non, ni de s'interroger sur la manière dont on aurait réagi.
Le texte de Constance Joly se déroule et s'épanouit en de très jolies formules qui rendent la lecture très agréable : Le ciel est blanc et il bruine. Alma a envie de froisser la feuille du paysage dans ses mains et de l'envoyer à la corbeille (p.72). Il suffit donc de se laisser porter par les mots, à l'instar de la devise de Larousse qui avait choisi le pissenlit pour semer à tout vent.
Le matin est un tigre de Constance Joly, Flammarion, en librairie depuis le 9 janvier 2019
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