La photographie d’Alexis-Joseph Mazerolle par Nadar en 1883 est posée sur un chevalet au centre de la scène. Le noir se fait. Des bruits évoquent la folie alors qu’un faisceau de lumière blanche découvre un homme recroquevillé et secoué d’angoisse.
Contemporain de Monet, Renoir et Sisley, Mazerolle (1826-1889) appartient à la catégorie des peintres académiques. Son style correspondait aux goûts de son époque et il connut une belle notoriété. Il a en effet reçu de multiples commandes privées et publiques. Il a décoré de nombreux lieux de spectacle comme l’Opéra Garnier, le Conservatoire de musique de Paris, les théâtres d’Angers et de Baden Baden… et la Comédie Française, ce qui lui valut la Légion d’honneur.
Le grand public ne le connait plus vraiment. Et pour cause puisqu’en 1900, un incendie détruisit les plafonds peints en 1877-1879. Il n’en subsiste que des gravures et esquisses. Rémi Mazuel s’est penché sur ce parcours qu’il estime injuste en écrivant son histoire pour le théâtre tout en rendant plus largement hommage aux artistes qui connaissent une éphémère gloire, parce que ce fut aussi le cas de son propre grand-père, devenu artiste-peintre après une carrière d’entrepreneur. Il a eu envie d’écrire sur ces deux mondes, l’art et l’entreprise, que l’on oppose trop souvent.
Et ce qui est amusant c’est que c’est sa propre grand-mère qui lui avait donné le point de départ de sa pièce en lui offrant un jour un catalogue sur l ‘œuvre d’Alexis-Joseph Mazerolle. C’est bien plus tard qu’il apprit qu’un descendant de ce peintre était marié à la cousine de son grand-père. Cette découverte renforça sa motivation.
Étant comédien, il a choisi d’interpréter tous les rôles. Par contre il ne voulait pas se priver d’un regard extérieur et il a eu raison. Il a donc préféré confier la mise en scène à Marie-Caroline Morel, qui comme lui a suivi le Cours Cochet-Delavène.
Après le prologue, la pièce se poursuit autour de l’histoire d’Antoine, un comédien que son agent lâche brutalement faute de réussir à lui trouver des contrats. Comme il lui faut gagner sa vie, le jeune homme dépité devient gardien de musée, dans un lieu où le plus célèbre est Picasso. Si bien qu’on lui demande à longueur de temps où se trouvent ses tableaux.
Rémi Mazuel renseigne sur tous les tons et gère des situations cocasses, surtout pendant les visites scolaires. Le comédien mime une incroyable bagarre le précipitant hors de scène avant que la pression ne retombe. Il réhabilite aussi l’artiste surdoué et tombé dans l’oubli en convoquant les personnalités marquantes de sa carrière dans la « salle Mazerolle », voisine de celle de Picasso. Il joue quatre personnages principaux et six lieux différents joués dans le décor épuré conçu par Alix Cohen.
Sa passion n’est pas incompatible avec une certaine objectivité car soutenir un artiste c’est aussi lui dire ses quatre vérités quand il le faut.
On peut aller au théâtre de la Contrescarpe voir Rémi Mazuel pour connaitre l’histoire de Mazerolle mais c’est tout de même la performance d’acteur que j’ai grandement appréciée. J’ai découvert un comédien dont le travail mérite d’être salué. C’est en toute logique qu’il s’est illustré dans l’improvisation et l’éloquence. Et sa carrière ne fait que commencer !
Le voisin de Picasso écrit et interprété par Rémi Mazuel
Mise en scène : Marie-Caroline Morel
Costumes : Leslie Pauger
Musique : Charles Tumiotto
Conception & Décors : Alix Cohen
Au Théâtre de la Contrescarpe - 5 rue Blainville - 75005 Paris
Les mercredi à 21h, samedi à 16h30
Relâches les 6, 27 et 30 octobre et 15, 18 décembre
Mais supplémentaire le dimanche 21 novembre à 16 h 30
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