La ville d’Antony (92) a inauguré son nouveau théâtre qui s’appelle Théâtre Firmin Gémier / Patrick Devedjian, en hommage au Président du département, ancien ministre, une des premières personnalités à décéder du Covid il y a un dix-huit mois, et surtout une personne très impliquée dans la vie culturelle d’une ville dont il fut longtemps le maire.
Il remplacera le bâtiment dans lequel on avait découvert de l’amiante et complète l’équipement composé du Théâtre Firmin Gémier La Piscine (sur Chatenay-Malabry) et de l’Espace cirque d’Antony.
L’ensemble s’appelle désormais l’Azimut et il faudra faire attention aux adresses des spectacles car la programmation est foisonnante.
J’ai découvert la salle le 22 octobre avec le spectacle de Chloé Moglia de la Compagnie Rhizome qui, bien que répertorié comme spectacle de cirque se situe à la frange du stand-up et du théâtre.
Sa performance est saisissante. D’autant que ne connaissant pas l’architecture intérieure du lieu je n’ai pas été alertée par la présence d’un étrange câble d’acier qui avait investi l’espace. C’est tout juste si j’ai été surprise que certains sièges soient condamnés, réduisant la jauge. Des places situées au centre donc à priori les meilleures.
Je n’avais pas lu le titre à voix haute. Ça change tout de le faire : ALÉAS – LA LIGNE est un parcours de vie que la performeuse relate après avoir suivi … la ligne.
Cette nouvelle salle est très confortable. Les fauteuils sont bien conçus même si les accoudoirs sont un peu fermes. Le plateau semble immense, mais il est manifestement insuffisant pour l’artiste qui investit l’espace aérien sur trente à quarante mètres de fin cylindre d’acier qui traversent et reconfigurent l’espace.
Sur la scène, on remarque un compteur dont les diodes rouges indiquent pour le moment un double zéro. Plus tard je m’apercevrai de la présence d’une paire de chaussures rouges comme celles de la sorcière du magicien d’Oz et un casque émetteur posé juste devant.
Pour le moment des infrabasses bourdonnent comme un métro souterrain alors que l’action va se déployer au-dessus de nos têtes, aimantées par une action qui se déroule au ralenti, faisant dire un papa à sa petite fille qu’on dirait que l’artiste se meut comme un paresseux. Le nombre d’enfants présents ce soir est d’ailleurs étonnant.
Chloé Moglia progresse lentement, avec des gestes prudents mais avec détermination. Elle avance centimètre après centimètre, s’arrêtant parfois pour entreprendre une suspension délicate avec une maîtrise sidérante. Le public, lui aussi, se contorsionne pour suivre le moindre mouvement. Le chrono est à 230 (secondes ?).
Le silence recouvre tout. L’attention est extrême. L’artiste a progressé sur la spirale et son ombre se découpe sur le mur du fond. Le compteur indique 1241. On n’a pas vu le temps passer.
Le support crisse. La respiration de Chloé est hachée. Son déplacement évoque une nage aérienne. 1836. Un coup de feu retentit, faisant craindre une explosion mais aucun attentat n’a eu lieu. Elle pend, immobile et sereine, retenue par un seul bras. C’est comme si elle marchait en apesanteur.
3126. Comment va-t-elle entretenir le suspense ? Ça grince, ça couine. On a compris qu’elle irait jusqu’au bout. Elle est maintenant juste au-dessus de ses chaussures.
Oups, oups, lâche-t-elle, en se posant avant de les enfiler. Elle se casque et nous scrute en se massant les épaules. Et puis elle parle en arpentant le plateau après avoir arrêté le compteur. Il est à 4806 (soit une heure 20, à une seconde près).
Dans le vide, une femme tombe à la même vitesse qu’une balle de ping-pong. L’astronaute David Scott, a démontré, en les lâchant conjointement, qu’une plume et un marteau touchaient le sol de la lune au même instant, prouvant qu’ils sont tombés à la même vitesse. L’interaction gravitationnelle veut que tous les corps massifs s’attirent.
Sa voix est rayonnante. On se croirait au théâtre et de fait on y est.
Elle partage avec le public ses observations sur les différences de rythme cardiaque. On apprend qu’un cycliste peut être à 28 pulsations par minute, une baleine à 20. Elle-même est à 55 quand elle est au repos, avant le spectacle, alors qu’elle est postée allongée tout en haut des gradins. Il suffit qu’on entre dans la salle pour que son coeur passe à 65. À la fin de sa prestation elle était à 85.
Son intervention interroge sur la ligne, et sur la notion de frontières. Et puis aussi sur les différences de temporalité pour traverser la ligne du temps.
On quitte le théâtre en rentrant prudemment vers un avenir qu’on ne connaît pas. Et en méditant sa question : Est-ce le temps qui passe ou moi ?
Le vendredi 22 octobre à 20 h 30
Au Théâtre Firmin Gémier Patrick Devedjian
Au Théâtre Firmin Gémier Patrick Devedjian
92160 Antony
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