J’ai visité Objectif mer : l’océan filmé, exposition inaugurale du "nouveau" Musée national de la Marine à Paris (qui rouvre le 17 novembre 2023) conçue par le musée avec la Cinémathèque française.
On verra, et c'est logique, des caméras sous-marines, beaucoup d'affiches de film, des extraits sur très grand écran … et notamment Océans de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, en passant par Marey, les frères Lumière, Méliès, Windjammer, Le Crabe-Tambour ou encore Titanic … mais les conservateurs sont remontés le plus loin possible dans le temps, jusqu'aux premières lanternes magiques du XVIIIe siècle.
Une des plus anciennes est celle-ci (ci-contre) en métal et verre, avec sculpture représentant un marin datant de la fin du XIX° siècle, de fabricant inconnu mais provenant d'Allemagne.
Je consacrerai un article complet au musée rénové. Il le mérite amplement. Je signale juste qu’il existe un programme très fourni d’animations et que beaucoup de facilités ont été imaginées pour faciliter la visite. Profitez-en pour vous y rendre en famille. Par exemple en janvier un dimanche après un brunch au restaurant.
Il faut traverser un moment les collections permanentes pour accéder à l’exposition temporaire et c'est une très bonne idée pour donner envie de revenir. Juste après le portique d’entrée, un bref film de 2 minutes 30 intitulé Immersion est projeté dans une demi-bulle pour placer chaque spectateur en condition. L'exposition se trouve quelques mètres plus loin sur la gauche.
Je dois signaler que le montage n'était pas achevé le jour de ma venue et que les éclairages étaient en cours de réglage, ce qui explique la mauvaise qualité de certaines photos. Enfin j'ignore s'ils seront repérables mais des tissus très fins stoppent net le visiteur qui voudrait s'approcher trop près des oeuvres (par exemple pour les photographier) et je me suis plusieurs fois fait surprendre.
Objectif mer : l’océan filmé est un excellent thème car associer la mer et le cinéma est une évidence qui s’est imposeé dès l’origine du nouveau projet muséographique. Parce que les liens entre l’histoire de la photographie, l’évolution des techniques de prises de vue cinématographiques et la mer sont évidents.
Elle se déroule en quatre grandes parties:
1 - La mer en lumière
La mer est l’un des thèmes favoris abordés par les arts, notamment en peinture et en littérature, ainsi que par la presse. À une période ou encore peu de personnes peuvent se rendre sur les littoraux, ces représentations et récits connaissent un véritable engouement populaire.
De gauche à droite Vue plongeante sur un voilier et étude de mât, vers 1856
26 mai 1856. Hauteville, de ma fenêtre, 1856
Ces deux lavis d’encre brune, exécutés à la plume sont tous deux de Victor Hugo (1802-1885), alors profondément marqué par son exil à Jersey et Guernesey entre 1852 et 1870. Ses dessins, dans lesquels les ténèbres sont omniprésentes, ont une dimension fantastique indéniable. Sa technique lui permet d'intégrer le mouvement à son oeuvre : ici, une vague vient lécher la coque du navire, là, une nappe de brume obscurcit l'horizon et se confond avec la mer.
La mer sera encore la première source d’inspiration des cinéastes avant même son invention officielle. Les spectacles de lanterne magique, dès le XVIIe siècle, regorgent de vues maritimes avec tempêtes et batailles.
Boîte d’optique Mondo Nuovo, Milan, vers 1790, de fabricant inconnu mais italien (Milan)
Bois peint, verre, papier peint, métal, textile. H. 8-, l. 92, L. 125 cm.
Paris, Collection La Cinémathèque française, Fonds Ministère de la Culture et de la Communication, Centre national du cinéma et de l’image animée, inv. CNC-AP-19-3347
Quinze vues différentes sont visibles dans cette boite d'optique; Des volets mobiles font apparaitre la lumière devant ou derrière chaque vue permettant ainsi une succession d'images diurnes et nocturnes en fondus enchainés.
Au XIXe siècle, les premiers chercheurs en photographie rêvent de capter «les vagues qui se brisent» (Henry Cook, 1867). Le photographe Gustave Le Gray réalise des chefs-d’œuvre dans ce domaine, même si ses images sont encore fixes. Pendant ce temps, Gustave Courbet peint La Vague (1869-1870) qui devient sujet pour la première fois dans son oeuvre et non plus élément du décor :
en provenance du Musée d'art moderne du Havre
Courbet abandonne le pittoresque traditionnel des marines où les scènes de naufrage, de pêche ou de bataille navale pour préférer une approche directe de l'océan. Le mouvement continuel et rapide de la mer, les ondulations de la houle et la puissance des vagues le fascinent. Il réalise une série de toiles sur le même thème, où la force sauvage des éléments s'exprime à travers une matière épaisse et un cordage serré.
Les Français du XIX° siècle qui résidaient à l'intérieur des terres ne connaissaient que peu la mer. C'est le chemin de fer qui a permis d'accéder aux côtes. Les premiers bains de mer ont modifié une perception jusque là synonyme de drames, de naufrages et de piraterie.
Étienne-Jules Marey, né le 5 mars 1830 à Beaune et mort le 15 mai 1904 à Paris, est un scientifique, un médecin, un physiologiste et l'inventeur de la chronophotographie en 1882, procédé encore utilisé de nos jours. La technique consiste à prendre en rafale des instantanés sur une même plaque fixe de verre enduite de gélatinobromure, avec un appareil de prise de vues muni d'un seul objectif, placé dans une chambre photographique mobile, qui opère sur des sujets clairs disposés devant un fond noir afin de pouvoir analyser avec précision les différentes positions des corps au cours d'un mouvement.
Le 28 décembre 1895, La Mer (Baignade en mer) était un des dix films projetés au Salon Indien du Grand Café à Paris, pour la première séance publique payante du Cinématographe des Frères Lumière. Et l’Exposition universelle de 1900 confirme cet attrait pour l’élément marin. La présence de l’affiche de l’exposition (ci-dessus, en haut) est donc légitime.
De haut en bas, Illusion d'un voyage en mer, symphonie descriptive pour orchestre composée spécialement pour le Maréorama Hugo d'Alésa (exposition de 1900), Venise, 1901
Et le second, même titre mais Constantinople, 1901
Tous deux d'Henri Kowalski (1841-1916), compositeur, papier imprimé de V. Courmont, Paris, imprimeur
Mer, risque et mystère font aussi le succès des journaux qui mettent à la une naufrages et récits catastrophes d’explorations qui tournent au drame.
2 - Mer documentée ou rêvée ?
On ne filme plus une maquette de bateau dans un aquarium mais la mer dans sa réalité. Ce qui n’empêche pas de poétiser le sujet, comme le fait Jean Painlevé pour montrer l’infiniment petit. Mais les fonds marins, encore peu connus, recèlent des mystères qui confinent au fantasme.
Pour mieux capter ces fonds, des entreprises expérimentales de grande ampleur voient le jour, comme l’expédition des frères John Ernest et George Williamson, utilisant une sphère permettant de filmer sous l’eau dès 1916, inaugurant en quelque sorte le cinéma sous-marin. Ou le scaphandre autonome de Jacques-Yves Cousteau dans les années 1940 qui a popularisé le documentaire sous-marin. Pour faire face aux contraintes marines, notamment la pression, les appareils se perfectionnent, comme le caisson Aquaflex ou la caméra de Rebikoff qui permettent de filmer plus longtemps et plus profondément.
Calypso, bâtiment océanographique (1953-96), Modèle échelle 1/25
Rendu célèbre par le Commandant Cousteau (1910-1997), il a servi de base mobile aux tournages documentaires et aux campagnes scientifiques des années 1950 à 90. Doté d'un équipement de pointe dont deux petits sous-marins, une soucoupe d plongée et une plateforme d'atterrissage pour les hélicoptères, le navire est également doté d'une salle d'observation vitrée équipée de matériel scientifique sous la ligne de flottaison. Il servira d'inspiration au Belafonte de Steve Zissou dans le film La Vie Aquatique (2004) de Wes Anderson (voir plus loin).
Certaines de ces expéditions permettent des découvertes majeures tant sur la faune, la flore, la géologie que sur les habitants de ces contrées encore méconnues des occidentaux qui y portent leur regard, comme celui de Robert Flaherty lors de ses campagnes dans la baie d’Hudson.
Le cinéma peut mettre en lumière la vie des gens de mers avec poésie, comme chez Jean Epstein, qui mêle légendes traditionnelles et mysticisme à sa démarche réaliste. Cette double approche permet la naissance de véritables chefs d’œuvres tels que L’Or des mers (1933) ou Le Tempestaire (1947).
Bocal avec étoile de mer dans du formol, offerte à Man Ray (1890-1976)
par Robert Desnos (1900-1945), vers 1928, verre, matières organiques
Cette étoile de mer apparaît de façon récurrente dans le court-métrage du même nom réalisé par Man Ray en 1928. Robert Desnos, auteur des vers à l’origine du film L’Étoile de mer, raconte l’avoir trouvée chez un brocanteur, et gardée en souvenir de sa liaison avec la chanteuse Yvonne George (1895-1930). Man Ray parle ainsi de son film : Un poème inspiré par une étoile de mer conservée dans un bocal, près de son lit et composé dans la nuit même, façonné moitié de rêve, moitié de réalité.
En 1952, le cinéma traverse une énorme crise en raison de la progression de la télévision dans les foyers. Il faut trouver de nouveaux dispositifs pour attirer le spectateur. Alors, les grands studios de cinéma américains conçoivent divers procédés spectaculaires pour faire revenir le public au cinéma. Le Cinérama, par exemple, inventé par Fred Waller, utilise trois projecteurs de film 35 mm synchronisés avec un film 35 mm sonore, afin d’offrir sur un écran courbe originellement constitué de lamelles blanches, de très grandes images panoramiques avec un son stéréophonique dans une salle spécialement conçue pour ce procédé. En 1958, le film Windjammer retrace le voyage du bateau norvégien Christian Radich. Les appareils présentés ici, rarissimes, sont ceux du Cinérama originel.
Les trois projecteurs figurant dans l'exposition sont les seuls complets à subsister en Europe dans une collection publique. La reconstitution est parfaite puisqu'en face se déroule la bande-annonce du film.
Trois projecteurs Cinérama, 1952, Fred Waller (1886-1954), inventeur Century, New York, États-Unis, fabricant, Métal, verre, Collection La Cinémathèque française, Paris, n° AP-17-3123, 3124 et 3125
Les opérateurs doivent faire preuve d’une très grande dextérité. Ils sont chargés de surveiller la bonne marche des trois projecteurs en même temps. Ce film contient en résumé tout l’imaginaire de la mer dans la mentalité collective à cette époque : tempête, vues sous-marines, chansons de marins, paysages exotiques, voiles claquant au vent.
3 - Mer et aventure humaine
L'équipement des marins et leur armement est une source d'inspiration pour le cinéma. Les tromblons, aisément reconnaissables à leur canon évasé, les sabres à la lame courte et épaisse et les haches de bord sont systématiquement utilisés dans les scènes d'abordage pour insister sur la sauvagerie de l'assaut.
Coffre en fer "de Nuremberg", 1600-1700
Fer. H. 42 ; l. 51 ; L. 85 cm. Paris, musée national de la Marine
Fer. H. 42 ; l. 51 ; L. 85 cm. Paris, musée national de la Marine
Ces armes servent aussi comme outils, pour couper des cordages, endommager la coque ou le mât et ou s'aider à escalader le navire adverse. Du résultat du combat dépendait la prise du butin adverse, incarnée par le coffre, souvent dit "au trésor" comme le coffre dit de Nuremberg ou coffre de marin qui est emblématique dans les films de pirates, dont il est un des éléments incontournables, comme l’illustre Pirate des Caraïbes dont l'affiche est évidemment présente, évoquant la figure d’Errol Flynn pirate héroïque au coeur tendre, et de son grand amour Olivia de Havilland.
À partir des années 1920 et 1930, les grands studios de cinéma livrent des films maritimes d’un romanesque puissant, dont les scénarios s’appuient parfois sur des faits et récits anciens. Ils brodent sur la fureur des hommes, l’amour ou la haine, la vengeance, la passion de la liberté, la soif de pouvoir, la politique. Les vaisseaux de l’Ancien régime et du Premier Empire sont reconstitués à grand frais, avec plus ou moins de réalisme. C’est la naissance d’un genre très populaire, aux effets spectaculaires et aux budgets colossaux : le film de pirates.
Pirates et marins en révolte sont aussi l’incarnation des conditions de vie éprouvantes et dangereuses à bord, où l’hygiène et les maladies s’ajoutent à la dangerosité des voyages à l’issue incertaine. Les Révoltés du Bounty (1962, Lewis Milestone) pointe l’utopie politique et le fonctionnement des marins pendant leurs traversées où prédomine un ordre social démocratique et une société autogérée.
Le film d’aventures maritimes s’inspire largement de l’Histoire. Il permet, en cadrant le récit dans un espace confiné – le navire –, sur un élément sans limites – l’océan – d’aborder les événements de façon panoramique tout en offrant des scènes plus intimes autour de l’esprit d’équipage et d’amitiés, le plus souvent masculines, à bord, et la fidélité de la reconstitution vaut le succès de Master and Commander (2003, Peter Weir) car la mer est un sujet d’émerveillement mais aussi de peur.
Maquette de décor du film Dédée d'Anvers, réalisé par Yves Allégret avec Simone Signoret, Bernard Blier.
Pêcheur d'Islande, 1924, de Jacques Baroncelli (1881-1951)
Henri Rudaux (1870-1927), affichiste, papier imprimé
La vie difficile des marins, l’atmosphère étrange des ports, les trafics et la prostitution dans les bars aux alentours inspirent les cinéastes : le Quai des brumes (1938) de Marcel Carné par exemple. Le port de New York est le décor de films puissants comme Les Damnés de l’océan (1928, Josef von Sternberg). Dans les années 1930, la trilogie marseillaise de Marcel Pagnol (Marius, Fanny et César) symbolise le désir irrépressible du départ, et la tragédie qui s’ensuit. Le métier de gardien de phare suscite des drames violents engendrés par la frustration. Des films âpres apparaissent : Querelle de Fassbinder (1982) avec ses marins de Brest, bien après Howard Hawks et Une fille dans chaque port (1928). Les damnés de l’océan, ce sont aussi les migrants qui disparaissent en mer par milliers, réalité tragique que le cinéma peine à représenter.
A gauche, Welcome, 2009, de Philippe Lioret (né en 1955), Guy Ferrandis (né en 1954), affichiste, impression offset
A droite, Le Chant du Loup, 2019, de Antonin Baudry (né en 1975), avec Mathieu Kassovitz, François Civil et Omar Sy, Rysk (fondé en 2009), atelier photographique, impression offset
Ce film illustre la thématique du huis-clos qui est récurrente des films maritimes, qui jouent sur un paradoxe : l’emprisonnement des personnages dans l’étendue illimitée des océans. Les protagonistes font face à leurs angoisses et leurs actes les engagent totalement dans une forte dépendance aux autres. Se déroulant majoritairement dans le contexte d’un conflit, les films de sous-marins possèdent leurs propres caractéristiques. L’équipage y joue un rôle central, positif mais instable : les risques de mutinerie rendent fragile le cadre protecteur et accentuent l’effet dramatique. L’extérieur, lui, incarne l’ennemi et le danger, accentué par la profondeur et l’invisibilité de l’adversaire.
De Das Boot (1981, Wolfgang Petersen) à À la poursuite d’Octobre rouge (1990, John McTiernan) et au Chant du Loup (2019, Antonin Baudry), son et musique jouent un rôle essentiel pour augmenter l’intensité émotionnelle où la responsabilité individuelle engage la survie collective.
Les maquettes ont été très utilisées sur les tournages et on peut voir celle qui a servi pour Les travailleurs de la mer. On est loin de l’énorme budget du film de James Cameron (né en 1954) sorti en 1997, Titanic, alors le plus cher du monde, récompensé de onze Oscars et succès mondial inégalé pendant douze ans en termes de recettes et de fréquentation. Le film met en œuvre des moyens techniques et technologiques très innovants pour l’époque : construction d’une maquette quasiment à taille réelle, reconstitution des décors intérieurs, mobiles et immergeables, effets spéciaux numériques novateurs et inédits.
De gauche à droite Costume de Jack Dawson (Leonardo Di Caprio), 1997, porté dans Titanic, 1997 de James Cameron (né en 1954), velours côtelé, coton, métal, fibres synthétiques et cuir
Costume de Rose DeWitt Butaker (Kate Winslet), soie, coton, métal, fibres synthétiques, caoutchouc et dentelle
Inspiré du naufrage en 1912 du navire éponyme au retentissement mondial, le scénario se structure autour de l’histoire d’amour tragique entre deux personnages que tout oppose. Rose, passagère de première classe incarnée et Jack, artiste nécessiteux voient leur romance naissante se heurter au drame du naufrage.
Caméra Arriflex 35 II fabriquée à Munich, Allemagne et modifiée par Panavision, Los Angeles, États-Unis, en 1996, Métal, verre, caoutchouc. Collection La Cinémathèque française, Paris, n° AP-18- 3238
Cette caméra sous-marine, fabriquée et utilisée pour les prises de vues sous-marines fonctionnant ici en Techniscope (deux perforations de chaque côté de la pellicule). La caméra était insérée dans un caisson permettant de plonger à des pressions élevées.
A ce propos il y avait beaucoup d’opérateurs et de pellicules à bord du navire mais aucune archive véritable n'a été retrouvée. La catastrophe n’a pas été filmée mais le cinéma s’est emparé immédiatement de ce sujet.
On est loin de cette petite caméra sous-marine utilisée en 1960 et une caméra 8 mm, Leningradskiy Optiko-Mekhanicheskiy Obyedineniye (Leningrad, URSS), fabricant, en Métal, verre, plastique, H. 25 ; L. 27 ; l. 57,5 cm. Paris, Collection La Cinémathèque française, inv. AP-13-2821
4 - Mer déchainée
Le cinéma permet à tous, en une expérience d’onirisme collectif, de visiter les fonds merveilleux ou cauchemardesques des océans, de voyager sur toute la surface de la mer et à toutes les époques, de voir ressuscités pirates, corsaires et mutins, d’être bloqué dans un sous-marin ou sur une île hostile ou encore d’être poursuivi par un mégalodon préhistorique.
Dans la littérature, la baleine de Moby Dick de Herman Melville (1851) et la pieuvre des Travailleurs de la mer de Victor Hugo (1866) démontrent que les éléments marins et leurs monstres défont la puissance de l’homme qui a osé se comparer à Dieu. Le cinéma exploite avec succès ce thème, surtout lorsque les effets spéciaux deviennent vraiment efficaces : la pieuvre en caoutchouc de 20000 Lieues sous les mers (1955) de Richard Fleischer impressionne déjà.
Dans le bestiaire marin cinématographique, les requins tiennent - injustement - le premier rang de l’épouvante depuis au moins Les Dents de la mer (1975) dont un extrait est présenté malgré tout le mal que le réalisateur a provoqué à cette espèce animale et que dénonce sans relâche Julia Duchaussoy. Je vous encourage à voir son dernier spectacle Le monde du silence gueule, et à scruter la sortie du prochain, toujours très précisément documenté, sans pour autant manquer d'humour.
Parfois les animaux sont montrés dix fois plus gros que la réalité (En Eaux troubles, 2018). Mais il y a aussi des créatures inattendues. S’inspirant avec fantaisie de la vie du commandant Cousteau, Wes Anderson en fait une satire dans La Vie aquatique (2004), part à la recherche du fabuleux "requin-jaguar".
affiche La vie aquatique, 2004 (The Life Aquatic with Steve Zissou) de Wes Anderson (né en 1969)
A. Korcher, imprimeur, impression offset
Plusieurs costumes du film sont également présentés ainsi que des accessoires.
Vivre sous l’eau est un rêve, par exemple dans le roman L’Atlantide de Pierre Benoit (1919) qui reprend le mythe de Platon sur une cité marine disparue. L’auteur l’enfouit dans le sable du Sahara et en profite pour dresser l’histoire d’Antinéa, reine mystérieuse et femme fatale, dont Jacques Feyder offre en 1921 la première adaptation cinématographique (film muet), après huit mois de tournage en Algérie, dans les lieux exacts de l’ouvrage, et avec des costumes somptueux comme cette robe portée par Stacia Napierkowska qui incarnait la reine :
Dans ses films musicaux extraordinaires, Esther Williams semble accomplir ses exploits incroyables sans aucun effort. Je n'ai pas réussi à faire un cliché correct du maillot de bains pailleté de son personnage, Caroline Brooks, qu'elle portait dans Le Bal des sirènes (Bathing Beauty), un film musical américain en Technicolor réalisé par George Sidney, sorti en 1944.
On se souvient évidemment du film-culte de Luc Besson raconte l’histoire de Jacques Mayol dans Le Grand bleu (1988), homme-dauphin champion d’apnée. L'affiche nous le rappelle comme celle de La Petite Sirène.
On reconnaitra que le premier grand maître de la mer déchaînée aura été le magicien Georges Méliès, dont l’imagination sans limite donne en 1903 Le Royaume des fées : un défilé de pieuvre géante, baleine-omnibus, grottes sous-marines, majordome à califourchon sur un homard, nymphes et naïades... qu'il a tourné dans le studio vitré de Montreuil entre 1897 et 1913 (520 titres produits !) en ayant recours à de multiples trucage.
Enfin, la dernière salle est consacrée à Jacques Perrin, à qui est dédiée l'exposition. Il a réalisé avec Jacques Cluzaud entre 2004 et 2009 Océans, récompensé du César du meilleur film documentaire en 2011. Engagé pour la protection des mers, le film rassemble un panel de scientifiques reconnus, notamment des océanologues et des biologistes. Il comporte des vues prises à travers le monde entier.
Prouesses techniques, les prises de vues sous-marines sont tournées en haute-définition dans des conditions parfois extrêmes. De nouveaux outils sont développés comme le caisson Jonas ou la caméra volante Birdy Fly, tous deux donnés par le réalisateur. Le son joue aussi un rôle essentiel pour accentuer l’émotion du public face aux animaux en faisant entendre le bruit des vagues, le ressac, le vent.
Une dernière photo montre le réalisateur à bord du navire La Loire, pendant le tournage du Peuple migrateur, au large de Roscoff.
En conclusion, au terme de la visite de cette exposition, riche de plus de 300 œuvres - costumes, affiches, peintures, machines, objets, photographies et extraits de films - provenant en grande partie des collections de la Cinémathèque française, on conviendra que la mer est aussi méconnue que la lune. Les commissaires exprimaient le regret de n'avoir pas établi (pas encore) de liste montrant l'océan de manière positive. Je leur recommande le magnifique, immersif et poétique Voyage au pôle Sud, dernier film de Luc Jacquet.
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En prolongation de la visite, le catalogue permet d’explorer et d’approfondir des thématiques de l’exposition portant tant sur les multiples représentations de la mer au cinéma que sur cette quête permanente pour filmer le mouvement et les fonds marins. Une exploration du thème de la mer, l’une des premières sources d’inspiration au cinéma, dans les films, depuis le cinéma muet à de grands succès récents, dans une mise en page mettant en avant plus de 275 illustrations : affiches, costumes, objets techniques, éléments de dioramas, etc. qui permettront d’approfondir ce lien entre mer et cinéma.
Deux livrets de visite sont à disposition gratuitement soit pour les adultes, soit pour les familles, avec enfants à partir de 7 ans
Sont prévues aussi des Visites guidées et des Visites-ateliers, des Cycles de conférences et de projections à l’auditorium. Également ce qu’on appelle une Contre-soirée le Jeudi 7 mars 2024 en nocturne pour les 18-30 ans, en leur proposant une programmation inédite.
Sont disponibles gratuitement sur demande : livret-jeu, sac du marin, livrets de visite d’exposition, sièges, cannes d’appoint, fauteuils roulants, poussettes, porte- bébé, casques anti-bruit, lunettes de soleil, BIM
Commissariat : Vincent Bouat-Ferlier, conservateur général du patrimoine, directeur de la Fondation de Chambrun, Laurent Mannoni, directeur scientifique du patrimoine, Cinémathèque française, assistés de Clémence Laurent, chargée de recherche, musée national de la Marine et Laure Parchomenko, chargée de collection, Cinémathèque française
Musée national de la Marine de Paris
Palais de Chaillot - 17 place du Trocadéro - 75016 Paris - 01 53 65 69 69 www.musee-marine.fr
Du 13 décembre 2023 au 5 mai 2024
Tous les jours de 11h à 19h, sauf le mardi
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h
Fermé le 1er janvier, 1er mai, 14 juillet et 25 décembre
Fermeture anticipée à 17h les 24 et 31 décembre
Billetterie en ligne : https://billetterie. musee-marine.f
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