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mercredi 20 décembre 2023

La mode en mouvement au Palais Galliera, Accrochage #1

On sait bien que la mode n’est pas figée. Le Palais Galliera s’est saisi de ce principe pour nous présenter une nouvelle exposition fort intéressante qui nous prépare à accueillir les Jeux Olympiques et Paralympiques en étant plus au fait de ce que les sports ont modifié dans notre rapport aux vêtements

Peu de tenues strictement dédiées à l’usage d’une activité physique y sont présentées, et seulement lorsqu’elles en ont marqué la pratique. L’accent est davantage mis sur tout ce qui a changé dans notre manière de nous habiller, que l’on en soit ou non conscient, et cela de la tête aux pieds puisque les chaussures sont sans doute les pièces qui ont le plus été touchées en devenant des objets iconiques.

Les influences seront réciproques comme en témoigne cette exposition au titre judicieux : La mode en mouvement. Et comme il y a beaucoup à montrer le Palais a choisi de faire trois accrochages. On va donc souvent se rendre avenue Pierre 1er de Serbie, et bien au-delà de cette année olympique, le 7 septembre 2025.

Voici le premier de la série avec l'accrochage #1 qui sera visitable jusqu'au 15 mars prochain. Car pour des raisons de conservation préventive, cette exposition fait l’objet de trois accrochages successifs, nécessitant pour chacun une période de fermeture de cinq semaines. Ainsi, les oeuvres seront en grande partie renouvelées, offrant aux visiteurs l’opportunité de revenir.

La Mode en mouvement est la deuxième exposition issue des collections au sein des galeries Gabrielle Chanel du rez-de-jardin, enrichi de prêts exceptionnels du Musée national du Sport (Nice), de la Bibliothèque Forney (Paris), du Patrimoine Chanel, de la collection Émile Hermès, des maisons Sonia Rykiel et Yohji Yamamoto.

Riche d’environ 200 oeuvres, ce parcours chronologique retrace une histoire de la mode du XVIII° siècle à nos jours, et développe en parallèle une thématique transversale dédiée au corps en mouvement pour interroger la place du vêtement dans la pratique d’activités physiques et sportives, son rapport au corps et au mouvement, de même que les conséquences sociales de son évolution. Le vêtement conçu à travers les époques pour l’activité physique et sportive est mis en regard du vêtement du quotidien. Néanmoins l'organisation chrono-thématique n'est pas stricte et je reviendrai souvent sur mes pas pour mettre mentalement une oeuvre à coté d'une autre pour mieux confronter garde-robe de ville et vestiaire sportif, pour mieux en saisir les transformations. 

Le développement de l’activité physique et la naissance du sport moderne trouvent leur origine au XVIII° siècle en Angleterre, au sein d’une classe aristocratique amatrice de loisirs de plein air. Influencée par le rayonnement britannique, la société française adopte cette pratique sportive, d’abord à travers les élites, avant de gagner peu à peu les classes plus populaires. Les théories hygiénistes qui sous-tendent la politique sociale française au XIX° siècle encouragent cette activité dans un objectif de santé publique. Dès lors, le rapport au corps, tant masculin que féminin, change. La notion de mouvement, inhérente à toute pratique sportive, induit alors une nécessaire évolution et adaptation du vêtement et de l’accessoire qui n’a jamais cessé depuis.

La première vitrine met en opposition deux tenues de bain tant on peut croire que c'est dans ce domaine que le vêtement a le plus vite évolué.
Quelle différence, bien que la rayure s'impose dans les deux, entre le premier Costume de bain de sergé de laine, tresse de laine, toile de coton gratté, broderie de coton, boutons en ivoire (vers 1907) et le Maillot de bain et ceinture Triumph en maille de nylon façonnée, ceinture en toile enduite et laiton (vers 1965) !
On verra plus loin un Costume de bain de la Belle Jardinière en toile de lin, ruban de sergé de laine, boutons de nacre plus ancien (vers 1875) et plus encombrant.
Ce maillot de bain en jersey de laine (vers 1925) répond très bien au besoin de confort réclamé par la pratique croissante de la natation dans les années 20. On ne barbote plus. On nage et même on plonge. Et puis on s'expose au soleil, cherchant à colorer joliment sa peau. Le vêtement doit donc s'échancrer. Il s'adopte en tons vifs, souvent avec les mêmes rayures que celles des sweaters portés à la cille et s'agrémente souvent d'une ceinture en trompe-l'oeil, comme on continuera longtemps à le faire.
Dans les années 1930, la nouveauté dans le domaine balnéaire est le paréo tahitien lancé avec succès par Jacques Hein en 1934. Au printemps 46 le couturier créé un deux pièces qu'il nomme "Atome" et dont le slogan affirme qu'il est le plus petit au monde. Le 5 juillet, son rival Louis Réard présentera à la piscine Molitor le "Bikini" qui porte le nom de l'atoll du Pacifique sud où les Américains venaient de faire exploser une bombe atomique. Le modèle blanc photographié est un Atome en coton cloqué, passementerie de coton (vers 1948).

On pourrait de la même manière observer une évolution avec les chaussures. Au XVI° siècle le port de talons hauts apparaît en Occident et change la démarche des femmes. Ci-dessous paire de chaussures de football et rugby (en cuir cousu, tissus, métal, avec sicrampons en cuir, vers 1910) et ces chaussures de ski pour femme (1935) de Camillo Di Mauro en cuir bovin, pleine fleur, métal cuivreux.
Encouragés dans les établissements d'élite britanniques au milieu du XIX° siècle, le football et le rugby se sont rapidement diffusés à travers le monde. L'équipement sportif nécessaire pour la pratique de ces sports participe de la distinction des gentlemen players. Des réclames en font la promotion dans la presse sportive dès 1890. A cette époque, les Anglais Tunmer s'implantent en France, devenant la plus puissante maison d'importation de chaussures, ballons et maillots, avant d'en lancer la fabrication sur place.

Les souliers ont été, au XIXe siècle, les premiers éléments de la tenue à s’adapter techniquement à une pratique plus poussée du sport, répondant ainsi à des problématiques telles que le poids de la chaussure ou l’accroche sur des terrains boueux et glissants. L’une des plus grandes innovations est l’utilisation du caoutchouc pour la fabrication des semelles, rendue possible grâce au procédé de vulcanisation inventé par Charles Goodyear en 1839 aux États-Unis, et déposé en Angleterre par Thomas Hancock en 1844. Souples et légères, ces semelles sont appréciées notamment pour la pratique du lawn-tennis. Les grands magasins offrent une grande diversité de modèles dédiés à l’activité sportive de loisir, souliers ou bottines, pour le tennis, le cyclisme ou encore la chasse.

En 1917, l’entreprise américaine Converse lance sa première chaussure adaptée pour la pratique du basket-ball. En 1923, elle lui associe le nom du célèbre joueur Chuck Taylor pour créer la Converse Chuck Taylor All Star. La basket, chaussure à tige haute pour maintenir la cheville, est née.
D’autres modèles iconiques de baskets ou sneakers – chaussures basses conçues pour le sport, mais également détournées pour la ville – voient le jour par la suite.

Dorénavant, la basket est un objet de collection et de convoitise, dont la valeur et le cours sont référencés par certains sites spécialisés. Bien loin d’une simple chaussure utile à la pratique sportive, elle est devenue un phénomène de mode incontournable qui touche la société dans son ensemble. 
On remarque en haut à gauche une paire de Basket Archlight de Louis Vuitton (17) du printemps-été 2018 en toile de nylon, cuir, satin de coton, enduction polyester et élastomère. A côté, la Basket rose Chuck Taylor All-Star 70 de 2018 de la marque Converse x JW Anderson rose (21) en feutre, élastomère et métal peint.
En dessous, la Basket automne-hiver 2016-2017 de Comme des Garçons (18) en fausse fourrure, fibre polyester et acrylique, et élastomère. A cote, la même marque présente le Sneaker-Richelieu (22), vers 2010 en cuir de veau et élastomère.
Encore en dessous, Comme des Garçons et Nike se sont associés pour la Basket Flynit Racer de l'automne-hiver 2017-1018 en polyester et élastomère (19) et Balenciaga signe la Basket Triple S en 2017, en maille de fibre polyester, cuir et élastomère (23).
Complètement en dessous, Adidas et Pharrell Williams présentent le sneaker NMD Hu Trail de 2018 eb maille polyester stretch, broderie au passé, impression 3D et élastomère (20) et Balenciaga la Basket colorée du printemps-été 2004 en sergé de coton, cuir velours, caoutchouc et plastique.
Jsta au-dessus l'Adidas basket Stan Smith  de 2018 en cuir de vache vieilli pleine fleur et perforations.

On peut aussi suivre parfaitement l'évolution de la silhouette féminine. Dans la première partie du XVIII°siècle, les corps baleinés étroits et les jupons élargis par des cercles d’osier portés sous les robes donnent aux femmes des airs de guêpes. Les toiles de Joly sont à la mode. Les habits masculins sont, eux, larges et couvrants.
À partir des années 1780, les robes droites et lâches s’imposent progressivement. La silhouette féminine retrouve une allure déliée, perdue depuis le XVI° siècle. Paradoxalement, les vêtements masculins à la mode sont plus étroits, contraignant davantage les anatomies.

Depuis la fin du XVII° siècle, le col rabattu qui protège le cou du froid, désigne un habit porté pour les voyages ou les campagnes militaires. En 1767, il est officiellement adopté pour le frock, un habit affecté à l'équipement de certains officiers de l'armée navale anglaise, dont les poignets sont serrés pour limiter la pénétration de l'eau. Dans les années 1780 ce vêtement est redécouvert en France à la faveur du goût pour tout ce qui est anglais. Francisé, le frac, coupé dans des étoffes de soie, est alors associé aux loisirs urbains, ce que nous restituent les gravures de mode qui l'associent souvent à une canne pour la marche, comme cette canne en jonc de Malacca et argent ciselé, cuivre doré et fer (1758) devant le Frac (vers 1780-1785) en pékin de soie, passepoil de soie, boutons de bois recouverts, doublure en taffetas de soie.

Le développement des espaces publics urbains est remarquable. On s’y déplace en carrosse ou "en faisant l'usage de ses pieds". D’abord loisir social dont l’enjeu est à la fois de se montrer et d’être vu la promenade est progressivement perçue comme un exercice physique favorable à l’hygiène corporelle. Cette idée d’un corps dynamique s’affirme également à la faveur de l’influence de la société anglaise, accrue dans le dernier quart du siècle, où de nouveaux jeux de compétition physique se développent : courses de chevaux, chasse au renard, boxe et lutte. Outre-Manche, ces passe-temps sont regroupés sous le nom de sports, dérivé du français médiéval "desport" (amusement). 

La femme est encore contrainte au XIX° comme on le voit avec cette Robe de toile de coton imprimée, boutons de nacre (vers 1830) par une taille de guêpe particulièrement fine alors que les manches dites "gigot" sont gonflées à l'épaule et resserrées aux poignets, et la jupe en cloche. Les modes romantiques dessinent les femmes en papillons ou en sylphides, toutes de légèreté et de grâce. Sur le corset, qui s'impose à nouveau, les tissus souples et fleuris se déploient avec fluidité.

Au XIX° siècle la silhouette féminine semble faire le yoyo, subissant des effets de volume puis un affinement de la taille régulièrement accru, au moyen du corset. Mais le grand changement est qu’on commence à adapter sa tenue à l’activité du moment, quitte à changer de vêtement plusieurs fois au cours de la journée, surtout si on pratique l’équitation, les bains de mer et bientôt le cyclisme. Le vestiaire se spécialise et commence à libérer les corps.

On le constate sur ce costume-tailleur de sergé de laine et velours de soie, soutaches de soie (vers 1900). Inventé par John Redfern dans les années 1880, le costume-tailleur connait une immense vogue à la Belle Epoque. Coupé dans un drap de laine il comporte une veste ou jaquette et une jupe assortie. Son côté pratique et confortable et sa simplicité répondent aux exigences de la vie moderne et du voyage. On peut avec lui trotter aisément dans les rues de Paris. Une influence militaire est perceptible dans ce modèle à travers la disposition des galons.
Des années 1830 jusqu’aux années 1910, la pratique féminine d’une activité physique puis sportive va progressivement se développer. Parallèlement à l’éducation physique les femmes de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie pratiquent l’équitation (et l'exposition présente de très belles tenues d'amazones), la chasse à courre ou la chasse à tir, le lawn-tennis, le golf, l’escrime, le croquet ou encore la conduite automobile. Ces activités de loisir sont avant tout des occasions de développer la sociabilité et l’entre-soi. Il faut attendre la fin du XIX° siècle pour assister à la démocratisation de cette pratique à travers des sports plus populaires, tels que la natation ou la bicyclette.

Le vêtement va lui aussi suivre cette évolution. S’il s’agit dans un premier temps d’adaptations simples du vêtement quotidien, viennent ensuite l’apparition de formes nouvelles et l’adoption par les femmes de pièces issues du vestiaire masculin. La spécialisation du vêtement, des textiles et de l’accessoire, notamment de la chaussure, amorcée dès la fin du XIX° siècle, participe de la recherche de performance d’abord pour les hommes, puis pour les femmes. Elle coïncide avec le développement de la compétition.

La pratique de la bicyclette se développe dans les années 1870, d’abord pour les hommes. Les femmes décident d’adopter la culotte des hommes mais elles se heurtent aux préjugés concernant la séparation des genres et les caricatures sont cinglantes.

La culotte bouffante, associée dans les esprits à cette pratique sportive, est connue sous le nom de "bloomer" comme on le voit sur cette tenue de cycliste (vers 1900) composée d'un spencer de toile de laine chinée, sergé de laine et soie, boutons en bois recouvert de passementerie, sur une culotte de toile de coton natté, boutons en nacre. Elle évoque ainsi la féministe américaine Amelia Jenks Bloomer (1818-1894), qui revendiqua en 1851 le port du pantalon accompagné d’une longue tunique. Pourtant l’appellation est en fait erronée, puisque cette dernière ne porta jamais une telle culotte, mais un pantalon.

L’automobile apparaît au XX° siècle et bien que la vitesse soit alors restreinte à 10 km/h, les véhicules dépourvus de toit imposent de porter des tenues adaptées, pour se protéger du froid, du vent et de la poussière. On portera en hiver d’épais manteaux et gants en fourrure. Le cache-poussière en toile de lin ou de coton suffira lorsque la météo sera plus clémente. Les chapeaux sont complétés par un voile, les casquettes se sophistiquent avec des lunettes aux allures de masque.

L’Exposition universelle de 1900 affirme la suprématie de Paris dans le domaine de la mode. Les années 1910 marquent une période de transition. Ardent défenseur de la libération du corps, Paul Poiret s’impose par la simplicité de ses créations aux coloris vifs et adopte la forme fourreau dès 1908. Denise, son épouse et mannequin fétiche, assure la promotion de la robe droite à taille haute. Une large ceinture en gros-grain baleiné y remplace le corset. À la même époque, la coupe des manteaux en entonnoir (ci-dessous à gauche - vers 1912-14 en taffetas de soie imprimé selon la technique du batik, doublure en satin de soie) restreint cependant le mouvement de la marche.
A droite robe d'après-midi du même créateur, en satin de soie avec applications de satin et de taffetas de soie, passementerie de fils métalliques.

La Première Guerre mondiale sera porteuse de profonds changements. Occupant les tâches des hommes partis au front, les femmes s’émancipent peu à peu. La mode s’adapte à ces bouleversements. Les tenues raccourcissent et se simplifient, ouvrant ainsi la voie aux années 1920 dont voici deux exemples :
Ce sont deux créations de Germaine Lecomte (toutes deux vers 1925) avec à gauche un manteau du soir en velours de soie, broderie de fil métallique et à droite une robe du soir en taffetas de soie crêpé, broderies au crochet de perles et de demi-tubes.

La femme à la mode, à la silhouette jeune et androgyne, porte des tenues sobres le jour, luxuriantes le soir. La vie nocturne est intense. De nouveaux rythmes – charleston, fox-trot et black-bottom – connaissent un succès foudroyant. Le corps en mouvement se dévoile, et les robes raccourcissent. Panneaux flottants, quilles, volants et franges de perles agrémentent la robe à danser et mettent en valeur le mouvement.

Tiares et coiffures du soir, perruques colorées, longs sautoirs, éventails, réticules et pochettes, bas brodés de paillettes, salomés aux talons de strass rehaussent les tenues de leur éclat.

Initiée par Chanel dès 1916, l’utilisation du jersey – auparavant réservé à la bonneterie – suscite un engouement général. Composé d’une jupe et d’un confortable et souple sweater en maille, l’ensemble sport, entendu au sens étroit et au sens plus large de sportswear convenant à la villégiature, stimule la créativité de toutes les maisons de couture. En 1925, Jean Patou ouvre avec succès «Le Coin des Sports». Les championnes de tennis Suzanne Lenglen et Helen Wills en font la publicité. Lanvin Sport, Schiaparelli, Lucien Lelong, Jane Regny, parmi tant d’autres, témoignent de ce succès.

Les années 1930 marquent le retour à la féminité, au classicisme et à la sophistication. C’est la grande époque du blanc. Généralisé à partir de 1930, le rallongement transforme la silhouette, la robe de soirée atteignant la cheville.

Les robes retrouvent leur volume, magnifiées par la coupe en biais qui accompagne le modelé du corps et permet de tirer parti de l’élasticité du tissu. Madeleine Vionnet est sans conteste la figure de proue de cette technique. Le savoir-faire est inégalé et génère savantes oppositions de matières et jeux de lumière que favorise l’utilisation du satin. Apprécié pour son confort, le pyjama du soir s’érige au rang de tenue de réception décontractée.
 
Les années 1920-1930 marquent un tournant dans la pratique du sport. La démocratisation de celle-ci, déjà amorcée pour les hommes dès la fin du XIX° siècle, se confirme pour les femmes dont le vêtement, de manière générale, raccourcit. Les joueuses adoptent, sur les terrains et les pistes d’athlétisme, le maillot et le short. Sur les courts de tennis, une véritable révolution se produit avec l’arrivée en 1919 d’une joueuse de légende, Suzanne Lenglen, vainqueure à 20 ans, du tournoi de Wimbledon. Elle s’affranchit de la traditionnelle jupe longue et opte pour une robe plus courte dévoilant ses jambes et permettant plus de liberté de mouvement.

La Guerre va contraindre les couturiers, comme aux femmes dans leur quotidien : s’adapter aux nouvelles conditions de vie et de travail, faire face aux difficultés d’approvisionnement en raison des contingentements en matières premières, laine et cuir en particulier. Ajoutons l’influence militaire sur la mode, la silhouette se caractérise par des épaules carrées, une taille marquée et un raccourcissement jusqu’au genou. Face à l’absence de laine et de soie, les couturiers se retournent vers les fibres artificielles issues de la cellulose, telles la rayonne et la fibranne, ce qui n'empêche pas la créativité comme avec cette superbe robe de taffetas de rayonne cependant et imprimé (vers 1943-44).

À la Libération, la haute couture tente de prouver qu’elle n’a rien perdu de sa créativité. Malgré une volonté de renouvellement, la silhouette si caractéristique des années de guerre demeure, et il faudra attendre février 1947 et la collection "New Look" de Christian Dior, pour renouer avec une féminité idéalisée qui rompt avec les privations imposées par la guerre.

Les épaules s’arrondissent, les hanches s’épanouissent tandis que la taille marquée est à nouveau corsetée par des guêpières qui rappellent les silhouettes du XIX° siècle. Cette décennie amorce un nouvel âge d’or de la haute couture. Celle-ci accompagne le retour à la vie mondaine et signale Paris en tant que capitale de la mode. Les longues robes du soir, fastueuses, triomphent aux côtés des robes de cocktail, plus courtes. En parallèle, le prêt-à-porter émerge à travers les boutiques au rez-de-chaussée des maisons de couture. Les vêtements proposés, déjà montés, sont souvent inspirés du sportswear américain, à travers, notamment, la mode du blouson et des vêtements confortables en maille. Un temps déconsidéré, le prêt-à- porter va progressivement s’imposer au cours de la décennie. Gagnant en qualité, il réussit à influencer les créations haute couture.

En réaction à la décennie précédente, la mode des années 1960 est éprise de liberté. Moins cintré, le vêtement s’éloigne du corps tout en le révélant, par le biais de découpes échancrées et de jeux de transparence. Fascinés par les progrès scientifiques, certains couturiers de la nouvelle génération s’orientent vers un futur utopique. Leurs créations jouent avec le blanc pur ou les couleurs saturées. À la faveur de l’engouement pour la conquête spatiale et du renouvellement de la littérature de science-fiction, certaines typologies de vêtements sont remises à l’honneur, à l’instar de la combinaison qui accompagne, tels le short et le pantalon, la révolution sexuelle et le désir d’émancipation du corps féminin.
Minijupe-tablier de Pierre Cardin (1967) à la découpe audacieuse sur un sous-pull de Courrèges (1970)

La minijupe, popularisée par la créatrice britannique Mary Quant, participe également à cet élan de liberté, en facilitant la marche tout en révélant les jambes. Évasée et raccourcie, aussi bien portée à la ville que sur les courts de tennis, elle devient un véritable phénomène de mode et de société.
A gauche, Grès, combinaison automne-hiver 1971 en cuir nubuck, tannage au chrome, toile de coton, métal cuivreux. A droite, Courrèges, combinaison en jersey de laine, taffetas de rayonne, toile de coton, métal, automne hiver 67-68.

La mode des années 1990 poursuit la déconstruction du vêtement classique amorcée la décennie précédente. Elle privilégie les matières techniques, le minimalisme des formes et la fluidité, permettant un confort maximum et garantissant un mouvement sans entraves. Ce principe trouve son expression dans l’usage du t-shirt décliné en simple maillot de coton blanc ou en tenues synthétiques colorées et déstructurées.

L’attrait pour le sportswear se fait plus que jamais sentir. Les échanges entre les créateurs de mode et les équipementiers sont plus que jamais renforcés, tant sur le plan créatif qu’économique. La première réunit, en 1995, Puma et la marque Xuly.Bët, connue pour sa démarche précoce et éthique de recyclage de matériaux de la fast fashion.
A droite, Claude Montana, ensemble robe-manteau et maillot de bain, printemps-été 1984 en agneau plongé, satin d'acétate, simili cuir , maille élasthanne, métal
Ce Jogging du soir et ceinture en dentelle mécanique, taffetas crêpé, fibres artificielles, strass, ceinture en velours et strass (1982) est une création de Sonia Rykiel. Elle fut pionnière dans la révolution du prêt-à-porter en abolissant l'ourlet, montrant les coutures, jouant sur les rayures, imposant le noir comme teinte de l'élégance. Avec ce jogging elle revisite le survêtement de sport apparu dans les années 1920.
Sarah Andelman a fondé en 1997 - avec sa mère Colette Roussaux- le concept-store parisien Colette, point de rencontre d ela mode, du design, de la musique et de l'édition. Son look est ici composé d'un sweat-shirt de Christopher Kane (2018-19) sur une jupe Phi (2006) de gabardine de laine et tulle de nylon. Le sac-cabas est signé Comme des Garçons (2017-18) et les baskets sont des Nike Air Vapor Max (2019).
Une vitrine nous rappelle combien François Hugo (1899-1981) arrière-petit-fils de Victor Hugo, réalisa des bijoux, notamment pour Chanel, mais aussi à partir de 1940 de magnifiques boutons en céramique, métal, verre, cuir, bois, émail, nacre … par exemple pour …
… cette veste de chasse de Schiaparelli (1950) en cuir pleine peau, tricot de laine dans le dos, pour laquelle il a conçu des boutons ouvragés à tête de sanglier en cuir et métal. L'empiècement de tricoter dans le dos donne une grande aisance.

En conclusion, si le choix des pièces et surtout leur positionnement sur le parcours est parfois étrange il y a beaucoup d’idées à glaner pour qui est passionnée de mode. Et beaucoup d’activités sont proposées.

La Mode en mouvement 
Palais Galliera - 10 avenue Pierre 1er de Serbie - 75116 Paris - 01 56 52 86 00
Le musée est ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 18h.
Le musée est fermé les lundis, et le 25 décembre 2023 et le 1er janvier 2024. 
Du 16 juin 2023 au 7 septembre 2025
Accrochage #1 du 16 juin 2023 au 15 mars 2024
Accrochage #2 du 20 avril 2024 au 5 janvier 2025
Accrochage #3 du 8 février au 7 septembre 2025
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Prolongeant son exposition des collections dans la galerie courbe du rez-de-jardin, le Palais Galliera présente, du 16 juin 2023 au 15 mars 2024, Les Couleurs de la mode, une exposition-dossier dédiée au fonds d’autochromes - premier procédé photographique couleur - conservé au Musée des Arts et Métiers (CNAM, Paris).

De 1921 à 1923, le luxe s’expose à Paris sous une forme inédite lors du Salon du goût français : des autochromes rétroéclairées, tels les "vitraux d’une cathédrale", font la promotion des industries d’art, de la mode à l’automobile, de l’orfèvrerie aux arts décoratifs.

Présentée sous forme de fac-similés, une centaine d’images fait découvrir la palette subtile de l’autochrome, en regard des costumes, accessoires et documents du musée et de quelques œuvres invitées. 
Quelle modernité dans cette blouse de 1921-23 (cliché anonyme)
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Une seconde exposition temporaire se déroule au Palais depuis le 27 septembre 2023, jusqu’au 21 janvier 2024, présentant la collection patrimoniale d’Azzedine Alaïa (1935-2017) et qui fait l’objet d’un article spécifique.

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