J’avais beaucoup aimé son premier livre, Trancher, moins le second Un loup quelque part, même si je l’avais qualifié d'essentiel.
Le titre aurait d’ailleurs fort bien convenu au quatrième, En garde, que je viens de refermer et qui est tout autant un cri qu’il fallait hurler.
La narratrice de ce roman a promis à ses enfants et à son mari de raconter ce qui a déchiré leur vie de longs mois durant. Trois ans après les faits, Amélie Cordonnier tient parole et remonte le temps jusqu’à ce jour où tout a commencé. Il y a d’abord eu un courrier, pris pour une mauvaise plaisanterie.Alertée par un appel pour maltraitance, la protection de l’enfance la convoquait en famille à un rendez-vous visant à s’assurer que son fils et sa fille étaient bien en sécurité dans leur foyer. Un simple coup de fil, de surcroît anonyme, pouvait donc provoquer l’envoi d’une lettre officielle vous mettant en demeure de démontrer que vous êtes de bons parents ? Oui. La machine était lancée, et rien ne semblait devoir l’arrêter. Car comment prouver qu’on aime ses enfants ?
Cette question est au coeur du livre. Elle obsède beaucoup de parents et je me souviens moi-même avoir été cueillie par une réflexion de ma fille, adulte, me disant que jusqu’à huit ans je croyais que j’avais les meilleurs parents du monde.
S'il est donc vrai qu'on ne pourra jamais prouver à ses enfants qu’on est une bonne mère, c'est a fortiori impossible devant la société.
C'est fou cette obsession du sens et cette inclinaison pour le fait divers que l'on constate très présent dans la littérature en ce moment. mais si Philippe Besson s'inspire de faits arrivés à autrui, Amélie Cordonnier puise son inspiration dans son propre vécu.
Ça aurait pu relever de la biographie. Ça commence par cette voie mais le récit dérape. L'auteur s'en justifie par une pirouette : Que la vraie vie contamine la fiction on le sait mais si l’inverse était possible (p. 60) ?
Elle interroge notre société sur le vrai et le vraisemblable. La folie contamine tellement certains travers favorisé par les réseaux sociaux que j'ai mis du temps à réaliser que j'avais entre les mains une dystopie. J'y ai cru jusqu’à ce que ce soit vraiment, mais alors vraiment "too much" et on ne peut que souhaiter que ça reste une fiction, même si l'auteure s'est inspirée (aussi) de comportements administratifs intrusifs pratiqués en Chine.
A la lire on se demande évidemment quelles sont les limites de ce qui peut rester intime, parfois avec humour, en glissant quelques instants de tendresse comme le rocher de chocolat caché dans la boîte, et à d'autres moments en déclenchant une intense paranoïa.
Je referme le livre au moment où les médias se font l'écho du meurtre d'un homme sur sa compagne et ses cinq enfants en me demandant pourquoi les services sociaux n'ont rien vu (ou rien fait d'efficace). Il est donc bien nécessaire qu'à la fin du roman l'auteure ne remette pas en cause l’intérêt du 119, mais ce n'est pas pour autant que la question de la surveillance abusive ne se pose pas.
En garde d’Amélie Cordonnier, Flammarion, août 2023
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