C’est le type de film qu’on hésite à aller voir après avoir visionné la bande-annonce. On le pressent trop violent, à la limite de l’insoutenable. Quelle erreur ! Il y a certes dans Une mère, des scènes dures mais en respectant une certaine forme de pudeur.
Le sujet n’est pas très original. L’histoire se passe dans le Lyonnais, entre un quartier de la périphérie du centre ville, construit dans les années 70 et qui n’a pas une forte spécificité et une maison isolée dans la campagne. On sait dès la première scène qu’Aline estime la peine de prison de 9 ans dérisoire comme sanction à la mort de son fils mort à 17 ans dans une bagarre. Alors quand elle se retrouve cinq ans plus tard nez à nez avec l’assassin de son fils, tout juste sorti de prison, elle craque et perd le sens du raisonnable.
C’est que le couple d’Aline n’a pas survécu à la mort du fils. Cette femme a perdu Farid son mari (Samir Guesmi) qui a refait sa vie et est même un jeune papa. Ne lui reste que son travail de postière où elle semble appréciée, et puis le modélisme dont on devine que c’était la passion de son fils et donc le moyen d’être encore proche de lui.
Les couleurs et les lumières sont froides, essentiellement dans des tons bleus et sombres où seule la mort-aux-rats apporte une touche de rouge. On reconnaîtra à cette mère une certaine forme de courage à continuer de vivre, et plus tard une sorte de cran à faire face alors que son ex-mari cherche à la dissuader de ressasser le passé. Quant au garçon, il avouera « je sais rien faire d’autre que taper ».
Les questions de justice, de peine et de vengeance ont été traitée au cinéma à de multiples reprises et de diverses manières. Sans aller jusqu’au pardon et a fortiori l’oubli, Une mère les aborde différemment par le prisme de réparation. Comment accepter si on ne comprend pas ?
Prix Adami des jeunes Talents, Sylvie Audcoeur est régulièrement sur scène et à l’image. Après une formation à la Fémis, elle écrit pour le théâtre, la télévision et le cinéma. Une mère est son premier long métrage. Elle a choisi de passer à la réalisation pour aborder deux thèmes qui lui tiennent à coeur, celui du pardon et celui du rôle de mère, qui était déjà le sujet de son court métrage. Elle est par ailleurs passionnée par les procès, va beaucoup au Palais de Justice et est extrêmement intéressée par ce qui se passe psychologiquement dans la tête des prévenus.
L’envie de faire justice soi-même traverserait forcément toute mère endeuillée par la perte d’un enfant (je l’ai vécu dans ma propre famille). Mais le passage à l’acte est une autre dimension... Aline choisit un moyen sans doute lâche puisque c’est celui qu’on emploie pour se débarrasser de la vermine. On pourra y voir un sens caché. De plus ce n’est pas rapide, donc la préméditation sera requise contre elle. Son geste est en quelque sorte plus grave que s’il avait été consécutif à une crise de colère.
On appréciera aussi la métaphore de la casse et de la réparation au travers du métier de Maxime. Il est plombier et embauché pour remettre en état une salle de bains endommagée par Aline, dans une maison inoccupée, alors qu’il est lui-même en probation.
Le titre est juste car la maternité est aussi un sujet primordial dans ce long métrage. On y rencontre plusieurs profils très différents, la femme enceinte qui cherche un foyer pour sa future famille, celle qui offre à l’ex-mari la possibilité de poursuivre sa vie, celle qui a renié son fils (bien avant qu’il ne commette un meurtre). Sans s’appesantir sur les motifs de maternité le film s’attarde sur les ruptures. En particulier sur ce qui fait qu’on arrête ou qu’on reste mère au-delà de la perte d’un enfant, pour quelque motif que ce soit.
Il repose sur un scénario construit jusqu’au bout comme un thriller et un duo d'acteurs très fort parce que dissonant. Karin Viard incarne à la perfection cette femme, qui vivait tranquillement jusqu’à ce que le destin ne la pulvérise. Sa façon d’agir est moralement discutable mais ce n’était pas pour faire reculer à l’actrice qui a déjà interprétée des rôles complexes comme la maman toxique de la gamine des Chatouilles, ou la nounou de Chanson douce. Elle a l’art de jouer des émotions complexes. Face à elle, Darren Muselet est si vrai qu’il en est effrayant même s’il dégage une forme de désarroi.
Vous aurez compris que j’ai beaucoup aimé ce film qui ne nous fait pas la leçon et qui aborde avec subtilité la justice restauratrice, une voie encore peu pratiquée en France, alors que nos oreilles sont assourdies des retentissements de procès qui n’en finissent pas.
Avec Karin Viard, Darren Muselet, et la participation de Samir Guesmi
En salles depuis le 23 mars 2022
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire