J’ai découvert Décomposée parce qu’il figure dans la dernière sélection des 68 premières fois. Ce n’est pourtant pas un premier roman puisque Clémentine Beauvais en a déjà publié 4 et je ne dirais même pas que c’est un roman, mais un texte poétique.
Bien que je ne comprenne pas pourquoi cet ouvrage a été choisi, cette lecture aurait pu être un plaisir. Comme j’aurais été heureuse de partager un enthousiasme qui, hélas n’est pas au rendez-vous et qui m’amène à remettre en question mes critères quand je lis des chroniques dithyrambiques. J’en suis heureuse pour l’auteure qui a accompli une prouesse en écrivant ce livre mais il n’empêche que je n’ai pas savouré ses vers sur la déchéance féminine.
Néanmoins sa présentation sophistiquée mérite l’attention par sa forme hybride, composé de dix-sept fragments ou micro-récits.
L'ouvrage non paginé rend difficile la publication d'un extrait. Dès l'ouverture on découvre une belle promesse, calligraphiée en écriture manuscrite, sous l’apparence d’une dédicace : J’aime aller chercher les petites voix coincées dans les interstices d’autres textes, les envers secrets des grands classiques.
On la retrouve à la fin, juste avant de le refermer définitivement, donnant la philosophie de la collection :Cris de colère, récits ou poésies
Crue et sans tabou.
Je connaissais Les fleurs du mal, comme tout un chacun. Sans doute insuffisamment car je ne me souvenais pas d’Une charogne qui figure (sans doute pour les lecteurs aussi incultes que moi) au tout début de l’ouvrage. C'est un court poème de 8 lignes, qui donne naissance à un ouvrage assez conséquent.
Je ne me serais pas extasiée sur ce poème qui élève la laideur au rang d’art en décrivant un corps putréfié, gisant au détour d’un chemin. Je n’ai pas d'inclinaison pour le morbide. Un ami a voulu récemment photographier un dauphin déchiqueté par des becs d’oiseaux sur une plage oléronaise. Je n’y voyais aucun intérêt artistique et n’éprouvais que dégoût.
Revenons à l’oeuvre de Clémentine Beauvais. Le titre est admirablement choisi, porteur d’un double sens adéquat. La construction est d'une grande intelligence et d'une forte cohérence. La revisite n'est pas l'apanage du domaine culinaire. Elle est ici portée avec talent, c'est incontestable. Elle prend le contre-pied en redonnant vie à ce corps, en invoquant Jeanne Duval qui fut la muse du poète. Il n'empêche que je n'ai pas pu avoir d'empathie pour cette femme qui nous est racontée successivement sous les traits d'une avorteuse, d'une prostituée et d'une chirurgienne avant de l'imaginer tueuse en série.
Du premier vers du poème elle reprend à propos le terme de faiseuse d’anges, épouvantable pour moi. Avant de faire dialoguer régulièrement Charles Baudelaire et Jeanne (ce qui est certes intéressant). J’aimerais crier au génie mais je mentirais. Je n'ai aucune compétence pour en dire le moindre mal ni bien, juste celle de reconnaitre que je n’ai pas éprouvé de plaisir à cette lecture. Je me suis néanmoins forcée à aller jusqu’au bout malgré l’écœurement, comme on doit, enfant, finir son assiette.
La publication dans la nouvelle collection de l'Iconoclaste est totalement cohérente. L’Iconopop a été voulue sous la houlette de Cécile Coulon, romancière et poète (dont j'avais beaucoup aimé Une bête au paradis), pour porter haut la poésie, en la rendant la plus vibrante possible et bien entendu sans tabou.
Clémentine Beauvais est née en 1989. Elle est l’autrice de plusieurs romans dont Songe à la douceur, Âge tendre, Brexit romance et Les Petites Reines, couronnés de nombreux prix littéraires.
Décomposée de Clémentine Beauvais, dans la collection Iconopop de l'Iconoclaste, en librairie depuis le 8 avril 2021
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