J'ai rencontré Cécile Coulon il y a quelques mois, chez son nouvel éditeur, l'Iconoclaste, et j'ai été séduite par la manière dont elle présentait son sixième roman.
Nous étions cependant à la quasi-veille de la rentrée littéraire, au milieu d'une offre abandonnante et ce n'est pas elle que j'ai lue en premier.
Nous étions cependant à la quasi-veille de la rentrée littéraire, au milieu d'une offre abandonnante et ce n'est pas elle que j'ai lue en premier.
Jean-Baptiste Andrea, avec Cent millions et un jour, et Mathieu Palain avec Sale Gosse, l'ont si je puis dire, coiffée au poteau. Une bête au paradis s'est empoussiérée dans une pile de livres. L'ordre des lectures de chacun est mystérieux, tout comme ce qui fait qu'on poursuivra (ou non) un cheminement commencé à travers les pages.
Ce n'est que récemment, à mon retour du Mexique, après avoir été sevrée de livres (le format numérique n'offre pas le même plaisir) que je me suis immergée dans ce roman qui m'a quasiment dévorée.
J'ai été fascinée par la manière qu'a l'auteure de partager la manière dont la terre peut nous subjuguer et la passion quasi amoureuse que l'on peut ressentir pour un terroir. J'ai très vite été transportée dans la ferme où je passais une grande partie de mes vacances, à une époque où le seul signe de modernisme était l'électricité. L'écart de confort avec ce que je connaissais chez mes parents était colossal mais je n'en souffrais pas. Aucun besoin de télévision, de réfrigérateur ni même d'eau courante dont l'intérêt était éclipsé par les odeurs animales, l'humus des sous-bois, les parfums du foin qui sèche dans la grange ...
Chaque jour obéissait à un rituel immuable scandé par les travaux agricoles et pourtant chaque seconde était propice à un émerveillement. D'autant que je savais, malgré mon jeune âge, que la famille devrait se séparer de cette terre en raison des difficultés à l'entretenir. J'avais deviné l'ombre d'un secret familial constituant une menace mais cette situation rendait chaque séjour palpitant comme une aventure.
Autant vous dire que le cadre décrit par Cécile Coulon était pour moi totalement plausible. J'avais à chaque page le sentiment de revenir sur les pas de mon enfance, à ceci près que la ferme de mes grands-parents n'avait pas reçu le paradis comme nom de baptême. Je traversais la cour, m'arrêtais un instant sous le tilleul centenaire, m'approchais de la mare qui est restée dans mon souvenir aussi immense qu'un lac et je poursuivais jusqu'au poulailler, attenant au jardin. J'ai revécu des émotions enfouies et que je ne pensais jamais connaitre de nouveau, plus fortes et plus authentiques que si j'y remettais les pieds car tout a sans doute changé depuis.
Comme je comprends que cette ferme isolée, au bout d’un chemin sinueux soit essentielle pour Emilienne. Elle y élève, avec pour uniques ressources son courage et le produit de l'élevage de quelques animaux, ses deux petits-enfants, Blanche et Gabriel, dont les parents se sont tués dans un (stupide) accident de la route à quelques kilomètres de là. Les saisons se suivent, ils grandissent. Jusqu’à ce que l’adolescence arrive et, avec elle, le premier amour de Blanche, celui qui dévaste tout sur son passage. Il s’appelle Alexandre. Leur couple se forge. Mais la passion que Blanche voue au Paradis la domine tout entière, quand Alexandre, dévoré par son ambition, veut partir en ville, symbole d'une réussite dont il est avide.
Le lecteur est aussi proche de Blanche que d'Emilienne, différentes mais toutes deux attachées à leur terre. Il compatit pour Gabriel, enfant fragile dont on craint qu'il ne lui arrive malheur. Et pour Louis, enfant martyr recueilli par Emilienne comme elle aurait soigné un animal blessé par un prédateur.
Cécile Coulon nous prévient dès le début que tout finira mal mais j'ai voulu croire que la prophétie ne se réaliserait pas. C'est aussi en cela que son écriture est magique puisqu'elle parvient à nous tenir en haleine, au fil des pages d'un roman noir et pourtant lumineux comme un récit biblique et qui ne nous épargne aucune larme des pleurs et des torrents de honte (p. 297).
Certaines scènes sont difficiles à soutenir, comme celle (p. 63) que nous avait lue l'auteure, racontant pourquoi Emilienne tord le cou de la poule préférée de Blanche, justifié par une phrase qui fait figure de sentence : ne fais jamais de mal à un plus petit ou tu souffriras par un plus fort.
Les chapitres sont annoncés par un verbe à l'infinitif qui résonne un peu comme les étapes d'un chemin de croix. Le récit est violent comme une passion mais il est magnifique et l'attribution du Prix Littéraire du Monde est amplement justifié.
Cécile Coulon est née en 1990. En quelques années, elle a fait une ascension fulgurante et a publié six romans, dont Trois Saisons d’orage, récompensé par le prix des Libraires, et un recueil de poèmes, Les Ronces, prix Apollinaire. J'ai hâte de me plonger dans tous ces ouvrages.
Une bête au paradis de Cécile Coulon, l'Iconoclaste, en librairie depuis le 21 août 2019
J'ai été fascinée par la manière qu'a l'auteure de partager la manière dont la terre peut nous subjuguer et la passion quasi amoureuse que l'on peut ressentir pour un terroir. J'ai très vite été transportée dans la ferme où je passais une grande partie de mes vacances, à une époque où le seul signe de modernisme était l'électricité. L'écart de confort avec ce que je connaissais chez mes parents était colossal mais je n'en souffrais pas. Aucun besoin de télévision, de réfrigérateur ni même d'eau courante dont l'intérêt était éclipsé par les odeurs animales, l'humus des sous-bois, les parfums du foin qui sèche dans la grange ...
Chaque jour obéissait à un rituel immuable scandé par les travaux agricoles et pourtant chaque seconde était propice à un émerveillement. D'autant que je savais, malgré mon jeune âge, que la famille devrait se séparer de cette terre en raison des difficultés à l'entretenir. J'avais deviné l'ombre d'un secret familial constituant une menace mais cette situation rendait chaque séjour palpitant comme une aventure.
Autant vous dire que le cadre décrit par Cécile Coulon était pour moi totalement plausible. J'avais à chaque page le sentiment de revenir sur les pas de mon enfance, à ceci près que la ferme de mes grands-parents n'avait pas reçu le paradis comme nom de baptême. Je traversais la cour, m'arrêtais un instant sous le tilleul centenaire, m'approchais de la mare qui est restée dans mon souvenir aussi immense qu'un lac et je poursuivais jusqu'au poulailler, attenant au jardin. J'ai revécu des émotions enfouies et que je ne pensais jamais connaitre de nouveau, plus fortes et plus authentiques que si j'y remettais les pieds car tout a sans doute changé depuis.
Comme je comprends que cette ferme isolée, au bout d’un chemin sinueux soit essentielle pour Emilienne. Elle y élève, avec pour uniques ressources son courage et le produit de l'élevage de quelques animaux, ses deux petits-enfants, Blanche et Gabriel, dont les parents se sont tués dans un (stupide) accident de la route à quelques kilomètres de là. Les saisons se suivent, ils grandissent. Jusqu’à ce que l’adolescence arrive et, avec elle, le premier amour de Blanche, celui qui dévaste tout sur son passage. Il s’appelle Alexandre. Leur couple se forge. Mais la passion que Blanche voue au Paradis la domine tout entière, quand Alexandre, dévoré par son ambition, veut partir en ville, symbole d'une réussite dont il est avide.
Le lecteur est aussi proche de Blanche que d'Emilienne, différentes mais toutes deux attachées à leur terre. Il compatit pour Gabriel, enfant fragile dont on craint qu'il ne lui arrive malheur. Et pour Louis, enfant martyr recueilli par Emilienne comme elle aurait soigné un animal blessé par un prédateur.
Cécile Coulon nous prévient dès le début que tout finira mal mais j'ai voulu croire que la prophétie ne se réaliserait pas. C'est aussi en cela que son écriture est magique puisqu'elle parvient à nous tenir en haleine, au fil des pages d'un roman noir et pourtant lumineux comme un récit biblique et qui ne nous épargne aucune larme des pleurs et des torrents de honte (p. 297).
Certaines scènes sont difficiles à soutenir, comme celle (p. 63) que nous avait lue l'auteure, racontant pourquoi Emilienne tord le cou de la poule préférée de Blanche, justifié par une phrase qui fait figure de sentence : ne fais jamais de mal à un plus petit ou tu souffriras par un plus fort.
Les chapitres sont annoncés par un verbe à l'infinitif qui résonne un peu comme les étapes d'un chemin de croix. Le récit est violent comme une passion mais il est magnifique et l'attribution du Prix Littéraire du Monde est amplement justifié.
Cécile Coulon est née en 1990. En quelques années, elle a fait une ascension fulgurante et a publié six romans, dont Trois Saisons d’orage, récompensé par le prix des Libraires, et un recueil de poèmes, Les Ronces, prix Apollinaire. J'ai hâte de me plonger dans tous ces ouvrages.
Une bête au paradis de Cécile Coulon, l'Iconoclaste, en librairie depuis le 21 août 2019
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