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mardi 28 août 2018

La dérobée de Sophie de Baere

Comme ce premier roman mérite sa place dans la sélection des 68 premières fois !

Sophie de Baere donne vie à des personnages dont la vie semble à priori banale mais qui ont une force de caractère exceptionnelle et elle leur permet d'exprimer ce qu'ils ressentent avec des mots d'une richesse peu habituelle.

La dérobée est un livre qui se lit facilement, et qui offre de grands plaisirs. Au tout début, quand Claire parle d'Antoine, elle dit  (p. 22) savoir peu de choses à son propos mais que penser à lui mettait de la dentelle arc-en-ciel sur le gris de ses habits (...) pour la première fois depuis la mort de mon frère je sentais germer une simplicité pourvoyeuse d'harmonie et de force. Mon ciel s'agrandissait.

Antoine a été son grand amour de jeunesse. Quand elle se sentait un caillou parmi d'autres cailloux (p. 26) il représente son oasis de légèreté (p. 34). Depuis qu'il a quitté son univers, Claire, responsable de caisse sur une aire de l’autoroute A8, mène une existence morne mais tranquille avec son mari. Sa seule distraction semble être sa petite fille Léonie et elle donne l'impression d'voir rangé ses rêves de grand amour quand elle retombe sur lui, par hasard, à moins qu'elle ne soit victime d'une machination.

Il est maintenant un photographe reconnu et marié à Paola, une fille de diplomate, alcoolique et dépressive, éloignée de sa fille sans comprendre pourquoi, mais que le lecteur saura deviner. Elle est deviendra (p. 132) un squelette diaphane auréolé d'une élégance qui semble collée à l'éponge de son peignoir.

Antoine et Claire n'ont apparemment plus grand chose en commun si ce n'est la subsistance d'une passion ancienne. L'homme va user de multiples stratagèmes pour rétablir la relation. Il persuade son ancienne petite amie qu'elle parviendra à se "débrouiller" pour le voir à l'insu de sa famille. En fait (p. 130) il est aux commandes et il connait son pouvoir.

Le mari, François, est en "excès de confiance". Claire a beau se sentir "monstrueuse" elle veut "exister, pas survivre". Alors peu importe ce qu'il va advenir, elle fonce.

L'originalité du roman est d'avoir opté pour une vision exclusivement centrée sur cette femme qui est la narratrice du récit alors que la "mode" serait plutôt aux écritures chorales.  Elle a néanmoins l'art de montrer qu'aucune opinion n'est définitive. Ainsi le silence est celui de l'absence chez les parents de Claire. C'est celui du calme et du confort chez ceux d'Antoine (p. 65)

De ce fait le lecteur oscille entre la compassion et l'envie de secouer Claire que l'on croit se fourvoyer à vouloir ressusciter le feu d'une ancienne passion et dans l'obsession de faire éclater la vérité à propos de drames enkystés depuis des années.

On dévore littéralement les chapitres tant on est happé par l'histoire, qui se révèle d'une grande complexité et qui offre de multiples rebondissements. Je ne vais pas tous les dire, mais tout de même indiquer qu'on peut établir un parallèle entre plusieurs souffrances consécutives à la perte d'un être cher.

La vérité n'éclatera qu'à la toute fin, plus accablante que la plus terrible de mes certitudes et le roman s'achèvera de manière inattendue. Il est évident qu'il faut transformer cet "essai" en film. 

La dérobée de Sophie de Baere, éditions Anne Carrière, en librairie depuis le 13 avril 2018

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