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samedi 18 août 2018

Histoires plastiques d'Isabelle Sarfati chez Stock

Histoires plastiques m'a prodigieusement épatée. Parce que l'auteure y parle vrai de vrai et n'élude rien des succès comme des loupés de la chirurgie esthétique.

A croire Isabelle Sarfati, la chirurgie esthétique est une forme de maintenance, un recours à la liberté contre la génétique, le temps qui passe.

Elle va plus loin : en énumérant toutes les interventions qu'elle a subi (le mot n'est pas trop fort) elle avoue une dépendance à l'égard de cette pratique qui est devenue son hygiène de vie, dit-elle.

Car vivre ce que traversent ses patientes c'est bien, se l'infliger c'est autre chose... Cette femme semble répéter à l'envi, tout en craignant -avec sagesse- l'opération qui serait de trop.

Isabelle Sarfati est chirurgienne plastique. Elle opère des femmes et des hommes, des jeunes et des vieux, des moches et des beaux. Se succèdent dans son cabinet une nudiste furieuse de sa reconstruction mammaire, un joueur de poker professionnel qui a choisi d’avoir quatre testicules pour lui porter chance, une femme qui ne veut plus de seins, une autre qui en veut davantage et plus de fesses aussi pendant qu’on y est… À chacun, la professionnelle tente de répondre, pas forcément avec un bistouri. Elle n’élude rien des ratages, douleurs, outrances de son sulfureux métier mais relate surtout des histoires de transformation, de réparation, de réconciliation personnelle, drôles, tragiques, humaines.

Elle raconte tout, les espoirs, les peurs, les dangers, avec une sincérité intense et un humour confondant. Et on peut penser au film de Duras la Douleur, tant la manière de se confier (j'allais écrire "confesser") est semblable : J'ai maltraité mon corps pour mon plaisir, je vais le payer, écrit-elle en craignant le pire et en témoignant qu'il y a derrière cet acte, et même pour elle, la crainte d'une transgression, avec une franchise incroyable et des tournures qui sont parfois plutôt "cash" quand elle aborde les phases de "postop".

Se faire opérer alors qu'on est en pleine forme physique a un coût qui n'est pas que financier parce qu'en chirurgie esthétique on sait ce qu'on fuit sans savoir où on va. Il faudrait dans l'idéal s'accepter et Isabelle Sarfati reconnait être souvent tentée d'envoyer ses patients chez le psy.

Le risque existe aussi du coté du praticien à qui les bouffies liftées pathétiques ou les bouches de mérou seraient une terrible contre publicité ... mais cette femme s'est imposé une règle : elle pratiquera l'acte si elle pense que le résultat à venir correspond à l'attente de la patiente, pourvu que la chirurgie plastique soit être une arme de liberté, à tout âge, même à soixante-dix ans passés.

Le texte est bien écrit, avec un dynamisme quasi vivifiant (même si on ne se sent pas concerné par le sujet). On apprend beaucoup sur l'histoire de cette spécialité, née de la reconstruction des gueules cassées de la Première Guerre mondiale. Les chapitres consacrés à sa formation auprès de neurochirurgiens sont passionnants et imposent le respect sur cet art tellement souvent dénigré.

Tout est passé en revue y compris des situations de chirurgie intime dont on est loin d'imaginer la progression.

La couverture du livre, montrant une poupée Barbie désarticulée, est hardiment choisie. Elle est signée de l'artiste Coco bel œil.
Pour ma part je n'envisage pas du tout de recourir à ce type de chirurgie. C'est tout juste si je consentirais à porter un de ces vêtements dits de contention qui promettent de mincir sans effort. J'estime (et c'est une autre forme d'orgueil) que l'on doit m'aimer comme je suis ... ou pas. Il n'empêche que Histoires plastiques m'a passionnée et que mon point de vue sur le sujet a été ébranlé.

Histoires plastiques d'Isabelle Sarfati chez Stock, en librairie le 7 février 2018

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