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mardi 14 août 2018

Paris à l'infini, avec Caryn Trinca et Sébastien Debard

Le spectacle musical me semble avoir le vent en poupe en ce moment. En voici un nouveau, fort réussi, qui est un hymne à Paris à l'infini, avec Caryn Trinca au chant, et Sébastien Debard à l'accordéon qui adressent une immense déclaration d'amour à la capitale ... et au public.

Il est articulé autour d'une série de tableaux qui composent une histoire d'amour entre un homme et une femme mais aussi entre un couple et la ville lumière.

La chanson de Brassens ne figure pas dans leur répertoire mais Tout est bon chez eux, il n'y a rien à jeter ... si ce n'est le moment du rappel, mais c'est un avis personnel.

Chapeau pour la chorégraphie, les lumières, les arrangements et le travail vocal ... Ce spectacle en forme d'hymne est un bijou.

Tout commence dans le noir d'une caverne en nous racontant la légende de la marque de l'ange (le sillon sous-nasal serait l'empreinte d'un doigt imposant le secret sur les origines) qui justifie qu'on se situe dans le territoire de la mémoire.

Les enchainements d'extraits de chansons (plus ou moins connus, mais toujours reconnaissables) se suivent avec un a-propos émouvant. On commence en toute logique par lTourbillon de la vie immortalisé par Jeanne Moreau et chanté dos au public :

On s'est connu, on s'est reconnu
On s'est perdu de vue, on s'est r'perdu d'vue
On s'est retrouvé, on s'est réchauffé
Puis on s'est séparé
Chacun pour soi est reparti
Dans l'tourbillon de la vie
On s'est toujours ratés dit-elle en se retournant. L'emploi de micro HF nuit à l'intimité, instaurant une distance, mais j'ai compris plus tard que la sonorisation est indispensable en raison de la puissance de l'accordéon. On s'y habitue d'ailleurs, au bout de quelques minutes.

L'action se situe, en 1995, à Paris, évidemment ... Caryn enchaine avec un titre immortalisé la même année par Marie-Paule Belle :
Lorsque je suis arrivée dans la capitale

J'aurais voulu devenir une femme fatale
Mais je ne buvais pas, je ne me droguais pas
Et je n'avais aucun complexe
Je suis beaucoup trop normale, ça me vexe
Je ne suis pas parisienne
Ça me gêne, ça me gêne
Je ne suis pas dans le vent
C'est navrant, c'est navrant
Aucune bizarrerie

Pour la bizarrerie permettez qu'on s'étonne de son sac à main, d'un très jolie rose, mais il s'agit tout de même d'une caisse à outils. La customisation humoristique atteint un sommet, et semble pourtant naturelle. Suit À Paris, une chanson française écrite en 1946 par Francis Lemarque, reprise ensuite par Yves Montand :
Y a toujours des taxis en maraude
Je ne suis pas nymphomane mais mon obsession c'est le sexe
Elle enchaine, sans surprise par Les nuits d'une demoiselle de Colette Renard en enfilant malicieusement des petits canards sur une écharpe pour s'en faire un collierE avant de revenir sur les paroles de la Parisienne.

C'est au tour de Sébastien de nous emmener à la campagne, Made in Normandie. Elle répond, en anglais bien sûr, avec les paroles de Björk (encore l'année 95) :
It's oh so quiet Shh shh
It's oh so still Shh shh
You're all alone Shh shh
And so peaceful until You fall in love
Après cela Happy de Pharrell Williams arrive naturellement et on peut juste regretter que l'accordéon couvre un peu la voix de la jeune femme (d'où l'intérêt du micro). Nostalgie à fond avec Nicolas chanté par Sylvie Vartan en 1980, celui là même dans les bras desquels Valérie s'ennuyait car on le sait, les histoires d'amour finissent mal en général. Ce n'est pas Catherine Ringer qui aurait chanté le contraire.
On remonte dans le temps, en 1974, en restant bien sur à Paris. Caryn chante ce qui pourrait être un negro spiritual avant de poursuivre avec Lily de Pierre Perret (mais c'est 1987) avec toute la richesse de sa très jolie voix (je voudrais pouvoir le souligner pour chaque morceau mais je crains de vous lasser), puis J'ai deux amours, de Joséphine Baker. 
Y'a rien à s'dire, Y'a qu'à s'aimer, Avec les anges
Comme ce titre de Claude Nougaro (1997) est bien joué ! Quant au très grand succès des filles de The Bangles Walk Like An Egyptian on apprécie que chaque syllabe soit prononcée et détachée :
All the bazaar men by the Nile
They got the money on a bet
Gold crocodiles (oh whey oh)
They snap their teeth on your cigarette
Foreign types with the hookah pipes say
Ay oh whey oh, ay oh whey oh
Walk like an Egyptian
On pourrait traduire par "toutes les routes mènent à Rome" mais c'est auprès de Lily qu'on revient à deux reprises après une autre petite incursion, cette fois dans l'encre de tes yeux de Cabrel.

On remonte le temps. Nous voici en 1939, et la fille de joie est triste (L'accordéoniste de Piaf). Je ne suis pas totalement certaine mais il se peut qu'il y ait eu Sweet Caroline de Neil Diamond dansé sur des pas de Madison avant Je vais t'aimer de Michel Sardou ... à faire pâlir tous les marquis de Sade, ce à quoi l'homme répliquera avec Que je t'aime de Hallyday.
Et c'est en duo qu'ils passeront en revue les destinations de Vesoul de Brel. Quelle malice pour nous emporter ensuite avec :
1, 2, 3 1, 2, 3 drink
Throw 'em back, till I lose count
I'm gonna swing from the chandelier, from the chandelier
I'm gonna live like tomorrow doesn't exist

Caryn est loin de perdre ses moyens comme le prétend Sia (Chandelier) et Sébastien la taquine avec Les petites femmes de Pigalle. Ce qui est très bien c'est que les extraits des chansons ne commencent pas forcément au début. Les paroles sont parfaitement tricotées pour se répondre.

Malgré son attirance pour les femmes de Pigalle, il jure n'avoir jamais été Don Juan. Elle l'appelle Marcel et on ne s'étonne pas qu'elle implore qu'on le lui laisse encore un peu (Mon dieu, Edith Piaf) avant d'évoquer ensemble Sylvie Vartan :
Da dou ron ron ron, da dou ron ron
Oui, mon amour est mort
Oui, bien sûr j'ai eu tort
Oui, j'aimerai encore
Da dou ron ron ron, da dou ron ron 

1917 La vérité depuis toujours c'est d'être aimé en retour. Elle change de tenue et revient avec Anton, Boris et moi (Marie Laforêt) qu'elle danse un peu entravée, mais très artistiquement. On reconnaitra Histoire d'un amour de Dalida puis la Maritza (encore Vartan) et Le temps des fleurs.

Gillian Hills, star des années yéyé françaises, chantait il y a 50 ans le tube Zou bisou bisou, dont on a oublié le bruit et que tous les deux interprètent en connivence. Un rendez-vous raté, 17 rue de Clichy, n'empêchera pas la déclaration d'amour à Paris. Il siffle on s'est connu, reconnu, perdu de vue (Le tourbillon de la vie) et elle enchaine avec la chanson Sur ma drôle de vie (Véronique Sanson). Après cela, on est d'accord : all you need is love and understanding comme le chantait  Roger Glover, dans  Love Is All en 1974.

Penserons-nous que ces déclarations sont ... Ces mots stupides, (créée en 1965 par Sacha Distel qui la reprit plus tard avec Lara Fabian) je t'aime. On le sait, On peut vivre sans richesse, mais vivre sans tendresse on ne le pourrait pas ... il n'en est pas question le chantait Marie Laforêt.

Aux saluts, on nous offre un bonus très surprenant, en rupture avec ce qu'on vient d'entendre : Paris t'es dégueulasse, un vieux débri (avec une gouaille un peu éloignée de la version originale de Ginette Garcin, sur des paroles de Jean Yanne). C'est le seul moment du spectacle avec lequel je ne suis pas en phase. Cette chanson a beau appartenir à la bande originale intégrale du Film Les Uns Et Les Autres (1981) de Claude Lelouch dont la musique est signée des immenses compositeurs Francis Lai et Michel Legrand.

On nous dit que ce bonus est là pour rire. Tant qu'à choisir du décalé, j'aurais préféré quelque chose de plus proche de Paris T'es Belle de Mickey 3D.

Comédienne, chanteuse, auteur et coach vocale, Caryn Trinca a un parcours très riche. Celui de Sébastien Debard n'est pas moins prestigieux. La direction musicale est signée de Vincent Heden avec qui Caryn avait fait Ça sent le roussi que j'avais vu en 2015.
Paris à l'infini
Avec Caryn Trinca (chant) et Sébastien Debard (chant et accordéon).
Mise en scène et chorégraphies : Valérie Masset
Direction musicale : Vincent Heden
Création lumières : Jacques Rouveyrollis assisté de Jessica Duclos
Sound designer : Alain Benani
Décor : Thomas Lemierre
Au théâtre de la Contrescarpe, 5 rue Blainville, 75005 Paris
01 42 01 81 88
Du 7 juillet au 15 septembre 2018
Les samedi et dimanche à 18 heures (relâche le 5 août et le 9 septembre)
Les lundi d'août à 20 heures, puis les lundis 3 et 10 septembre à 21h30
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Franck Harscouet

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