Très appréciés tant en France qu’à l’étranger, les vins de Pessac-Léognan sont issus d’un vignoble péri-urbain puisque situé seulement à une quinzaine de kilomètres de Bordeaux, sur un terroir unique, dans la région des Graves,.
Voilà pourquoi beaucoup de personnes emploient encore le nom de Graves, qui est antérieur à celui de Pessac-Léognan pour désigner les vins de cette AOC, somme toute récente, puisque c’est Jacques Chirac, alors Premier Ministre du Président François Mitterand qui en signa le décret de création en septembre 1987, avec fonction rétroactive de manière à ce que le cru 1986 puisse en bénéficier.
La famille Thomassin fait aujourd’hui partie des plus anciens propriétaires de l’appellation. Château de France avait été repris en 1971 par Bernard Thomassin et Arnaud (ci-contre) en assure désormais la direction.
Le bâtiment a été édifié sur les fondations d’un ancien manoir dont il conserve la belle cave voûtée… une maison de maître construite à la fin du XVIIe siècle par un procureur. C’est un Conseiller au Parlement de Guyenne, Taffard, qui développe le vignoble au siècle suivant dans une période clef : celle de la naissance de la notion qualitative de Grand Cru.
C’est encore un siècle plus tard, au XIXe siècle, que va se construire la réputation des Vins d’appellation Pessac-Léognan en premier lieu sous l’action de Jean-Henri Lacoste, négociant en tissus d’ameublement, propriétaire du domaine durant 32 ans, créateur du château actuel.
A cette époque, les domaines prennent petit à petit l’appellation de château … et de grandes demeures apparaissent. Jean-Henri Lacoste rénove modestement la sienne : il élimine les ailes formant le U, rajoute de petits pavillons à chaque bout et crée un second étage. Cette chartreuse figure sur l’étiquette des vins Château de France.
Mais quand Bernard Thomassin acquiert le domaine, celui-ci est resté un peu à l’écart du Bordelais viticole comme une majorité des Grands Crus des Graves depuis plus de 50 ans, de 1920 jusqu’aux années 1975. Le Château de France est alors à un tournant historique. Il est désormais le fruit de la rencontre entre une famille et un terroir. Le travail accompli, couronné par la reconnaissance en AOC a permis au Château de France rouge et au Château de France blanc de se partager aujourd’hui les reconnaissances mondiales.
Cette propriété familiale de 40 hectares inclut 4 hectares de Sauvignon et de Sémillon pour la production de vin blanc mais c’est surtout l’AOC Pessac-Léognan rouge qui est produite avec 36 hectares de Cabernet sauvignon et de Merlot.
En raison de la jeunesse (quoique relative) de l’appellation et de son positionnement haut de gamme (souligné par la mention « Grand Vin de Graves » sur chaque étiquette) le Pessac-Léognan est un vin de connaisseurs … chanceux puisque le prix des bouteilles n’a pas bougé malgré, notamment, la multiplication par trois du prix du papier et une progression les salaires de 10%. C’est une vraie prouesse.
Il y a deux méthodes pour déguster un vin. Le goûter en le comparant à d’autres, selon un ordre que le vigneron a établi, ou bien le savourer au cours d’un repas, à condition qu’il soit servi avec un plat qui lui correspond. Dans l’idéal on combinera les deux, et c’est ce que j’ai pu faire, en toute modération, avec cette AOP Pessac-Léognan de Château de France.
Que ce soit l’une ou l’autre méthode, on commence toujours par les blancs. Château de France en propose deux, qui sont tous deux un assemblage de 80% de Sauvignon et 20% de Sémillon. A noter que le Sauvignon est vendangé le plus tardivement possible pour bénéficier des arômes de bourgeon de cassis.
La première cuvée porte le qualificatif de Coquillas dont le nom et l’étiquette évoquent immédiatement le terroir sur lequel les vignes s’enracinent, un ancien gisement marin datant de plus de 19 millions d’années laissant apparaitre des milliers de coquillages. Que ce soit pour le Blanc comme pour le Rouge, elles poussent sur des graves pyrénéennes très profondes, parfois sur un sous-sol argilo-calcaire. Le sol est pauvre mais l’assemblage de Sauvignon et de Merlot permet de conjuguer une structure tannique à une touche fruitée. Le minéral et le fuit s’accordent aussi bien en blanc qu’en rouge.
Le Château Coquillas est exclusivement élevé en barriques neuves. C’est typiquement la bouteille que l’on partagera entre copains à l’apéritif. Bien que l’année 2021 ait été difficile en raison de gelées, ce millésime est appréciable pour son côté très aromatique. On le présenterait au cours d’un repas sur une viande grillée ou rôtie ou encore avec un fromage de chèvre frais.
Son nez est très harmonieux et doux, d’abricot confit, lychee et fruits à chair blanche, puis de miel. La bouche est joliment structurée, puisque gras et fraîcheur se combinent avec beaucoup d’élégance, laissant place à une finale minérale.
Le Château de France Blanc est plus gastronomique et le 2021 est très tendu, avec une salinité qui fait saliver, et que l’on appréciera tout à l’heure -en 2020- avec le carpaccio de poisson.
Sa robe est dorée, brillante et limpide ; nez de cire d’abeille, miel, pêche et abricot ; la bouche est puissante avec un bel équilibre gras/acide. Le nez épicé se confirme en bouche avec des arômes poivrés rares pour un vin blanc. Il accompagnera tous les poissons grillés, un chèvre sec ou un beaufort.
Cette dégustation, dite à l’horizontale, sera poursuivie par les rouges, avec un choix élargi à trois qui chacun ont une proportion différente de Cabernet Sauvignon et de Merlot, ce dernier étant cependant toujours majoritaire.
Le Château Coquillas Rouge et le Château de France Rouge font le pendant à leurs frères Blancs mais on peut avoir une inclinaison pour Le Bec En Sabot, lequel n’existe qu’en rouge. Il a été créé en 1992 et fut le premier à porter le nom d’un oiseau, en l’occurrence un étrange oiseau rare, de grande envergure et vigoureux, farouche et solitaire, au plumage gris bleuté, vivant dans les marais à papyrus de l’est de l’Afrique, tout simplement parce que le propriétaire, alors Bernard Thomassin, le père d’Arnaud, était féru d’ornithologie.
Il est haut sur pattes, comme la cigogne ou le héron. Ses orteils sont longs mais non palmés. Ce qui le caractérise le plus c’est son bec puissant, aussi gros, voire davantage, que la tête, et en forme de sabot inversé, jaunâtre rosé, ponctué de points sombres. Cette forme lui permet d’écoper les eaux troubles à l’horizontale en arrachant une pelletée de matériaux parmi lesquels frétille la proie convoitée.
L’étiquette comporte une illustration de cet animal (Balaeniceps Rex) où l’on remarque la sorte de mini crête qu’il porte sur le haut de la tête et qui peut s’apparenter à une touffe. La silhouette évoque un peu le dodo, endémique de l’île Maurice, disparu depuis la fin du XVII° siècle. On ne peut pas dire que l’oiseau soit très beau mais il est original, est aujourd’hui protégé et participe à la notoriété de ce vin que l’on n’est pas près d’oublier.
La robe est rubis chatoyant ; nez de groseilles, airelles, tabac, clous de girofle et framboises ; en bouche, des flaveurs minérales et de fruits rouges, avec une jolie acidité associée au fruit. On comprend qu’il connut un fort succès auprès des acheteurs américains.
On peut le servir avec un magret de canard, un steak au poivre ou tarte au cassis. Je l’ai associé quelques jours plus tard avec un croque-madame.
Le Château Coquillas rouge révèle pleinement le fruit et sa structure est belle. C’est un vin de garde entre 3 et 6 ans. Il s’accorde avec tous les plats de viandes et de poissons grillés. Voilà sans doute pourquoi il est très apprécié des restaurateurs bordelais.
S’agissant de sa vinification on compte 7 à 10 jours de fermentation puis 3 à 4 semaines de macération en cuves de 130 hl et 85 hl. La fermentation malo-lactique s’effectue en cuves. L’élevage se poursuit pendant 12 à 14 mois en barriques de 2 et 3 ans. Un collage se fait à l’albumine (blanc d’oeuf). Une légère filtration est faite avant la mise en bouteille.
La robe du Château de France rouge est plus soutenue, d’un rubis profond. Le nez est intense, dominé par les fruits rouges (cassis, myrtilles, cerises) et le pain d’épices; en bouche, c’est un vin épicé et réglissé avec des tanins élégants et mûrs, des arômes boisés très fins, une note fumée en finale On hésitera entre le millésime 2015 ou 2018 qui s’accordaient parfaitement avec une pièce de bœuf, comme il l’auraient fait avec d’autres viandes grillées ou rôties, ou pour ce qui est du dessert, une poire au vin et aux épices.
Les étapes de vinification et de fermentation sont identiques au Coquillas. L’élevage se poursuit en barriques neuves (30%) et de un vin pendant 12 mois. Pour lui aussi une légère filtration est faite avant la mise en bouteille.
On savourera la cuvée 2010 en fin de repas, avec le dessert au chocolat. C’est un très grand millésime qui révèle des parfums de fruits noirs très prononcés.
Quel que soit le millésime, ce vin révèle une puissance très équilibrée qui permet de l’associer avec des plats complexes ou simples. Que ce soit une volaille rôtie (à gauche) ou une viande en sauce (à droite, des tendrons de veau).
A noter que Château De France Rouge 2018 est une très belle bouteille. Un grand vin de garde. Le premier millésime de la fantastique trilogie 2018-2019-2020 !
Rappel des vins dégustés à l’horizontale :
Château Coquillas blanc 2021 - AOP Pessac-Léognan
Château de France blanc 2021 - AOP Pessac-Léognan
Château Coquillas rouge 2020 - AOP Pessac-Léognan
Château de France rouge 2020 - AOP Pessac-Léognan
Bec-en-Sabot 2020 - AOP Pessac-Léognan
Au cours du repas préparé par l'équipe de cuisine du restaurant Pasco (74 bd de la Tour Maubourg - 75007 Paris) repris en 2021 par Guy Martin :
Château de France blanc 2021 - AOP Pessac-Léognan
Château Coquillas rouge 2020 - AOP Pessac-Léognan
Château de France rouge 2020 - AOP Pessac-Léognan
Bec-en-Sabot 2020 - AOP Pessac-Léognan
Au cours du repas préparé par l'équipe de cuisine du restaurant Pasco (74 bd de la Tour Maubourg - 75007 Paris) repris en 2021 par Guy Martin :
Château de France blanc 2020 - AOP Pessac-Léognan
Château de France rouge 2018 - AOP Pessac-Léognan
Château de France rouge 2015 - AOP Pessac-Léognan
Château de France rouge 2010 - AOP Pessac-Léognan
Carpaccio de Saint-Jacques et cèpe, huile de noisettes
Filet de bœuf, carottes confites, navets glacés, jus au porto et foie gras
Fondant chocolat Guanaja, biscuit Joconde praliné, tuile cacao
SAS Thomassin Propriétaire
98, route de Mont-Marsan à Léognan 33850
Château de France rouge 2018 - AOP Pessac-Léognan
Château de France rouge 2015 - AOP Pessac-Léognan
Château de France rouge 2010 - AOP Pessac-Léognan
Carpaccio de Saint-Jacques et cèpe, huile de noisettes
Filet de bœuf, carottes confites, navets glacés, jus au porto et foie gras
Fondant chocolat Guanaja, biscuit Joconde praliné, tuile cacao
SAS Thomassin Propriétaire
98, route de Mont-Marsan à Léognan 33850
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