Malgré une affiche en couleurs, Smile est annoncé comme une pièce de théâtre en noir et blanc, ce qui constitue, nous dit-on une première, du moins en France,
La promesse est tenue et le spectateur est réellement plongé dans l’atmosphère des premiers films en noir et blanc. Nous sommes en septembre 1910, dans un bar du Nord de Londres, le Mitz, qui n’est pas aussi prestigieux que le Ritz, où s’impatiente une jeune femme tandis que son amoureux est en retard. Le garçon sollicitera l’aide du barman pour la séduire mais les choses ne se dérouleront pas comme prévu.
Il convient de signaler que la configuration de la salle, en cabaret, est tout à fait adéquate. Nous sommes confortablement installés à une table. On peut commander une boisson avant ou après le spectacle (et les prix sont raisonnables).
Le spectacle commence avec quelques notes d’un air célèbre, celui de Smile, qui justifie pour partie le titre. Celui-ci est aussi une allusion au sourire qui séduit le coeur de Charlie Chaplin, qui n’était pas encore Charlot.
Le cinéma parlant n’est pas encore inventé et la mise en scène est un hommage à cet art dont elle reprend tous les fondamentaux : ralenti, accéléré, rembobinage, arrêt sur image, musique additionnelle au piano, mime, cartons figurant les dialogues … tout y est et toujours à bon escient, sans jamais verser dans la caricature.
Parce que Nicolas Nebot a su doser les effets sans en abuser et sans se laisser enfermer dans les codes du muet. Des paroles sont donc échangées, et la lumière arrive lorsqu’elle est nécessaire.
Il se dégage une belle aura tout au long de la représentation. L’équipe est manifestement soudée. Il le faut pour jouer dans un timing aussi parfait. Ils se sont connus sur la scène de Mamma Mia ! ou de La belle et la Bête, sur un plateau de tournage de Plus belle la vie ou dans les couloirs du Cours Florent.
La jeune femme (formidablement interprétée par la délicate Pauline Bression le soir de ma venue) reproche à son amoureux d’avoir 10 minutes de retard. Elle ne croit pas au hasard, lui préférant la notion de rendez-vous. Tout est question de point de vue et le spectateur partagera successivement le regard de chacun des trois personnages. Ça aurait pu être répétitif mais la subtilité des changements rend les choses savoureuses. Chaque scène ne se rejoue jamais à l’identique. Et c’est l’occasion pour Dan Menasche d’exprimer toutes les facettes de son rôle de barman qui devient véritablement intéressant au lieu de demeurer « secondaire ».
C’est à une belle leçon de vie (et d’amour) que nous assistons. Smile ressuscite toute l’émotion à laquelle Chaplin nous avait habitués dans ses films. Avec poésie et tendresse. Alexandre Faitrouni incarne le personnage avec naturel et justesse, faisant oublier que nous sommes au théâtre.
A quoi tient la réalisation d’un destin ? On retiendra que le hasard ne fait toujours que la moitié du chemin. Quelle belle leçon de vie !
A propos de Smile il faut rappeler que c’est une chanson écrite à partir d'une musique de Charlie Chaplin, qui est le thème de la romance du film Les Temps modernes, sorti au cinéma en 1936. Dans la scène finale du film, Charlot et la gamine s’en vont sur la route vers une vie nouvelle. Lorsqu’ils se relèvent du talus pour partir, l’homme s’arrête, montre les commissures de ses lèvres pour indiquer à l’enfant qu’elle devrait sourire. La bande-son du film est alors simplement instrumentale.
L’air est donc à l'origine sans paroles, mais le jeu de Chaplin a inspiré les paroles que John Turner et Geoffrey Parsons ajoutèrent en 1954 avec ce titre de Smile (« Souris » en français). C’est Nat King Cole qui l’enregistra le premier. Elle fut reprise par de nombreux interprètes comme Judy Garland, Dalida (sous le titre Femme), Diana Ross, Barbra Streisand, Céline Dion, Stevie Wonder, Eric Clapton, Petula Clark, Chick Corea, Demis Roussos ... pour ne citer que les plus célèbres. Et même Michael Jackson … en 1995 pour son double album HIStory en mémoire de la Princesse Diana.
Smile though your heart is aching / Souris même si ton cœur souffre (…)
Hide every trace of sadness / Cache toute trace de tristesse
Although a tear may be ever so near / Bien qu'une larme puisse être si proche (…)
Although a tear may be ever so near / Bien qu'une larme puisse être si proche (…)
You'll find that life is still worthwhile / Tu trouveras que la vie vaut toujours la peine
If you just smile / Si tu souris juste
If you just smile / Si tu souris juste
Initialement programmé jusqu’au 23 décembre dernier, le spectacle est prolongé au moins jusqu’au 2 avril prochain. Il est éligible aux Molières 2023 dans 5 catégories : création visuelle et sonore, mise en scène dans un spectacle de théâtre privé, révélation masculine (Alexandre Faitrouni), meilleur comédien dans un second rôle (Dan Menasche) et meilleur spectacle du théâtre privé.
Smile, co-écrit par Nicolas Nebot et Dan Menasche
Mise en scène et Scénographie de Nicolas Nebot
Avec Dan Menasche, Alexandre Faitrouni (ou Grant Lawrens), Pauline Bression (ou Ophélie Lehmann)
Lumières de Laurent Beal
Costumes de Marie Credou et Maquillage de Zoé Cattela
Musique de Dominique Mattei
Au Théâtre La Nouvelle Eve - 25 rue Fontaine - 75009 Paris
Au Théâtre La Nouvelle Eve - 25 rue Fontaine - 75009 Paris
Depuis le 15 septembre 2022 et au moins jusqu’au 2 avril 2023
Du jeudi au samedi à 19 h 30, le dimanche à 15 h 30
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Nicolas Nebot.
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