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vendredi 10 février 2023

Karine Rougier expose au Drawing Lab

Si je n’ai pas donné à cet article le titre de l’exposition et si j’ai choisi une photo de Karine Rougier pour illustrer prioritairement la publication au lieu de celle de l’affiche c’est parce que, ayant rencontré l’artiste et appréciant sa démarche, j’ai voulu ne pas être éphémère.

Je pense que nous allons bientôt d'autres occasions d'entendre parler d'elle.

C'est à l'engagement de Christine Phal et Carine Tissot, un duo de choc, mère-fille, que l'on doit cette mise en avant du dessin contemporain. Elle ont créé la Drawing Society pour répondre à leur envie de fédérer autour d’elles une communauté d’amateurs d’art, de professionnels et de curieux désireux de soutenir la création contemporaine.

Une des pièces majeures est le Drawing Lab, un hôtel hybride puisqu'il est aussi un centre d’art privé dédié au dessin contemporain, ouvert tous les jours de 11 à 19 heures, et gratuit, proposant un accrochage différent deux à trois fois par an dans un bel espace situé au sous-sol. C'est ici que Karine Rougier expose en ce moment.

Elle a emprunté l'intitulé, Nous qui désirons sans fin, au livre de Raoul Vaneigheim, publié chez Gallimard en 1998. Il y fait la critique d'une société marchande en déclin minée par un capitalisme mondial devenu un système parasitaire déterminant l'existence d'une bureaucratie où le politique est aux ordres d'une pratique usuraire qui menace l'organisation sociale.

Se revendiquant comme l'enfant d'un monde dévasté, elle a imaginé l'exposition comme une promenade où nous pourrions véritablement "être ensemble". Un texte de son amie, Nina Leger, "Maintenant vivantes" confirme combien la démarche se veut positive. A cet égard je souligne combien j'avais apprécié le premier roman de cette actrice, Histoire naturelle il y a neuf ans.
 
Karine Rougier ne créé pas dans l'isolement. Elle a invité Stephen Ellcock à choisir des images pur entrer en dialogue avec ses dessins. Ils ont en commun la passion pour la cosmologie, les manuscrits enluminés, l’alchimie, les textes magiques et plus généralement tout ce qui a trait au mystérieux et à l’ésotérique, c’est donc tout naturellement que le dialogue naît entre eux, comme une danse cosmique.

On peut aussi regarder un diaporama de clichés réalisé par les étudiants des Beaux-arts de Marseille où elle est enseignante et dont j'ai retenu cette évocation du Verseau :
Distinguée par le Prix Drawing Now en 2022, l’artiste a  eu davantage encore envie de revenir au dessin alors qu'elle faisait beaucoup de peinture à l'huile sur bois (d'ailleurs elle en a placé deux).
Les nouveaux dessins réinventent une nature où les formes humaines se mêlent aux formes animales, où corps et puissances invisibles s’unissent en une même et envoûtante étreinte. Traversées d’un puissant élan vital, ses compositions sont le fruit d’un regard émancipé qui insuffle aux corps désir et puissance.

Née à Malte, elle a grandi en Cote d'Ivoire et reconnait avoir été imprégnée de pensée animiste. D’abord profondément inspirée par les enluminures du "Clavis Artis", un manuel d’alchimie de la fin du 17e ou début du 18e, ses miniatures entrent en résonance avec le monde d’aujourd’hui, abordant l’urgence climatique, la puissance de la nature et la relation des êtres vivants aux éléments symboliques. En les regardant attentivement on mesure l'influence des miniaturistes indiens avec lesquels elle a travaillé.
Notamment dans ce dessin sans titre de la série Maintenant vivantes (2022) rassemblant sept miniatures, réalisé avec des pigments et à l'aquarelle sur papier wasli, 32,5 x 21 cm, et qui a été retenu pour l'affiche de l'exposition, alors qu'on en retrouve le titre, Nous qui désirons sans fin, dans un autre dessin, accroché juste à coté :
La couleur orange se retrouve dans chacun de ses dessins. Elle adore cueillir des oursins en Méditerranée et se régale de leur corail. Des clémentines étaient disposées dans un bol rose alors qu'elle réfléchissait à la présentation de ses oeuvres. Voilà sans doute pourquoi elle a choisi d'appliquer une peinture orange sur deux murs adjacents de la galerie avec l'idée d'y faire entrer le soleil puisqu'aucune lumière naturelle ne la traverse.
A l'extrême-gauche, elle a placé Ara/Autel (constellation de l'hémisphère céleste sud) de Johann Bayer, 1603, impression sur papier appartenant à la sélection de Stephen Ellcock. Cette oeuvre fait écho à la glace qui fond sur la dernière, à l'extrême-droite, une aquarelle intitulée "Le vent t'a porté dans son ventre", 2022
Dans une petite salle, nous découvrons deux dioramas, qui sont de petits théâtres de papier, un art dont Karine n'était pas familière mais qu'elle a pris plaisir à faire.
Cercle de femmes, 2023, technique mixte, 80x60x45 cm
Grotte, 2023, technique mixte, 80x60x45 cm
Sur le mur du fond, Amazones, 2022, peint à l'huile sur un fragment de résine provenant d'une coque de bateau, trouvé dans la mer à l'occasion d'une plongée, et employé comme une palette, 46x30 cm.
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à gauche le feu, faisant penser à la glace qui fond
Elle créé entourée de cartes et voit le dessin comme un cadavre exquis.
Ce grand tableau noir et blanc est inspiré d'une collection de masques mexicains se trouvant à Marseille. Il s'agit de Lapillis, 2011, mine de plomb sur papier de 185x140 cm. Il est intéressant de pouvoir observer des oeuvres réalisées à des dates si différentes.
De plus, le visiteur peut regarder deux courts-métrages réalisés à quatre mains avec Valérie Pelet et qui mettent en scène des cartes à jouer et des cartes divinatoires. Ces actions donnent symboliquement vie aux cartes à jouer des différents siècles, restées soigneusement classées et archivées dans les étagères du CCR de Marseille. Le duo questionne alors l’approche esthétique des gestes qui mettent en scène le dispositif même de l’archivage et le geste du jeu, le rôle du hasard que l’on tente en vain de contrôler. Sur terre, dans l’eau, le dessin et les films de Karine Rougier et Valérie Pelet s’amusent avec les éléments allant jusqu’aux astres et les divinités.

On aimerait disposer d'un jeu de cartes et d'en piocher une … et d'y décrypter un message. Evidemment celui de rester ou de devenir plus humain …  

Nous qui désirons sans fin de Karine Rougier, Prix Drawing Now 2022
Du 20 janvier au 31 mars 2023
Au Drawing Lab, 17 rue de Richelieu - 75001 Paris
Entrée gratuite tous les jours de 11 à 19 h

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