J’ai relaté il y a quelques jours ma visite à Vinexpo.
J’ai mentionné avoir eu l’opportunité d’assister lundi 13 mars à une master-class d’une heure sur un sujet d’actualité, le réchauffement climatique et une de ses conséquences en matière de maturité pour le Pinot noir.
C’est un cépage que j’affectionne. J’ai appris récemment qu’il avait de plus en plus la cote en Alsace où il fut longtemps déprécié alors que les terroirs alsaciens peuvent en produire de sublimes … surtout depuis qu’il fait un peu plus chaud certaines années dans cette région.
Les temps ont changé, et ce qui peut être une catastrophe peut aussi avoir des conséquences heureuses. Voilà d’ailleurs pourquoi le Pinot noir est à l’honneur dans l’édition 2023 de Millésimes Digitasting dont je vous rendrai compte bientôt.
La master-class dont il est question ici était organisée à l’initiative de La Revue du Vin de France qui a invité Laurent Delaunay,
Pour le présenter brièvement (ce qui est complexe tant son parcours professionnel est riche de rebondissements) il est le descendant de cinq générations de producteurs et négociants bourguignons. Il a fait des études d'oenologie à Dijon où il rencontra Catherine, elle aussi oenologue, originaire d'une famille de viticulteurs beaujolais, qui deviendra sa femme et qui travaillera avec lui.
Il a complété sa formation aux États-Unis en travaillant dans la Napa Valley (Californie) pendant un an. Ensuite il intégra une grande école de commerce au retour de son service militaire avant de rejoindre son père pour faire fructifier le domaine familial Edouard Delaunay, fondée par ses arrières grands parents.
Des revers de situation l'ont contraint à vendre la maison bourguignonne pour redémarrer avec son épouse, dans le Languedoc au début des années 90. Et puis les hasards des rencontres lui ont permis en 2003 de racheter l'ancien domaine familial et de le développer tout en conservant le Domaine de la Métairie d'Alon. Si bien qu'il a aujourd’hui -comme il le dit lui-même- un pied à Limoux, un autre en Bourgogne, où il est (aussi) président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne.
Cette double expérience, de vignes situées au sud et à 500 km plus au nord est précieuse pour traiter le thème de la master-class même si les terroirs se ressemblent. Mais il convient de souligner que les problèmes (peut-être pas climatiques, mais météorologiques) ne datent pas d'hier. Ainsi par exemple il y eut en 1977 du grésil qui tomba le 10 octobre, avant la période des vendanges.
Le réchauffement inquiète et préoccupe tout le monde. Sera-t-on capable de continuer à produire Chardonnay et Pinot noir en Bourgogne ? Passer au Syrah et au Viognier ? Faudra-t-il autoriser l'irrigation ? La Californie est en quelque sorte un poste d'observation pour le futur.
Mais le réchauffement climatique n'est pas que négatif. On vient de vivre la plus belle décennie des vins de Bourgogne. Le Mercurey, jusqu'ici rustique, n'a jamais eu autant de gourmandise. Il y a moins de maladie, moins de pression sanitaire. Mais si on enregistre 3 degrés supplémentaires en 2050 la situation sera peut-être différente.
La première des conditions est que la vigne puisse aller chercher l'humidité en profondeur. D'où l'importance du matériel végétal et du porte-greffe. Il faut sélectionner des porte-greffes qui favoriseront les racines plongeantes et travailler le sol pour encourager les racines à y descendre.
On peut contrer la brillance des sols blancs (où la réverbération entraine des grillures) en y amenant des composts foncés. Il ne faut pas que la couche superficielle atteigne les 50 degrés car à cette température les microorganismes sont détruits. En laissant la matière organique on redescend à une température correcte de 30 degrés.
Autrefois on cherchait à concentrer les arômes sur le Pinot noir alors qu'aujourd'hui on rencontre un risque de surmaturité et on doit avancer les vendanges de 15 jours. La date des vendanges demeure un élément clé à deux jours près.
De la fin des années 80 aux années 2000 on cherchait à obtenir des vins charpentés, de couleur soutenue, ayant de la puissance; Maintenant on recherche plus de finesse, du parfum, de la saveur, de la fraicheur.
Néanmoins on observe que depuis 2003 la vigne fait preuve de résilience en Bourgogne. S'il fait trop chaud le raisin arrête de respirer (or c'est la respiration qui dégrade l'acidité). C'est un stress mais aussi une adaptation même si le débat est lancé de savoir si la vigne s'adapte ou si elle développe un réflexe de survie.
Une (autre) conséquence positive sera peut-être de présenter dans 50 ans un dossier de classement Premiers Crus en Hautes-Cotes de Nuits …
La dégustation proprement dite :
(N'ayant dégusté que des 100% Pinot noir je ne mentionnerai pas le cépage à chaque fois.)
Si Catherine et Laurent Delaunay produisent dans le sud de la France du Chardonnay et du Pinot noir, les deux cépages emblématiques de la Bourgogne, ce sont uniquement deux Pinot qui ont été retenus pour cette dégustation comparative entre Limoux et Bourgogne.
Situé dans une magnifique zone de montagnes au cœur de la Haute Vallée de l’Aude, le domaine de la Métairie d’Alon se compose de 25 ha de vignes répartis en 25 parcelles situées dans 11 lieux-dits autour du village de Magrie. Il est mené en culture biologique, dans le plus grand respect de la nature.
Les sols argilo-calcaires, associés au climat frais du haut Languedoc, permettent de produire de très grands vins.
Domaine de la Métairie d'Alon cuvée le village 2019 : (premier verre)
Une partie des raisins provient de parcelles de vignes de 12 ans exposées au nord dans une cuvette chaude, permettant une maturation lente et un très bon équilibre entre sucre et acidité. Nous sommes à 400 m d'altitude, et les raisins profitent de températures fraîches la nuit et du soleil en journée.
Foulés et égrappés, ils sont mis en cuve inox ouverte. La macération dure une quinzaine de jours avec quelques délestages et un ou deux pigeages. Elevage pour 60% en cuve inox, pendant 9 mois. Fermentation malolactique réalisée. Les 40% restant sont élevés en fûts de 3 et 4 ans pendant 6 mois. Embouteillage précoce en mai.
A la dégustation, belle couleur rouge cerise. Joli nez très expressif de fruits rouges. Notes florales de pivoine et de rose avec une touche de gingembre et de cerise. Vin très frais en bouche, rond, montrant une touche de réglisse et de poivre gris. Fraîcheur, élégance, finesse, ce vin présente une très belle typicité caractéristique du cépage.
Domaine de la Métairie d'Alon cuvée Solaire 2018
La cuvée porte le nom du lieu-dit où pousse une vigne de 17 ans. Le sol est argileux sur une roche mère basique, à une altitude de 360 mètres bénéficiant de l’air froid descendant des Pyrénées.
Les raisins sont choisis selon une sélection parcellaire. Foulés et égrappés à 75% mais en gardant 25% de vendange entière, les raisins ont été fermentés en cuves ouvertes permettant les pigeages. Durée totale de macération : 17 jours. Elevage pendant 9 mois en fûts de chêne de 1 à 3 ans. Embouteillage en juillet.
A la dégustation, belle couleur profonde. Premier nez évoquant la terre humide et l’humus suivi de notes florales capiteuses d’iris avant d'évoluer vers des notes plus fruitées de crème de framboise, de cerise bien mûre puis de chocolat noir. On sent beaucoup d’élégance et de profondeur dans ce vin. Il est ample et large en bouche. Les tannins sont très fondus. La finale est fraîche, avec une touche de réglisse.
2 - Quatre Bourgognes du Domaine Edouard Delaunay
Cette cuvée est issue d’un assemblage des plus beaux terroirs des Hautes-Côtes de Nuits. Les raisins proviennent de 5 parcelles situées pour moitié sur les coteaux de Villars Fontaine (50%), qui sont à la même latitude que Vosne-Romanée mais 100 m plus hauts en altitude. Ces terroirs majoritairement exposés Est-Sud-est et situés à 350 m d'altitude gardent des nuits fraîches durant toute la période de maturité des raisins, donnant ainsi toutes ses caractéristiques de pureté et fraîcheur aux vins.
Cette altitude supérieure des vignobles situés en Hautes Côtes de Nuits peut être une réponse au changement climatique en offrant des vins frais, purs et élégants. En outre, autrefois véritable vignoble d’arrière-saison puisque la vendange commençait le 20 octobre, la récolte a lieu maintenant un mois plus tôt.
Chaque parcelle est vinifiée et élevée séparément. Les raisins sont égrappés à 97%. une seule parcelle étant vinifiée en vendanges entières. La macération dure 15 jours. L’élevage sur fûts (17% seulement de fûts neufs) dure 9 mois.
La robe frappe l'oeil par sa couleur rouge foncée. Nez éclatant de petits fruits rouges (framboise, groseille, cerise) avec une note de ronce un peu sauvage, si typique des Hautes-Côtes, et des nuances profondes d’épices (cumin, thym) et surtout de camphre, que j'aime particulièrement. Très belle attaque en bouche, équilibrée et longue, vibrante, fraîche et élégante à la fois. On termine sur une note légèrement réglissée et une salinité rafraîchissante.
Le Hautes Côtes de Nuit, cuvée Les Rouards, 2020 est fait de raisins provenant de vieilles vignes de 40 à 50 ans qui ont perdu la fougue de la jeunesse au profit d’une belle énergie. Ce vin a de la profondeur autant que de la fraicheur.
Les sols sont composés de calcaire et de marne blanche datant du Jurassique. Les Rouards sont un des climats les mieux exposés et les plus représentatifs des Hautes-Côtes de Nuits. Les raisins y mûrissent lentement tout en gardant une très belle fraîcheur.
Vendangés à la main, les raisins sont soigneusement et rigoureusement triés, éraflés puis mis en cuve pour une très courte macération pré-fermentaire à froid. La révélation du potentiel du raisin s’effectue par des délestages lors d’une fermentation soutenue à température élevée (jusqu’à 32°C).
Belle couleur rouge profonde. Très beau nez élégant, ample et complexe avec des parfums de cerise, d’écorce et d’épices (cumin, cannelle, thym) et une touche de fruits à l’eau de vie. Belle attaque en bouche large et ample, avec beaucoup de fraîcheur, un très bel équilibre, une belle longueur se terminant par des tanins fermes mais élégants.
Le Nuit-Saint-Georges, cuvée Le Village, 2019
Nuits-Saint-Georges est une appellation iconique de la Bourgogne. Les trois parcelles composant cette cuvée se situent sur le piémont des côtes, au nord comme au sud du village, sur un sol calcaire mêlé d'argile et de marne. Cette typicité de sol apporte à la fois finesse et minéralité, mais également de la puissance et de la richesse. L'exposition des vignes est sud-est, idéale pour une bonne maturité des raisins.
Vendanges manuelles avec tri des grappes permettant de ne garder que les raisins les plus beaux et justifiant le terme de "cuvée signature". Mise en cuve après égrappage. La fermentation s'enclenche naturellement grâce aux levures indigènes. L’élevage en fûts de la cuvée dure 15 et 18 mois (30% en fûts neufs).
Le nez est ouvert, avec des arômes de réglisse typique des Nuits-Saint-Georges. En bouche, on retrouve des notes fruitées (coulis de fruits, noyau de cerise), soutenues par une légère acidité et des tannins typiques de Nuits. La finale est presque saline, pierreuse.
Enfin le Pommard 1er Cru Chaponnières 2019
Enfin le Pommard 1er Cru Chaponnières 2019
Les Chaponnières constituent l’un des plus beaux terroirs "premier cru" de Pommard. Les sols relativement argileux sont profonds. Les vignes de plus de 80 ans se sont profondément enracinées, garantissant une grande régularité aux millésimes même si le 2019 est le plus beau des dix dernières années en Bourgogne, rendant le vigneron très optimiste quant au vieillissement de ce vin.
Après une vendange manuelle réalisée à pleine maturité, les raisins sont soigneusement triés afin d’intégrer 30% de vendanges entières dans la cuvée. La macération dure 21 jours, suivie de 17 mois d’élevage en fûts (dont un tiers de fûts neufs).
La robe est un rubis profond, avec une consistance presque sirupeuse. Premier nez de café, de kirsch, de chocolat et de cerise mûre. La complexité est large avec poivre Sichuan, chocolat noir, herbes séchées, épices… Vin d’une impressionnante densité aromatique. L’attaque en bouche est superbe : ample, riche et complexe, mariant étonnamment fraîcheur et densité. Les tanins sont ici plus épanouis, témoignant d’une parfaite maturité. L'équilibre est parfait entre sucrosité et acidité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire