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lundi 22 septembre 2025

Bilan du 23 ème festival Paysages de cinéastes

Créé en 2001, le festival Paysages de cinéastes est un rendez-vous incontournable et majeur non seulement des chatenaisiens mais des amateurs de cinéma, et même plus largement de tous ceux qui veulent comprendre le monde.

Particulièrement cette année car, en choisissant de focaliser la programmation sur des réalisatrices, la déléguée générale Carline Diallo nous aura permis de constater que les sujets que les femmes ont à coeur de porter sur le grand écran sont principalement des questions de société.

Elle nous avait annoncé le soir de l’ouverture un cinéma qui questionne et qui dérange. Nous n’avions à cet instant pas encore mesuré combien ce serait le cas et il faut saluer l'occasion qu’elle nous a donnée. Citant Jane Campion, elle nous a rappelé que quand on donne la parole aux femmes elles ne parlent pas seulement d'elles, elles parlent du monde.

Elle avait bien raison d'ajouter, juste avant que le palmarès ne soit révélé que cette édition était difficile à refermer tant elle avait été belle et forte. La plupart des films, projetés dans le cadre des compétition ou des avant-premières questionnaient d’une part la maternité, les difficultés familiales, le médical, d’autre part le monde du travail et les migrations (mais là encore en associant la problématique familiale).

Jamais jusqu’à présent je n’avais eu cette occasion de voir autant d’œuvres sur le soin, même si je suis attentive à ce que font les femmes au cinéma, en littérature et au théâtre. Peut-être aussi que face à la lenteur des institutions à faire bouger les lignes toutes ces réalisatrices ont compris que rien ne changera profondément et qu’il y a urgence à s’engager et à secouer les consciences. Le cinéma devient alors une clé pour interpréter notre époque. 

Le premier, Sorda de Eva Libertad Garcia est une magnifique histoire d’amour familial essayant de triompher du handicap de la surdité et il avait bouleversé positivement la salle dès sa première projection.

Ensuite, encore un premier film, En falling, dans la lignée des films de Ken Loach, notamment Sorry we miss you mais on peux y voir aussi une version contemporaine des Temps modernes de Chaplin dans la dégringolade lente mais inéluctable d’une employée.

Unique second film de la compétition, Promis le ciel d’Erige Sehiri, nous alerte sur la situation des migrantes ivoiriennes en Tunisie au sein d’une communauté évangéliste. L’espoir est au coeur de ce film lumineux malgré un un climat social de plus en plus préoccupant et une difficulté croissante à réussir à faire face.

Hanami a touché le public par la poésie pour avec laquelle la réalisatrice réinterroge la mémoire de son enfance.

Quant à Des preuves d’amour, il aurait eu toutes les qualités pour être primé si la compétition n’avait pas été d’un niveau aussi élevé. La réalisatrice française Alice Douard, découverte à Cannes au cours de la Semaine de la critique, filme avec tendresse et pudeur une (autre) maternité hors normes que celle de Sorda, l'attente par Céline de la venue d'une petite fille dans le couple qu'elle a fondé avec sa femme Nadia. Elle devra trouver sa place et sa légitimité sous le regard de ses amis, de sa mère (formidable Noémie Lvovsky), et aux yeux de la loi…

L’annonce du palmarès ne fut pas une énorme surprise. La compétition des Longs métrages a distingué
Sorda de Eva Libertad Garcia qui reçut le Prix du Grand Jury, le Prix du Jury des Femmes et le Prix du Public.
Promis le ciel de Erige Sehiri obtint le Prix du Jury de la Jeunesse.
Nous aurons eu à travers cette sélection des prises de conscience bouleversantes mais tout à fait recevables. D’autres avant-premières sont plus difficiles à entendre comme L’intérêt d’Adam, a fortiori On vous croit dont la projection était synchrone d’une manifestation de femmes à Paris dénonçant que la garde des enfants maltraités soit quasi systématiquement accordée aux pères violeurs, au nom du sacro-saint principe de présomption d’innocence. Il faut que les choses bougent et on espère que le cinéma aura ce pouvoir. On le souhaite ardemment aussi pour la condition de toutes les femmes vivant dans l’Est du Congo et qui sont littéralement massacrées en toute impunité depuis plus de trente ans. Le courageux (et magnifique) Muganga - Celui qui soigne de Marie-Hélène Roux (ci-dessus) fait toute la lumière sur cet état de fait.

Sur la production mondiale seulement un film sur quatre est réalisé par une femme, ce qui fait que leur parole reste mineure. Il faut les suivre et les encourager car si leurs films sont forts et beaux, ils n’ont pas une visibilité suffisante puisque seulement 7 des 22 films programmés à Cannes étaient réalisés par des femmes. Nous sommes loin de la parité et l’excès de Carline Diallo, en leur accordant toute la place, n’a fait que rétablir une évidence.

Un autre des points forts du festival fut de mettre l’accent sur les courts-métrages, et là encore réalisés par des femmes. On ne dira jamais assez qu’aucun long ne sort ex-nihilo. La réalisation d’un ou plusieurs courts précède toujours celle d’un long-métrage. Et après avoir découvert quatre courts de la comédienne et réalisatrice Sonadie San, Présidente du Jury des Femmes (ci-contre), nous sommes impatients de voir un long signé par cette femme talentueuse qui sait si bien nous toucher en donnant voix aux récits et luttes féminines qui l’habitent.

Deux courts-métrages ont été distingués ex-aequo dans la compétition scolaire : Poxo Peanuts de Etienne Grignon et Les mousses de Guillaume Bailer-Schmitt. Chez les adultes ce sera le très abouti Turnaround de Aisling Burne qui aura fait l'unanimité. Un film qui résonne avec deux thèmes d'actualité, la montée des locations via une plateforme et la situation des migrantes.

La compétition Jeune Public distinguera Olivia de Irene Iborra. A cet égard la déléguée générale avait raison de se réjouir que cette 23 ème édition était marquée par une fréquentation record le soir de la projection dans la cité-jardin en direction du jeune public et des familles.

Cette semaine de festival aura démultiplié nos émotions et affuté nos regards grâce à une programmation audacieuse, généreuse et attentive à de multiples sensibilités. Carline Diallo a plus que jamais réussi à faire battre nos cœurs en partageant avec nous ses convictions.

Alors … rendez-vous l’année prochaine !

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