
Auparavant nous avons grandement apprécié le récital de la merveilleuse chanteuse interprète et mélodiste Ella Rabeson qui interpréta quelques standards de jazz.
Carline Diallo, déléguée générale du festival, nous a prévenus que nous allions tout au long de la semaine voir un cinéma qui questionne et qui dérange. Nous n’avions alors pas mesuré combien nous aurions de prises de conscience bouleversantes comme je le dirai en conclusion au moment de l’annonce du palmarès.
Si Vie privée a quelque peu secoué les spectateurs, ce n’est pas parce qu’il est un film à proprement parler dérangeant mais parce qu’il provoque la surprise par l’enchaînement de scènes peu classiques et un scénario pour le moins déroutant. C’est en effet assez osé de composer un personnage censé être solide de par sa profession de psychanalyste mais qui devient irrationnel.
Lilian Steiner (Jodie Foster) est une psychiatre reconnue dans sa profession. Elle n’est pas censé laisser transparaître ses émotions mais au contraire aider ses patients à surmonter les leurs. Néanmoins, lorsqu’il s’agit d’un cas de force majeur (la disparition tragique d’une femme -Paula Cohen-Solal- avec qui la relation professionnelle s’est construite depuis neuf ans) c’est peut-être admissible. Finalement cela laisse apparaître l’humanité derrière le masque des certitudes.
C’est le sixième long métrage de la réalisatrice française Rebecca Zlotowski mais sa première oeuvre dans un style policier. Elle a écrit le scénario original avec Anne Berest (ci-contre, photographiée lors de sa venue à Châtenay dans le cadre d’un débat que j’avais animé sur les premiers romans en 2011) et Gaëlle Macé, laquelle avait déjà collaboré au scénario de Grand Central (2013).
Le souci est peut-être que le spectateur ne sait pas trop s’il s’agit vraiment d’une comédie de mœurs se moquant des psys ou d’un véritable thriller. Des séquences d’une fantaisie osée comme les moments d’hypnose par une charlatane (qui a malgré tout d’excellents résultats et qui a l’honnêteté de ne pas réclamer d’argent) ou encore les coups de sang de Pierre Hallan, le patient fumeur (Noam Morgenszten) sans parler des agissements de Simon Cohen-Solal après l’enterrement de sa femme, alternent avec d’autres où la tension et le suspense sont intenses. Et d’autres encore où le cadrage et les lumières appartiennent davantage au registre du rêve. Virginie Efira est souvent une Paula évanescente dont on doute de la réalité.
Pourtant la photographie de George Lechaptois, qui avait assisté Rebecca Zlotowski pour tous les films qu'elle avait réalisés jusqu'à présent, est admirable et nous offre des plans d’une beauté intense, dans des décors que Katia Wyszkop a rendu automnaux, avec une forte dimension onirique.
Chacun appréciera surtout le jeu des acteurs. A commencer par la performance de Jodie Foster qui interprète en français Lilian Steiner, même si on sait que l’actrice parle cette langue parfaitement. Elle fut à l’affiche de plusieurs films français comme Le Sang des autres (1984) de Claude Chabrol ou Un long dimanche de fiançailles (2004) de Jean-Pierre Jeunet mais elle joue pour la première fois en français dans Vie privée et on peut parier que ce ne sera probablement pas la dernière.
Daniel Auteuil campe ici l’ex-compagnon de Lilian, entrainé par celle-ci dans son enquête délirante sur le présupposé meurtre de Paula et nous offre de jolis moments. Sophie Guillemin est une drôlissime Jessica Grangé, hypnotiseuse. Et Mathieu Amalric est le mari troublant de la patiente décédée, que le spectateur soupçonne sans lui accorder le bénéfice de la présomption d’innocence, influencés que nous sommes par les actualités autour des féminicides.
Les apparitions de Virginie Efira ne m’ont pas convaincue. J’en attendais sans doute plus de sensibilité dans l’expression tant elle fut merveilleuse dans le précédent long-métrage de Rebecca Zlotowski Les enfants des autres. Je peux admettre que la réalisatrice ait souhaité la diriger différemment.
On remarquera que le film comporte des scènes qui, sans être des hommages appuyés à des films qui ont déjà été cultes dans le domaine du thriller, les évoquent tout de même avec subtilité, notamment Vertigo d’Alfred Hitchcock qui traite une situation semblable, entre un policier et une femme suicidaire. Également à la récente série française En thérapie. Les cinéphiles feront aussi des rapprochements avec Le silence des agneaux ou Sommersby dans lesquels on a pu voir Jodie Foster.
Enfin sur le plan musical Vie Privée commence avec la musique de Psycho Killer, le tube sorti en 1977 par les Talking Heads décrivant les pensées d'un tueur en série dans un monologue qui donne bien le ton du film : I can't seem to face up to the facts (Je n'arrive pas à faire face aux faits), I'm tense and nervous and I can't relax (Je suis tendu et nerveux et je n'arrive pas à me détendre).
En fin de compte Vie privée est un film d’une grande densité, certes déroutant, mais qui, du coup, mérite d’être revu pour mieux en saisir toutes les subtilités.
Vie privée réalisé par Rebecca Zlotowski
Scénario d’Anne Berest, Gaëlle Macé et Rebecca Zlotowski ; Photographie de George Lechaptois
Musique de ROB (Robin Coudert) ; Décors de Katia Wyszkop
Costumes de Laurence Glentzlin et Bénédicte Mouret
Avec Jodie Foster (Lilian Steiner), Daniel Auteuil (Gabriel Haddad), Virginie Efira (Paula Cohen-Solal), Mathieu Amalric (Simon Cohen-Solal), Vincent Lacoste (Julien Haddad-Park), Park Ji-min (Vanessa Haddad-Park qu'on reverra dans La petite dernière, également présenté en avant-première au festival), et puis Luàna Bajrami, Noam Morgensztern, Sophie Guillemin, Frederick Wiseman, Aurore Clément, Irène Jacob …
Présenté le 20 mai 2025 (Festival de Cannes 2025) mais sortie nationale prévue le 26 novembre 2025
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