
Si on voulait traduire l’expression, ce pourrait être par en tombant ou mieux, chute libre ou encore dégringolade. C’est exactement ce à quoi il faut s’attendre avec ce premier long-métrage de Laura Carreira, une réalisatrice portugaise venant du documentaire, et qui a été présenté en compétition officielle dans le cadre du festival Paysages de cinéastes de Châtenay-Malabry.
Aurora, immigrée portugaise à Édimbourg , est préparatrice de commandes dans un entrepôt où son temps est chronométré. Au bord de l'abîme de la paupérisation et de l’aliénation, coincée entre les murs d’un immense centre de distribution et la solitude de sa propre chambre, elle se saisit de toutes les occasions pour ne pas tomber, notamment l'emménagement d’un nouveau colocataire polonais...
Tentons de suivre un raisonnement rationnel. En vivant en colocation la jeune héroïne devrait parvenir à joindre les deux bouts mais on comprend à petites touches que son compte bancaire est vide (on se demande pourquoi) : elle oublie soit-disant le virement à sa collègue de sa participation aux frais d’essence pour son transport, elle n’a pas versé sa quotepart pour l’électricité qui est brusquement coupée alors qu’elle prend une douche, des aliments disparaissent de la cuisine commune, et la catastrophe survient quand elle casse son téléphone et que la réparation frôle une centaine d’euros.
Le film est lent et fait ressentir le décalage entre la vitesse à laquelle les préparateurs de commande doivent scanner les produits (dont on apprend qu’ils sont dispersés au hasard dans l’entrepôt à l’instar d’une immense chasse au trésor pour éviter l’ennui) et la vacuité de la vied’Aurora. Peu de contacts avec les collègues, évidement restreints au moment du déjeuner ou des trajets en voiture entre domicile et lieu de travail.
Il s’ensuit des difficultés de relation, comme si tout était débranché chez cette jeune femme qui, du coup, se raccroche à des achats compulsifs et inutiles comme le traduit la scène dans le magasin de produits de beauté.
Ses tentatives de liens affectifs sont timides et sans grand résultat bien que tout le monde lui sourit. On la voit sombrer progressivement. Elle grignote à peine. Pourtant elle continue de scanner l’achat par correspondance de godemichets ou de cordes, qui réapparaissent régulièrement, comme une obsession et nous laissant entrevoir un projet de suicide. A moins que ce ne soit pire encore.
Le thème n’est pas nouveau. On se rappellera de Sorry we miss you, de Ken Loach, que j’ai trouvé tellement plus percutant. Pourtant le réalisateur est le cofondateur de Sixteen Films, une des sociétés de coproduction du film. On pensera aussi aux pièces de théâtre de Florian Pâque, que ce soit Etienne A, ou Fourmi (s) qui tous se situent dans la continuité des Temps modernes que Charlie Chaplin réalisa en 1936, à ceci près que l’humour n’apparaît plus dans les nouvelles interprétations, peut-être parce que la place de l’espérance d’un monde meilleur s’est amenuisée.
Le spectateur ignore presque tout d’Aurora (et a fortiori de ses origines familiales) dont la venue en Écosse est mystérieuse. Les échanges avec ses collègues et ses colocataires sont d’une grande banalité. Les scènes s’enchaînent avec une lenteur malaisante. On ressent la jeune femme comme une victime archétypale d’un système qui instaure d’une forme d’esclavagisme. Le plus troublant est peut-être l’absence de colère et de révolte de sa part (ou si peu …) et le manque d’empathie qui en fin de compte nous culpabilise, ce que la réalisatrice cherchait sans doute à faire en filmant une vie devenue implacablement sans issue.
On falling, un premier film de Laura Carreira
Scénario de Laura Carreira
Avec Joanna Santos; Inès Vaz, Piotr Sikora, Neil Leiper, Jake McGarry …
Prix de la Meilleure Réalisation Saint-Sébastien 2024Sutherland Trophy au BFI London Film Festival en 2024
Prix d’Interprétation féminine au festival Premiers Plans d’Angers 2025 pour Joana Santos
Sortie en salles le 29 octobre 2025
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Rappel du palmarès du 23ème festival Paysage de cinéastes
Compétition des Longs métrages
Prix du Grand Jury, Prix du Jury des Femmes et Prix du Public: Sorda de Eva Libertad Garcia
Prix du Jury de la Jeunesse: Promis le ciel de Erige Sehiri
Compétition Jeune Public : Olivia de Eva Libertad Garcia
Compétition des Courts métrages
Prix des Scolaires (2 films ex aequo) : Poxo Peanuts de Etienne Grignon et Les Mousses de Guillaume Bailer-Schmitt
Prix du public: Turnaround de Aisling Byrne
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