
Etant en ce moment au Mexique la concurrence ne s’exerce plus et j’ai exploré les ouvrages qui attendaient dans le fichier Téléchargements.
La Sologne est au coeur de la vie et de l’oeuvre de Dominique Labarrière, un enseignant, journaliste et écrivain né à Gien, en bordure de ce territoire que je croyais connaitre bien.
Son ouvrage offre un regard personnel que l’auteur reconnaît avoir écrit dans un esprit de "nostalgie heureuse". Il est extrêmement documenté sur une région richissime sur le plan historique. J’ai appris énormément de choses que je ne soupçonnais pas, étant restée principalement à des images traditionnelles d’étangs et de forêts, de pins et de bruyère, de pêche et de chasse pratiquées par les habitants de petits villages aux charmantes maisons de brique ou par de riches propriétaires disposant de vastes domaines entretenus par des garde-chasses.
J’ignorais que l’auteur de Thierry la Fronde, le héros que j’admirais sur la télévision en noir et blanc de mon enfance, était originaire de Mennetou-sur-Cher où il habitait le prieuré, vestiges d’un ancien monastère. Et surtout je ne soupçonnais pas que ce village avait pour spécialité l’andouillette à la ficelle à laquelle une foire est dédiée chaque année.
J’ai été intriguée par le train-tortillard, dont je n’avais jamais entendu parler, la faute au fait que j’utilisais la voiture pour circuler en Sologne. J’essaierai de suivre le conseil de le prendre (p. 125) pour aller visiter le château de Valençay.
Il est horrible d’apprendre que Romorantin, tout comme Paris, a failli être détruite mais que les deux villes ont été sauvées car les ordres d’Hiler n’ont pas été exécutés (p. 135).
Vous connaîtrez en le lisant l’étymologie du mot énergumène. Et vous en saurez davantage sur les coutumes de Noël, en particulier sur la tradition du terfou (dont j’ignorais tout). C’est le nom de la buche, la plus grosse possible, qu’on met dans la cheminée juste avant de partir pour la messe de minuit (p. 143). Il doit, selon les villages, tenir trois jours, parfois le temps des trois messes de Noël, ou même jusqu’au premier janvier.
Vous saurez qu’autrefois, pour fêter la Saint-Eloi, les apprentis accrochaient un bouquet à la porte de leurs employeurs et on tirait un coup de fusil à blanc devant chaque atelier ou maison de patron.
J’ai habité de nombreuses années près de Marcilly-en-Villette. Je n’ai jamais remarqué cette boutique dont l’enseigne, paraît-il célèbre, fait l’objet d’une note de bas de page : Taphalot perruquier, donne à boire et à manger. Potage à toute heure avec de la légume. On coupe les cheveux par-dessus (p. 148).
Que d’évènements surprenants se sont produits en Sologne. La région aurait connu la dernière femme guillotinée en public en France, après un horrible assassinat d’une grand-mère en 1886 (p. 149). Dominique Labarrière met en perspective les faits avec le climat de superstition et la crédulité des populations les moins instruites. Il ajoute qu’on sait "de source sûre combien les solognots étaient au XIX° siècle victimes de déficiences physiques notables " (p. 155).
Il souligne (p. 159) combien les habitants des campagnes et des temps anciens exerçaient le plus souvent de petits métiers – de la ch’tite besogne – dont il leur fallait bien s’accommoder. Il estime que le braconnage peut légitimement être considéré comme un métier – bien qu’évidemment non reconnu –, n’appartenant à aucune corporation et échappant aux nomenclatures officielles. Il souligne aussi une autre activité singulière, disparue aujourd’hui, celle du charbonnier. Et dans les bourgs, celui qui avait pignon sur rue était bien évidemment le maréchal-ferrant , mais aussi le charron ou le bourrelier, car tous trois de noble besogne (p. 161).
On trouvait aussi dans les villages, comme partout dans les campagnes françaises, des sabotiers, des tonneliers, des cordiers, des charpentiers, des menuisiers, des tuiliers, des potiers d’étain et de terre, des scieurs de long, des tanneurs, des meuniers, des ferrandiers (cardeurs et peigneurs de chanvre), des cardeurs de laine, des taupiers, des mestiviers qui étaient au blé ce que les vendangeurs étaient à la vigne, des collecteurs de sangsue, des rémouleurs… des batteurs en grange, et le bouilleur de cru qui promenait son alambic (p. 164).
Parmi les itinérants, on trouvait aussi les batteurs de plume – les batteux d’plume – qui allaient de demeure en demeure et n’avaient pas leurs pareils pour redonner aux édredons vieillissants leur volume initial (p. 164). Passaient également les toileux d’moulin qui rafistolaient le tapis des moulins à bluter domestiques. Cheminaient pareillement à travers la Sologne les colporteurs. Fort souvent, ils n’étaient pas du pays. Ils venaient du Jura, de Savoie, d’Auvergne.
En refermant ce livre je m’aperçois que je ne savais guère que ça, le nom désignant l’auvent de l’église où l’on cause après les offices, juste avant de passer au bistrot, justifiant le terme de "caquetoire" (p. 162). Il n’est pas oublié parmi le quelques mots "en vieux parlage" (p. 185) où je reconnais aussi "comptrenoire" pour intelligence et "envorner" pour étourdir que j’ai tant entendu prononcer par mes grands-parents … qui n’étaient pourtant pas du tout solognots.
Enfin, il y avait (et d’après l’auteur il y a toujours qui affirme avoir été guéri par un des plus fameux) des métiers s’exerçant dans l’ombre, avec les guérisseurs et les rebouteux (p. 167). Dominique Labarrière nous autorise à en sourire mais il préfère décrypter cet exercice comme une forme de résistance face au destin et à ses multiples coups bas, le refus plus ou moins conscient de céder au fatalisme. On se battait contre ces épreuves sans fin avec les moyens du bord, dérisoires le plus souvent. On se battait mal, mais on se battait (p. 180).
Comment ne pas voir cela comme un compliment à l’égard des Solonais, comme on disait autrefois (p. 173) ? en tout cas j’ai retrouvé dans ce livre quelque chose de comparable à ce que dégageaient les oeuvres de Claude Seignolle (1917-2018) écrivain, folkloriste et éditeur français qui est sans surprise cité dans le livre. Il avait commencé par collecter le patrimoine légendaire des régions françaises avant de développer une œuvre littéraire personnelle.
Il ne faut pas s’arrêter à l’humour caustique du titre. Il appartient à une collection d’ouvrages qui tous commencent de la même manière et qui comprend déjà une dizaine d’opus. Il faut comprendre ici "je me soigne" au sens de "prendre soin". Tout l’amour de l’auteur pour sa région d’origine transparaît à chaque page des 21 chapitres aussi documentés que savants.
Il est illustré par Alexandre Hébert, alias Alex, qui est dessinateur de presse notamment pour Le Courrier Picard.
Parmi les autres ouvrages de cet auteur plutôt prolifique, publiant régulièrement des récits historiques dont on sent bien la connotation d’enquête, j’ai noté :
- Marie Besnard, l’énigme (avec Olga Vincent), éditions Michel Lafon, 2006.
- Cet homme a été assassiné, contre-enquête sur la mort de Pierre Bérégovoy, La Table Ronde, 2003.
- Léonard de Vinci et le mystère Chambord, Guy Trédaniel éditeur, 2019.
Ce dernier ouvrage nous amène bien entendu en Sologne.
Héliopoles est une maison d’édition indépendante fondée en 2009 par Zoé Leroy et Christophe Brunet avec un double credo : choisir et partager.
Je suis solognot … mais je me soigne de Dominique Labarrière, illustré par Alex, collection Je suis … mais je me soigne, éditions Héliopoles, en librairie depuis juin 2025
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