L’écriture de Fabienne Jacob est à la fois déroutante et familière, quasi familiale. Le livre s’ouvre sur un départ, se clôture sur une arrivée. Entre temps aura surgi une série de corps féminins dont l’histoire résonne avec sa généalogie, la sienne propre, ou celle de la narratrice. Avec, au milieu du roman, la traversée d’une figure paternelle au regard flottant et brûlant.
Monika, celle qui raconte, porte un « nom de fraise sauvage dans une clairière qui lui fait connaitre la Suède sans y être jamais allée ».
Monika, l’esthéticienne, a le regard d’une photographe quand elle scrute la peau des clientes de l’institut. Elle vit à la ville mais elle est restée campée sur ses assises paysannes. On pourrait penser parfois à Marie-Hélène Lafon.
Que le roman ait dérouté plus d’un lecteur professionnel de la chose écrite ne me surprend guère. Ce n’est pas un livre qui se laisse lire avec précipitation. Qu’il ait séduit le jury d’un Prix littéraire ne m’étonne pas davantage. Parce qu’il est singulier, assez cohérent avec l’image que l’auteur a des femmes.
Elle écrit (page 57) qu’elle préfère celles à qui il manque quelque chose, celles qui désirent à celles qui possèdent, celles qui continuent d’attendre qui continuent de palpiter.
Et puis au cas où le lecteur n’aurait pas « imprimé » -comme on dit aujourd’hui-, elle nous le ressert page 157 avec les mêmes mots. On pourrait lui retourner le compliment.
Les femmes sont belles quand elles sont dans leur vérité. Exactement dans la coïncidence de leur corps et des années. Là encore cela nous sera dit deux fois.
Fabienne Jacob ne s’est pas dépouillée de la grande matrice de l’enfance. Son modèle demeure Else, la grande sœur et sa supériorité qui l'autorise à croire qu'elle peut lui faire croire presque tout ... Elle tourne autour de la scène primitive et nous fait valser dans son tourbillon.
Le livre devient une chanson douce, avec ses couplets écrits comme des nouvelles (ce qu’elle avait excellé à faire dans son premier livre), autant de petits hymnes à des femmes qui ne seront jamais des héroïnes, et des petits refrains qui enfoncent le clou de ses convictions. Avec une poésie de l'extrême.
L’écriture bute sur la syntaxe, enjambe les premières parties de négation, s’affranchit des virgules, raconte par bribes, flirte avec le franc parler (Ludmilla ! Arrête le gloss, arrête les caleçons). Çà sonne. Çà tonne. Çà remue dans un monologue titubant, un déhanchement du texte, un swing. Et çà résonne à tue-tête comme la musique de Jacques Brel.
Oui les magazines sont remplis de corps de femmes qui n’existent pas. Oui elles veulent avoir le même. Au diable s’il faut pour cela avoir des seins morts. (page 34) Oui, les femmes en sont sans doute conscientes. Mais non, elles ne veulent pas qu’on leur montre autre chose. Les publicitaires qui ont osé photographier de vraies personnes sans faire les retouches habituelles n’ont pas vu les ventes progresser. Les femmes s’accrochent à leurs rêves. Voilà tout.
La photo de couverture montre d’ailleurs un dos assez exemplaire. En noir et blanc tout de même. Presque dans la position figée avant une radiographie. Le texte est couché sur un papier crème. Un livre d’automne …
Avant de le refermer mes yeux portent sur la dédicace : à mon père, où qu’il soit. La petite phrase fait intimement écho aux premiers mots du roman : Quand tout aura disparu, il restera cela. Pouvoir éteindre une lampe (…) Le pouvoir de faire disparaitre.
J'avais rencontré Françoise Jacob à Nancy, invitée pour la première fois au Livre sur la place. La mosellane était plutôt émue de retrouver la ville où elle avait fait ses études avant d'entreprendre de lointains voyages. L'échange qui avait été arbitré entre elle et Claire Castillon par Sarah Polacci pour Radio Bleue Lorraine avait été très intéressant. Leur vision du corps féminin était assez complémentaire.
Je publierai bientôt un portrait de Fabienne Jacob sur Lorraine de cœur. Dans cette attente écoutons là s'exprimer plus personnellement:
Monika, celle qui raconte, porte un « nom de fraise sauvage dans une clairière qui lui fait connaitre la Suède sans y être jamais allée ».
Monika, l’esthéticienne, a le regard d’une photographe quand elle scrute la peau des clientes de l’institut. Elle vit à la ville mais elle est restée campée sur ses assises paysannes. On pourrait penser parfois à Marie-Hélène Lafon.
Que le roman ait dérouté plus d’un lecteur professionnel de la chose écrite ne me surprend guère. Ce n’est pas un livre qui se laisse lire avec précipitation. Qu’il ait séduit le jury d’un Prix littéraire ne m’étonne pas davantage. Parce qu’il est singulier, assez cohérent avec l’image que l’auteur a des femmes.
Elle écrit (page 57) qu’elle préfère celles à qui il manque quelque chose, celles qui désirent à celles qui possèdent, celles qui continuent d’attendre qui continuent de palpiter.
Et puis au cas où le lecteur n’aurait pas « imprimé » -comme on dit aujourd’hui-, elle nous le ressert page 157 avec les mêmes mots. On pourrait lui retourner le compliment.
Les femmes sont belles quand elles sont dans leur vérité. Exactement dans la coïncidence de leur corps et des années. Là encore cela nous sera dit deux fois.
Fabienne Jacob ne s’est pas dépouillée de la grande matrice de l’enfance. Son modèle demeure Else, la grande sœur et sa supériorité qui l'autorise à croire qu'elle peut lui faire croire presque tout ... Elle tourne autour de la scène primitive et nous fait valser dans son tourbillon.
Le livre devient une chanson douce, avec ses couplets écrits comme des nouvelles (ce qu’elle avait excellé à faire dans son premier livre), autant de petits hymnes à des femmes qui ne seront jamais des héroïnes, et des petits refrains qui enfoncent le clou de ses convictions. Avec une poésie de l'extrême.
L’écriture bute sur la syntaxe, enjambe les premières parties de négation, s’affranchit des virgules, raconte par bribes, flirte avec le franc parler (Ludmilla ! Arrête le gloss, arrête les caleçons). Çà sonne. Çà tonne. Çà remue dans un monologue titubant, un déhanchement du texte, un swing. Et çà résonne à tue-tête comme la musique de Jacques Brel.
Oui les magazines sont remplis de corps de femmes qui n’existent pas. Oui elles veulent avoir le même. Au diable s’il faut pour cela avoir des seins morts. (page 34) Oui, les femmes en sont sans doute conscientes. Mais non, elles ne veulent pas qu’on leur montre autre chose. Les publicitaires qui ont osé photographier de vraies personnes sans faire les retouches habituelles n’ont pas vu les ventes progresser. Les femmes s’accrochent à leurs rêves. Voilà tout.
La photo de couverture montre d’ailleurs un dos assez exemplaire. En noir et blanc tout de même. Presque dans la position figée avant une radiographie. Le texte est couché sur un papier crème. Un livre d’automne …
Avant de le refermer mes yeux portent sur la dédicace : à mon père, où qu’il soit. La petite phrase fait intimement écho aux premiers mots du roman : Quand tout aura disparu, il restera cela. Pouvoir éteindre une lampe (…) Le pouvoir de faire disparaitre.
J'avais rencontré Françoise Jacob à Nancy, invitée pour la première fois au Livre sur la place. La mosellane était plutôt émue de retrouver la ville où elle avait fait ses études avant d'entreprendre de lointains voyages. L'échange qui avait été arbitré entre elle et Claire Castillon par Sarah Polacci pour Radio Bleue Lorraine avait été très intéressant. Leur vision du corps féminin était assez complémentaire.
Je publierai bientôt un portrait de Fabienne Jacob sur Lorraine de cœur. Dans cette attente écoutons là s'exprimer plus personnellement:
"Corps" de Fabienne Jacob
envoyé par editionslibella. - Regardez plus de courts métrages.
1 commentaire:
je note ce livre, j'avais déjà lu une critique sur le monde et en écoutant la vidéo, cela me donne envie de lire son livre, merci pour cet éclairage très intéressant !
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