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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

vendredi 15 octobre 2010

Rencontre avec François Robin, fromager chez Fauchon

(billet mis à jour le 28 octobre 2010)
La Semaine du Goût est désormais quasi annuelle. Se tournant vers les consommateurs de demain elle organise régulièrement depuis deux ans des actions d'information et de découverte de produits dans les universités. Intitulées Chef sur le campus, ces rencontres sont passionnantes. J'ai eu la chance de pouvoir ainsi assister à un atelier animé par François Robin, fromager chez Fauchon, venu spécialement dans le grand amphithéâtre de l'Institut géographique national, 191 rue Saint Jacques, Paris V° à l'invitation de l'association Geofood qui propose aux étudiants chaque mois un atelier du goût.

On commence par le B.A. BA, à savoir la définition officielle de ce qu'on a le droit d'appeler fromage en France, instituée par le Décret n°88-1206 du 30 décembre 1988.
La dénomination "fromage" est réservée au produit fermenté ou non, affiné ou non, obtenu à partir des matières d'origine exclusivement laitière suivantes : lait, lait partiellement ou totalement écrémé, crème, matière grasse, babeurre, utilisées seules ou en mélange et coagulées en tout ou en partie avant égouttage ou après élimination partielle de la partie aqueuse. La teneur minimale en matière sèche du produit ainsi défini doit être de 23 grammes pour 100 grammes de fromage.
Lundi dernier François Robin était lui-même sur le grill des examinateurs chargés de sélectionner les candidats au prestigieux titre de MOF, entendez Meilleur Ouvrier de France. Le 28 octobre j'apprenais qu'il figurait parmi les neuf finalistes.
Cet après-midi ce sont nous qui sommes soumis à l'interrogatoire : tout ce qu'il a disposé devant lui appartient-il bien à cette catégorie ? On flaire le piège. Difficile néanmoins de loin de trouver l'intrus : ce râpé qui est en réalité un "produit spécial cuisson" vendu à prix gagnant (donc très bas) si j'en crois ce qui est écrit sur l'emballage. La liste des ingrédients fait frémir car le pourcentage de fromage est dérisoire.

Il est rassurant de savoir que la dénomination de fromage est bien encadrée dans notre pays et qu'on ne peut pas vendre n'importe quoi sous ce nom. Pas plus qu'on ne pourrait y ajouter du gluten par exemple. La seule recommandation est de bien lire les étiquettes.

Il nous annonce ensuite qu'il va fabriquer un fromage sous nos yeux. En ajoutant "simplement" un jus de citron dans du lait bouillant. Il aurait pu prendre du chardon ou des feuilles de figuier. Une recette garantie avec tous les laits frais ou pasteurisés (pas le lait stérilisé).

Une fois égoutté à travers une étamine et après avoir bien pressé le résultat a l'apparence d'un chou-fleur mais c'est bien un fromage, tout à fait consommable avec tomates et oignons pour relever le goût.

Il existe au Mexique un dessert très populaire qui est proche de cette méthode. On mélange 10 gouttes de présure pendant une minute dans un litre de lait cru de vache. On verse sans un saladier et on enfourne 1 heure à 40 degrés. Puis on découpe en formant un gros quadrillage. On transvase alors dans une casserole et on laisse reposer sous un mélange de 140 grammes de sucre roux en poudre, une cuillerée à café de cannelle et une pointe de vanille en poudre. Au bout de 10 minutes on fait chauffer à feu doux 2 heures, jusqu'à réduction quasi complète du lactosérum et formation d'un sirop. Ce sont les chongos zamoranos (p. 146 des très intéressantes Variations inventives autour des fromages au lait cru de Véronique Chapacou chez Tana Editions en septembre 2009)

François Robin soumet l'assistance à un travail de reconnaissance des 7 familles, des origines géographiques, des noms. Les étudiants ont de solides connaissances mais on apprend tous de nouvelles choses, comme l'absence de pâtes filées dans les gammes françaises à l'instar de la mozarella ou la spécialité suisse en matière de pâtes pressées cuites. La notoriété du camembert remonte à 1914. Un fabricant étiqueta sa production le Patriote et l'envoya nourrir les soldats sur le front. Le camembert est devenu alors le plus populaire des fromages jusqu'à la caricature.

Il nous rappela aussi que la saison du chèvre s'étend de février à octobre et qu'on fait les fromages de brebis de décembre à juin.
Il démystifie des modes de consommation en nous faisant bénéficier de son savoir-faire. Prenez par exemple un carré quelconque (c'est lui qui le dit) du Val de Meuse. Coupez le en carré réguliers. Surmontez d'une cuillerée à café d'une compotée de mirabelles (ou de tout autre confit de votre choix). Pulvérisez du gin et servez au bout d'une pique. L'astuce de François Robin est de se fournir en flacon sans propulseur acheté chez les grossistes fournissant les coiffeurs (nombreux dans le quartier de la gare de l'Est).

Autre présentation possible avec des carrés de fromage blanc qui ont macéré quelques heures dans une infusion à froid de jus de betterave enrichi de badiane. Surprenant ...
Le meilleur était à venir. Un Beaufort Chalet d'alpage a remporté unanimement tous les suffrages. Un goût de beurre frais, des arômes de muscade, un fondant exceptionnel pour un fromage de grand cru. Avec un croquant qui fait penser à des grains de sel. Ces minuscules étoiles blanches visibles sur la tranche de section du fromage sont des cristaux de tyrosine. Ils attestent de la protéolyse lors de la maturation. Elle intervient dans la synthèse de la mélanine, le pigment naturel de la peau et des cheveux et des hormones thyroïdiennes. Je crois honnêtement n'avoir jamais dégusté de fromage aussi aromatique.

Beaucoup de questions lui furent posés. Il avait réponse à toutes, rappelant qu'entre le Salers et le Cantal les différences essentielles concernent la période et le lieu de fabrication. Le Salers est fait uniquement pendant la période de mise à l’herbe des vaches, c'est-à-dire entre le 15 avril et le 15 novembre, obligatoirement à la ferme, deux fois par jour après chaque traite. L’affinage dure au minimum 3 mois, et peut se prolonger jusqu’à 1 an selon le goût recherché.

Une nouvelle dégustation attendait les participants à la sortie de l'amphithéâtre dans le hall de l'Institut. L'étoile du Vercors avait amené ses spécialités au lait cru. Et quelles spécialités ! Deux vaches, le Saint-Félicien fondant (l'Étoile est le seul à l'enrichir de crème fraiche) et le Saint Marcellin, deux chèvres, le Rocamadour et le Picodon furent appréciés unanimement.






Le banon eut un peu moins de succès, probablement parce que la température de la pièce avait favorisé une explosion de saveurs boisées un peu (trop) corsées. Ce fromage devra être regouté dans un contexte plus favorable.

Autres recettes aussi originales qu'appétissantes dans le livre de Véronique Chapacou Variations inventives autour des fromages au lait cru chez Tana Editions en septembre 2009.

Recettes et explications détaillées sur les fromages de
l'étoile du Vercors sur le site dédié.

La visite du nouveau site du Goût s'impose également. Il y a des nouveaux articles tous les jours.

Renseignements sur le
Master Alimentation, cultures alimentaires auprès des enseignants de l'Institut, Gilles Fumey ou Vincent Moriniaux au 01 44 32 14 36

Association Geofood, 191 rue Saint Jacques, 75005 Paris

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