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mardi 7 avril 2015

Selma, premier film consacré à Martin Luther King, magistral !

Selma ! Le nom n'évoque pas grand chose pour moi, et sans doute pas davantage pour vous. J'espère qu'aux États-Unis il est associé à Martin Luther Kinger comme le sel à Gandhi.

Cet homme est de la veine des Mandela, Aung San Suu Kyi et autres non violents qui sont restés dans leur ligne d'action malgré les violences subies sur leur peuple.

Le film retrace un épisode de la lutte du peuple noir pour l'obtention du droit de vote. Plus précisément pour l'application de la loi accordant ce droit aux noirs.

Cette lutte historique a été menée par le Dr Martin Luther King pour garantir le droit de vote à tous les citoyens. Au prix d'une dangereuse et terrifiante campagne qui s’est achevée par une longue marche, depuis la ville de Selma jusqu’à celle de Montgomery, en Alabama, et au terme de laquelle le président Johnson a signé la loi sur le droit de vote en 1965.

Selma démarre quatre mois après l'assassinat de Kennedy. Johnson venait d'être élu à une majorité écrasante. Le droit de vote avait été voté mais il subsistait des bastions où les blancs n'avaient pas digéré le progrès.

Pendant plus de deux heures (mais on ne relâche notre tension à aucun moment) nous partageons la colère de ces gens qui n'avaient pour arme que leur propre corps. On prend cette leçon d'humanité en pleine conscience.

Je savais combien Rosa Park avait été déterminante dans la capitulation de la ségrégation. Je connaissais les exactions commises le Ku Klux Klan. La lecture de la Couleur des sentiments nous en avait appris beaucoup sur ce que fut le quotidien des familles de couleur dans le Sud américain.

Tout n'avait pas été dit. Et, on a beau dire, nous sommes de l'autre côté de l'Atlantique. Au pays des droits de l'homme, et même s'il n'est pas parfait, on ne peut pas imaginer qu'un tel degré d'humiliation ait pu paraître "normal" jusqu'à ce que mort s'ensuive en toute impunité.

Le réalisateur pointe la psychologie aussi bien de la communauté noire que des politiques (blancs). Sans doute le film est-il encore plus percutant maintenant qu'Obama est arrivé au pouvoir suprême.

N'empêche que c'est un uppercut et je comprends qu'un jour férié ait été ajouté au calendrier américain, le troisième lundi du mois de janvier, pour que jamais on n'oublie ce que l'on doit à Martin Luther King. Cet homme au nom magnifique, résonnant comme un cri de guerre, cumulait les compétences. En particulier celle de pouvoir discuter et argumenter d'égal à égal directement avec le président.

J'ignore si les conversations qui sont dialoguées dans le film sont rigoureusement exactes mais elles sont exemplaires de la détermination de l'un et de la couardise de l'autre. La non violence seule n'aurait pas suffit.

Il faut retenir de l'histoire que cet homme n'aurait pas non plus réussi s'il n'y avait pas eu un groupe autour de lui, soudé à l'extrême, même s'il existe des tensions et des mésententes momentanées. L'appui de sa femme fut lui aussi déterminant. Comme derrière chaque grand homme.

Les acteurs sont fabuleux. Le cadre est d'une maîtrise exceptionnelle. On est au coeur de l'action. Secoué par la bombe qui pulvérise un escalier. Tremblant d'effroi sous les coups des policiers. Ne sachant où fuir quand les chevaux foncent sur la foule.

Ce qui est touchant c'est que l'on sent davantage la détermination que la révolte. La volonté plus que la revanche. C'est sans doute ce qui a permis au mouvement de réussir en ralliant d'une part l'ensemble de l'opinion publique et un aussi grand nombre de blancs. Car à partir du moment où les marches ont associé des blancs il devenait difficile à la police d'employer les mêmes méthodes de dispersion.

L'appui de personnalités comme Joan Baez, Peter Paul and Mary ou Pete Seeger ( dont on aperçoit le visage sur des images d'archives) a du compter énormément.

Je recommande de voir le film en version originale, évidemment. Pour percevoir les différences d'accent, et de manière de s'exprimer selon la condition sociale et géopolitique. Pour entendre aussi qu'on ne dit pas "black" mais "negro". On sait que le peuple noir chantait des negros spirituals mais on ne faisait pas nécessairement le rapprochement avec la racine étymologique. Et Dieu sait comme le mot nègre a une connotation raciste.

Voir qu'il fallait indiquer sa race sur le formulaire d'inscription aux listes électorales (alors qu'en France on supplie presque les citoyens de devenir électeurs) semble relever d'un autre monde. Le réalisateur commence astucieusement par la cérémonie de remise du Prix Nobel de la Paix et on mesure l'écart de traitement entre cet instant et les méthodes policières.

Les acteurs sont simplement magnifiques. On éprouve une très forte empathie pour les uns et on a envie de gifler les autres, en particulier Tim Roth qui a le difficile rôle du Gouverneur George Wallace.

La musique occupe une place de choix. La chanson originale Glory orchestrée par le chanteur et pianiste américain John Legend et le rappeur Common, a remporté l'Oscar de la Meilleure chanson le 22 février 2015. Elle est très moderne, avec son rythme hip-hop sur lequel le rappeur parle de liberté et de justice.

Le pianiste de jazz américain Jason Moran est aux commandes de la musique sur trois titres : "Cager Lee", "Final Speech" et "Bloody Sunday Parts 1-3". Dans la bande originale, on retrouve aussi un florilège de titres de légende signés Otis Redding et The Impressions (avec Keep on Pushing de 1964), ou encore de Fink, Sister Gertrude Morgan, Ledisi, Martha Bass.

On  entend aussi "Take My Hand, Precious Lord" qui est un gospel qui était la chanson préférée de Martin Luther King. Il a souvent sollicité Mahalia Jackson pour l'interpréter au cours des marches. Ce sont ces paroles là qu'il a demandé juste avant de mourir pour accompagner ses funérailles.

J'espère que vous serez nombreux à voir le film qui est le premier consacré à cette immense personnalité.

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