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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mercredi 8 septembre 2021

Délicieux, un film d’Eric Besnard

Voilà un film que je ne pouvais pas manquer. Je ne me doutais pas un instant que Délicieux me décevrait à ce point. Il avait tout pour me plaire. Le thème, la genèse de la création du premier restaurant, pour moi qui m’intéresse aux ouvertures. Les comédiens car la distribution m’enchantait, aussi bien Grégory Gadebois qu’Isabelle CarréBenjamin Lavernhe ou même Guillaume de Tonquédec

Rien ne m’a paru vrai dans le scénario qui semble artificiel, exagéré, outrancier, à l’instar de la démesure des perruques du capricieux Duc de Chamfort (Benjamin Lavernhe) dont les caprices sont totalement prévisibles.

Le film se déploie d’ailleurs sans suspense. On se doute dès la première scène que Pierre Manceron (Grégory Gadebois) n’obtiendra pas la reconnaissance souhaitée avec ses « délicieux ». On est persuadé qu’il rebondira plus tard. On devine que la femme qui se présente pour devenir son apprentie (Isabelle Carré) n’est pas là par pur hasard. Sa tenue laisse supposer qu’elle vient d’une certaine classe sociale. Les diverses péripéties sont également sans surprise.

Néanmoins le résultat est élégant et divertissant même si on apprend peu de choses sur les pratiques culinaires d’autrefois. J'ai beau railler les coiffures, je trouve que le travail de Madeline Fontainsur les costumes est remarquable, tout comme il l'était déjà dans La bonne épouse. Mais il est peu réaliste qu'Isabelle Carré puisse porter la même robe du début à la fin, sans l'avoir tachée alors qu'elle est censée cuisiner et qu'elle n'a pas de pressing dans cette campagne reculée.
Coté décors, Bertrand Seitz a fait un exploit. Car comment expliquer que surgissent une profusion de fleurs dans cette France profonde (dont les paysages sont magnifiquement filmées au demeurant), autant de légumes et de viandes d'une diversité à rendre jaloux n'importe quel chef.

La minuscule brigade cuisine un banquet dans un temps record, encore plus vite que les candidats de Top chef. Il est impossible d'y croire. On est dans un univers plus proche d'un conte fantastique de Jacques Demy comme Barbe-Bleue que dans un documentaire qui nous raconterait la naissance du premier restaurant.

Que ce soit une femme qui ait soufflé cette idée à un homme est une idée plaisante mais elle fait pas oublier que la cuisine est un univers extrêmement machiste où le lexique est emprunté à l'armée et où l'obéissance et la soumission font force de loi.

J'ai tout de même apprécié qu'on nous rappelle qu'avant la Révolution les pauvres se nourrissaient (dans le meilleur des cas parce que le pain était une denrée chère) alors que les riches se gavaient en exhibant des tables composées comme des tableaux. Les viandes étaient rehaussées de plumes, comme on pouvait encore en voir au début de notre siècle. L'oeil primait en quelque sorte sur le goût. Jusqu'à ce qu'on abandonne le service à la française (on présente tous les plats entiers en même temps) au profit du service à la russe (un plat après l'autre, avec service à l'assiette). 

On n'a pas oublié le mal que s'est donné Parmentier pour faire admettre la pomme de terre, non pas parce qu'elle poussait sous terre mais parce que les premiers à les cultiver avaient eu la très mauvaise idée d'en consommer les feuilles. Elles sont très toxiques, de même que le vert des tubercules. Et il est exact que l'abondance d'épices servait autrefois à masquer le goût de la viande faisandée.

Mais en réalité, la naissance du premier restaurant ne s'est pas effectuée de façon aussi romantique. Ni bien entendu que ce soit un ancien relai de poste qui se soit transformé en auberge. Et rien ne dit que le premier patron ait été aussi imprégné des valeurs de la philosophie des lumières, notamment le droit à la seconde chance.

Délicieux reste une charmante fable qui fait saliver à de nombreux moments, notamment à la vue de pâtes de fruits, et qui nous rappelle aussi que la vengeance est un plat qui se mange froid.

Délicieux, un film d’Eric Besnard
Avec Grégory Gadebois, Isabelle Carré, Benjamin Lavernhe, Guillaume de Tonquédec …
En salle depuis le 8 septembre 2021

4 commentaires:

peter barnouw a dit…

Divertissant est bien le mot mais j'avais l'impression d'être pensionnaire d'un EHPAD avec un programme sur la nature de la France profonde. Disons plutôt un film ennuyeusement divertissement avec des prestations des comédiens assez agréables mais le tout est trop propret.

peter barnouw a dit…

Divertissement est, en effet le mot qui convient mais j'avais de temps à autres l'impression d'être déjà admis dans un EHPAD regardant un programme nature sur France 3. Bref, tout est propret, jusqu'à la farine bien blanche à la fin. Je ne savais pas que l'on raffinais la farine à un tel point à l'époque de cette histoire. Un divertissement ennuyeux et propret.

Michelle D. a dit…

Bonsoir
merci pour ton article et ton avis sur ce film Délicieux, c'est bien d'avoir d'autres opinions. bonne soirée

tadloiducine a dit…

Si je comprends bien, c'est le "traitement" du sujet comme une "fable", avec le côté "incroyable", qui vous a empêché de déguster avec plaisir cette "comédie dramatique".
Pour ma part, sachant que ce n'était fondé sur aucun fait historique, j'ai surtout savouré la reconstitution "d'ambiance d'époque", qui me faisait penser à l'univers du film "Ridicule".
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

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